Masseur-kinésithérapeute en SSR gériatrique

Publié le 18 May 2022 à 15:30


Samuel est Masseur-Kinésithérapeute en service de Soins de Suite et de Réadaptation gériatrique et a accepté de répondre à nos questions.

Bonjour, pourrais-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton parcours ?
Je suis masseur-kinésithérapeute diplômé de l’Institut de Formation aux métiers de la Rééducation de Limoges depuis 2019. Il s’agit d’une formation de 5 ans (1 année de PACES + 4 ans en Institut de formation en kinésithérapie). Au cours de celle-ci, différents champs d’activités sont appréhendés que ce soit par des modules théoriques, pratiques mais également aux travers des différents stages.

La formation est dispensée par des médecins, kinésithérapeutes, enseignants-chercheurs, psychologues…

Après l’obtention de mon diplôme, j’ai souhaité orienter mon activité en secteur public dans un service gériatrique. J’ai exercé dans deux structures, l’hôpital Vaugirard à Paris puis l’hôpital Corentin Celton à Issy-les-Moulineaux au sein de services d’Unité Gériatrique Aiguë (UGA) puis de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).

Pourquoi exerces-tu en SSR gériatrique ? Est-ce par choix ?
Oui, c’est un vrai choix !

L’exercice de la masso-kinésithérapie en SSR gériatrique me permet d’avoir une pratique très généraliste, de nombreux champs d’activités y sont rencontrés (orthopédique, cardio-respiratoire, neurologique…) tout en gardant un aspect spécialiste de la personne âgée. En sortant du diplôme, je ne souhaitais pas m’orienter vers une pratique qui allait restreindre mon champ d’activité à une seule spécialité, la gériatrie permet cela.

De plus, le contexte polypathologique des patients en SSR gériatrique est un défi en rééducation, les cas cliniques sont tous différents et souvent complexes… Cela m’oblige à effectuer un bilan précis et mettre en place un plan de rééducation qui va considérer l’ensemble des déficiences récentes ou anciennes de mon patient.

On a tendance à considérer la personne âgée comme une personne fragile que l’on ne peut pas faire beaucoup travailler en rééducation, c’est faux ! Certains de mes patients bénéficient de 1h30 à 2h de séances par jour : c’est autant que beaucoup de sportifs de haut niveau. Il faut adapter la charge de travail dans les séances et/ou fractionner les séances dans la journée et respecter plus de temps de repos.

Au quotidien, à quoi ressemble ton activité ?
Au quotidien, l’aspect principal reste bien sûr les patients et leurs rééducations. La priorité absolue en tant que kinésithérapeute en Gériatrie est de lutter contre les troubles liés au décubitus. En fonction de notre bilan diagnostique masso-kinésithérapique et des déficiences observées, nous définissons en collaboration avec le patient et l’ensemble des autres acteurs du service un plan de rééducation. Ce plan est bien sûr évolutif en fonction de différents paramètres qui peuvent être : l’évolution de l’état de santé du patient, les progrès ou non observés, ainsi que la situation sociale du patient.

La rééducation vise à rendre le maximum d’indépendance fonctionnelle au patient. Pour cela, nous passons par différentes étapes qui peuvent être des verticalisations, travail de la marche avec ou sans aides techniques, travail de composantes respiratoires ou cardiaques, réhabilitation neurologique centrale, troubles musculosquelettiques en lien ou non avec un contexte de chute…

Nous réalisons des prises en charge individuelles en chambre ou sur plateau technique, mais aussi des prises en charge collectives. Ces dernières permettent d’instaurer une dynamique sociale favorable à la motivation mais aussi de recréer du lien et lutter contre l’isolement pendant l’hospitalisation.

Les échanges sont nombreux que ce soit avec :
• L’équipe médicale qui prescrit nos interventions et qui attend un retour régulier des progrès observés afin de planifier dans les meilleures conditions la suite de l’hospitalisation ;
• Les équipes soignantes qui sont un relais essentiel au bon déroulé de la rééducation de nos patients car ils sont au contact nuits et jours avec eux et permettent de réinvestir les progrès acquis en rééducation dans les actions de la vie hospitalière et quotidienne ;
• L’ensemble des rééducateurs du service pour une bonne coordination de nos activités ainsi qu’une optimisation de nos actes dans le cadre d’une prise en charge interdisciplinaire. La Gériatrie est un champ d’activité où beaucoup d’intervenants ont un rôle essentiel/crucial à jouer il est donc primordial d’aller au contact de ceux-ci pour une bonne pratique.

Peux-tu nous décrire en quoi consiste une séance de kinésithérapie plus en détail ?
Tout d’abord, nous agissons sous prescription médicale. Il n’est pas nécessaire d’y faire figurer le nombre de séances ou encore le contenu de ces séances. En effet, depuis le décret n°2008-1135 du 3 novembre 2008 du Code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes, « le masseur kinésithérapeute est libre de ses actes » (article R. 4321-59 du Code de la Santé Publique). Ainsi, lorsqu’un patient m’est prescrit, je vais à la rencontre de celui-ci, souvent dans sa chambre dans un premier temps, pour réaliser un bilan. Celui-ci est composé :

• D’un interrogatoire (qui peut être plus ou moins facile/pertinent en fonction notamment de l’état cognitif du patient) ;
• D’une observation morpho-statique et/ou morpho- dynamique du patient ;
• D’une évaluation de sa ou ses douleurs (il faut ici éliminer certains « drapeaux rouges » comme par exemple le risque thrombo-embolique) ;
• D’une évaluation cutanée, trophique et vasculaire ;
• D’une évaluation de ses amplitudes articulaires (elle se réalise de manière passive pour le patient afin d’observer uniquement les secteurs d’amplitudes articulaires et de ne pas être limité par d’éventuelles faiblesses musculaires) ;
• D’une évaluation des fonctions musculaires, il s’agit d’une évaluation comparative au côté sain ;
• Et enfin, les capacités fonctionnelles du patient (ses transferts couché-assis, assis-debout, sa marche, son indépendance fonctionnelle dans les gestes de la vie quotidienne…).

A la fin de mon bilan, un certain nombre de déficiences est observé. Et c’est en fonction de cellesci ainsi que du projet fonctionnel négocié avec le patient et l’équipe que je vais établir mon plan de rééducation.

Les séances de rééducation vont chercher à diminuer la douleur au travers de différentes techniques (physiothérapie, massage mais surtout le mouvement), accompagner la « bonne » cicatrisation, contribuer à la diminution d’un oedème, redonner lorsque cela est possible des amplitudes articulaires normales ou à défaut fonctionnelles. Bien souvent, il faut aussi redonner de la force à nos patients, ils sont nombreux (en raison d’une sédentarité, de l’âge ou encore d’un alitement prolongé) à présenter une amyotrophie importante. Il faut donc renforcer les muscles dans une composante fonctionnelle (exemple : les membres inférieurs travaillent en chaîne cinétique fermée il est donc préférable de les faire travailler ainsi) tout en ayant pour objectif l’endurance musculaire.

Ces exercices peuvent s‘inscrire dans des activités fonctionnelles telle que la marche sur terrain plat, la montée d’escalier, un parcours de marche avec obstacles… En effet, la motivation des patients est plus importante dans des activités dites « écologiques » c’est-à-dire de la vie quotidienne.

Enfin, avec l’ensemble des rééducateurs, nous proposons aux patients des ateliers de prévention du risque de chute en abordant les techniques de relevé du sol, comment alerter en cas de chute, adapter son environnement pour diminuer les risques…

Tout cela n’est qu’à titre d’exemple et ne constitue évidemment qu’une partie de mon activité, bilan ou rééducation. Il est évident que pour une personne présentant un trouble neurologique central ou encore une BPCO la prise en charge sera différente.

Et tes patients, comment te perçoivent-ils ?
Nous avons beaucoup de chance parce que nous avons « le beau rôle » en kinésithérapie. Nous permettons au patient de regagner en indépendance, ce qui est un sentiment très positif pour lui. C’est un des rares moments pendant une hospitalisation où le patient va sentir qu’il a une action concrète sur sa récupération et sur son devenir. Bien sûr, il existe des relations parfois plus complexes en fonction, par exemple, de l’état psychologique du patient (dépression, …). La kinésithérapie nécessite une participation active du patient, la motivation doit donc être au rendez-vous, mais nous avons la plupart du temps de bons retours de la part de nos patients ce qui est moteur dans notre activité quotidienne.

La dimension humaine en Gériatrie est très importante. On ne s’oriente pas vers cette discipline si l’on n’aime pas prendre du temps pour rassurer et accompagner nos patients. Les séances de kinésithérapie sont des moments privilégiés pour les personnes âgées pour échanger. Pour certains de nos patients qui sont isolés socialement, nos séances sont un vrai bol d’oxygène.

Samuel BORD
Masseur-kinésithérapeute
Service SSR gériatrique, Hôpital Corentin Celton, APHP
Pour l’Association des Jeunes Gériatres

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°27

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