Messages clés de la conférence 10de Baveno VII

Publié le 28 Oct 2022 à 10:44

 

Les consensus de Baveno sont la référence concernant la prise en charge de l’hypertension portale (HTP). La dernière conférence en date s’est tenue en octobre 2021, avec de nouvelles recommandations plus larges et publiées le 31 décembre 2021(1) . Il s’agit d’une des actualités incontournables en hépatologie pour l’année 2022. Celles-ci ont déjà été entièrement traduites en français en avril dernier dans Hépato-Gastro et Oncologie Digestive que nous vous invitons à lire(2) . Le but de notre article ici n’est pas de vous présenter les recommandations de façon exhaustive mais de présenter aux internes quelques messages clés de la conférence de Baveno VII, dans un format réduit et concis, en nous concentrant sur les nouvelles propositions ou les modifications. Les recommandations ont été classées en nouvelles, modifiées ou inchangées par rapport à la conférence de consensus de Baveno VI de 2015. Elles ont été gradées selon le système GRADE de A (élevée) à D (faible) avec un niveau de preuve de 1 (fort) ou 2 (faible).

La conférence de Baveno VII s’est concentrée sur dix thèmes : Le gradient de pression veineuse hépatique (HVPG) : Techniques et interprétations

Message n°1

La méthode d’occlusion à l’aide d’un cathéter à ballonnet gonflable est la technique de référence pour évaluer le gradient de pression veineuse hépatique (Nouveau) (A1). Une valeur HVPG 10 mmHg défi nit une hypertension portale cliniquement significative (HTPcs) (Modifi é) (A1).

Le premier chapitre met l’accent sur l’importance de la mesure HVPG. Sa mesure n’est pas indispensable mais s’avère utile pour stratifi er le risque de décompensation et de décès lié à la maladie hépatique.

Méthodes non-invasives pour le diagnostic et le suivi des hépatopathies chroniques avancées compensées (HCAc)

Message n°2

Les valeurs de l’élasticité du foie par élastographie impulsionnelle < 10 kPa en l’absence de signe clinique ou à l’imagerie, éliminent une HCAc ; les valeurs entre 10 et 15 kPa sont évocatrices d’HCAc et les valeurs > 15 kPa sont fortement évocatrices d’HCAc (Modifié) (B1).

Le therme d’hépatopathie chronique avancée compensée HCAc reflète le continuum entre la fi brose sévère et la cirrhose chez les patients avec une hépatopathie chronique. L’élastographie impulsionnelle permet ainsi de stratifi er le risque de décompensation et de décès liés à la maladie hépatique (Figure 1) .

Prise en charge d’une HCAc après élimination du facteur étiologique principal

Message n°3

L’élimination du facteur étiologique principal est défi nie par une réponse virologique soutenue (RVS) chez les patients atteints d’hépatite C, la viro-suppression complète chez les patients atteints d’hépatite chronique B en l’absence de co-infection par le virus de l’hépatite Delta et le sevrage en alcool au long cours chez les patients avec une hépatopathie liée à l’alcool (Nouveau) (A1).

Ce chapitre montre l’importance de la suppression du facteur étiologique primaire de l’hépatopathie chronique mais également du contrôle des comorbidités des patients ayant une HCAc. L’objectif étant de diminuer l’hypertension portale mais également le risque de décompensation hépatique. Il ne faut donc pas oublier de prendre en charge le surpoids/obésité, le diabète et les maladies cardio-vasculaires car elles sont également impliquées dans la progression de la maladie hépatique. La surveillance pour recherche du carcinome hépatocellulaire doit être continuée.

Autre proposition notable

Si l’HCAc est traitée par-bloquants sans HTPcs (Elasticité < 25kPa) après élimination du facteur étiologique primaire et endoscopie à 1-2 ans ne montrant pas de varices œsophagiennes, les bloquants peuvent être arrêtés. (Nouveau) (C2)

Impact des traitements non étiologiques

Message n°4

L’utilisation des statines est à encourager chez les patients atteints d’une cirrhose et avec une indication validée de statines, car elle pourrait diminuer la pression portale (A1) et améliorer la survie globale (B1) (Modifié).

Autres propositions notables

Il faut retenir une dose maximale de simvastatine de 20mg/jour en cas de cirrhose Child C. L’aspirine a un effet potentiel sur la diminution du risque de carcinome hépatocellulaire (CHC).

Prévention d’une première décompensation

Message n°5

Un traitement par-bloquants non-cardiosélectifs (carvedilol* ou propranolol, nadolol) doit être discuté dans la prévention de la décompensation chez les patients avec HTPcs (Nouveau) (B1). *Le carvédilol a un eff et vasodilatateur anti-alpha adrénergique contribuant à une meilleure réduction de l’hypertension portale contrairement au propranolol ou nadolol.

L’une des principales nouveautés dans la prévention d’une première décompensation hépatique est l’introduction de la notion d’HTPcs pour guider l’introduction des -bloquants. Si l’on suspecte une hypertension portale cliniquement signifi cative, avec des arguments forts (GPVH 10 mmHg ou élasticité hépatique 25 kPa), un traitement par -bloquants non-cardiosélectifs peut être débuté sans réaliser d’endoscopie.

Hémorragie digestive par rupture de varices

Message n°6

La pose d’un TIPS préemptif avec une prothèse couverte de polytetrafluoroéthylène dans les 72 heures (idéalement < 24 heures) est indiquée chez les patients avec une hémorragie digestive par rupture de VO ou oesogastriques GOV 1 et GOV 2 qui présentent un des critères suivants : Child-Pugh C < 14 ou Child-Pugh B > 7 avec hémorragie active à l’endoscopie initiale ou GPVH > 20 mmHg au moment de l’hémorragie (Modifié) (A1).

Ici aussi, la mesure de l’HVPG est intégrée à la prise en charge des hémorragies digestives. La notion d’une hypertension portale avec une HVPG > 20 mmHg prédit un risque de récidive hémorragique plus important chez ces patients et justifi e le TIPS préemptif. Dans ce cadre-là, l’encéphalopathie, l’ictère ou l’ACLF ne sont pas des contre-indications au TIPS. Ici aussi, la mesure de l’HVPG est intégrée à la prise en charge des hémorragies digestives. La notion d’une hypertension portale avec une HVPG > 20 mmHg prédit un risque de récidive hémorragique plus important chez ces patients et justifi e le TIPS préemptif. Dans ce cadre-là, l’encéphalopathie, l’ictère ou l’ACLF ne sont pas des contre-indications au TIPS.

Prévention d’une nouvelle décompensation

Message n°7

Chez les patients avec une ascite récidivante (_ 3 ponctions de grand volume dans l’année), un TIPS doit être discuté quel que soit le statut endoscopique des varices ou l’antécédent d’hémorragie digestive (Nouveau) (A1).

Autres propositions notables

La transplantation hépatique doit toujours être discutée en cas de cirrhose décompensée (Nouveau) (A1). La malnutrition ou la sarcopénie doit être évaluée et prise en charge (nutrition, exercice physique) (Nouveau) (B1).

Thrombose veineuse splanchnique

Message n°8

Devant une thrombose de la veine porte (TVP) récente sans cirrhose, il faut débuter un traitement par héparines de bas poids moléculaire à la phase initiale, puis un relais par antagonistes de la vitamine K quand cela est possible (Modifié) (B1). Bien que les données soient limitées, les anticoagulants oraux directs (AOD) peuvent être utilisés en première option chez des patients sélectionnés, en l’absence d’un syndrome des anti-phospholipides. (Nouveau) (C2)

Avec les données récentes d’études rétrospectives sur l’efficacité et la tolérance des AOD chez les patients sans cirrhose avec une TVP, il nous est possible de les prescrire en première intention(3) . Il n’y a pas encore de consensus concernant la supériorité d’un AOD par rapport à un autre.

Autres recommandations liées aux maladies vasculaires du foie

Message n°9

Concernant les AOD, il n’y a pas d’inquiétude à avoir concernant les patients avec une cirrhose Child-Pugh A. Ils peuvent être prescrits avec prudence chez les patients avec une cirrhose Child-Pugh B, mais également chez les patients avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 30 ml/min. Pour les patients atteints de cirrhose Child-Pugh C, les AOD ne sont pas recommandés en dehors d’études cliniques (Nouveau) (B2). Dans le cadre de TVP associées à une cirrhose, les AOD peuvent également être prescrits en faisant attention aux patients Child-Pugh B. Ils ne sont pas recommandés pour les patients Child-Pugh C.

Dans le cadre de TVP associées à une cirrhose, les AOD peuvent également être prescrits en faisant attention aux patients Child-Pugh B. Ils ne sont pas recommandés pour les patients Child-Pugh C.

Message n°10

Le diagnostic de MVPS devrait être envisagé dans les situations suivantes :
1. signes d’HTP contrastant avec des caractéristiques atypiques pour une cirrhose (par exemple : un GPVH < 10 mmHg, une élasticité hépatique <_10_kPa, des contours hépatiques réguliers et pas d’atrophie du segment IV, ou des communications entre les veines hépatiques, bien qu’aucune de ces caractéristiques ne soit pathognomonique de la MVPS), ou caractéristiques ne soit pathognomonique de la MVPS), ou
2. des anomalies des tests hépatiques ou une HTP chez un patient qui a un état connu pour être associé aux  MVPS ou
3. des anomalies inexpliquées des tests hépatiques, même en l’absence de signes d’HTP (Nouveau) (B1).

Le dernier chapitre est consacré aux maladies vasculaires porto-sinusoïdales. Il s’agit d’un spectre de maladies caractérisées par une atteinte des petits vaisseaux pour lesquelles le diagnostic et la prise en charge s’avèrent complexe(4) .

Conclusion

La conférence de Baveno VII, s’est concentrée principalement sur l’hypertension portale et la stratification des risques liées à une hépatopathie chronique. Beaucoup de propositions n’ont pas été traitées ici, nous vous encourageons à consulter les recommandations dans leur version originale (1) ou traduite (2).

Messages clés de la conférence de Baveno VII

Une GPVH _ 10 mmHg défi nit une hypertension portale cliniquement significative. L’élasticité du foie par élastographie impulsionnelle permet de stratifier le risque de décompensation et de décès liés à la maladie hépatique. Une disparition du facteur étiologique principal de l’hépatopathie chronique et le contrôle des comorbidités permettent de diminuer l’hypertension portale et le risque de décompensation hépatique mais ne doit pas faire oublier la prévention du carcinome hépatocellulaire. L’usage des statines est à encourager. Lorsqu’une hypertension portale cliniquement significative est suspectée un traitement par _-bloquants peut être débuté sans endoscopie. Une GPVH _ 20 mmHg au cours d’une hémorragie par rupture de varices pose l’indication d’un TIPS préemptif. Chez les patients avec une ascite récidivante un TIPS doit être discuté ainsi que la transplantation hépatique.

Références

  • de_Franchis R, Bosch J, Garcia-Tsao G, Reiberger T, Ripoll C, Abraldes JG, et al. Baveno VII – Renewing consensus in portal hypertension. Journal of Hepatology. 1 avr 2022;76(4):959-74.
  • Larrue H, Moga L, Bouzbib C, Plessier A, Thabut D, Bureau C. Recommandations de la conférence de Baveno VII. Hépato-Gastro & Oncologie Digestive. 1 avr 2022;29(4):425-42.
  • Naymagon L, Tremblay D, Zubizarreta N, Moshier E, Troy K, Schiano T, et al. The effi cacy and safety of direct oral anticoagulants in noncirrhotic portal vein thrombosis. Blood Adv. 25 févr 2020;4(4):655-66.
  • De Gottardi A, Rautou PE, Schouten J, Rubbia-Brandt L, Leebeek F, Trebicka J, et al. Porto-sinusoidal vascular disease: proposal and description of a novel entity. Lancet Gastroenterol Hepatol. mai 2019;4(5):399-411.
  • Nathan GRELLIER
    Avec un grand merci à la
    Pr Christine Silvain (HGE CHU de Poitiers)
    pour la relecture

    Article paru dans la revue “Association Française des Internes d’Hépato-Gastro-Entérologie” / AFIHGE01

    L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

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