Maladie rare : les mucopolysaccharidoses ou MPS

Publié le 10 May 2022 à 17:47

Introduction

Les mucopolysaccharidoses (MPS) sont des maladies de surcharge lysosomale causées par l'accumulation de glycosaminoglycanes (GAG). Les MPS sont rares avec une incidence globale de 1:25 0000 à 1:30 000 naissances.

La transmission est autosomique récessive à l’exception de MPS II qui est liée à l'X. Les gènes responsables pour les 11 déficits enzymatiques correspondant aux 7 sous-types cliniques (MPS I-IV, VI et IX) ont été identifiés.

Les MPS sont des maladies chroniques, progressives et multiviscérales dont les symptômes peuvent débuter dès la petite enfance. Des complications neurologiques peuvent survenir dans plusieurs MPS.

Les méthodes diagnostiques incluent le dosage des GAG urinaires et des activités enzymatiques, et l'analyse moléculaire.

Il existe à ce jour deux traitements spécifiques pour le traitement de certains types de MPS : la transplantation de cellules souches hématopoiétiques (TCSH) et le traitement enzymatique substitutif (TES). Le choix du traitement dépend du type de MPS, du phénotype, de l’âge et de l’état neurologique du patient.

Ces maladies multisystémiques nécessitent une prise en charge multidisciplinaire et globale adaptée à chaque type de MPS et à chaque patient.

Le but de cette revue est de sensibiliser les pédiatres au diagnostic de ces maladies afin de pouvoir orienter les patients vers une prise en charge spécialisée.

Les maladies lysosomales

Les lysosomes sont des organelles de la cellule, responsables du renouvellement des constituants cellulaires et contenant des enzymes cataboliques opérant en milieu acide.
Les maladies lysosomales, appelées aussi maladies de surcharge, constituent un groupe hétérogène, caractérisé par une accumulation lysosomale de macromolécules non digérées responsables d’une augmentation de la taille de ces organelles, entraînant un dysfonctionnement cellulaire et des anomalies cliniques.
Ce sont donc des maladies chroniques, progressives et multiviscérales par définition.
Le diagnostic de ces maladies est aisé par des techniques immuno-enzymatiques et par biologie moléculaire.
Sur le plan thérapeutique, la transplantation de cellules souches hématopoïétiques a été utilisée efficacement dans certaines de ces maladies lysosomales. Un traitement par enzymothérapie substitutive est également possible pour certaines d’entre elles.

1°) Le tableau clinique

L’expression clinique des MPS est extrêmement variable en fonction du type de MPS, avec des particularités spécifiques à chaque type. Cette expression clinique peut également être différente au sein du même type de MPS : on décrit ainsi un continuum allant d’une forme très sévère dont les symptômes peuvent débuter dès la période anténatale à une forme très modérée diagnostiquée à l’âge adulte.

L’atteinte est généralement multisystémique et progressive.

    a) Particularités communes

  • Atteinte morphologique : une dysmorphie existe dans la plupart des cas, associant des traits épais, une saillie des bosses frontales, une macrocranie, une ensellure nasale marquée avec des narines larges et antéversées, une macroglossie, des cheveux drus, une hypertrichose…
  • Atteinte digestive : l’hépatosplénomégalie est présente dans la majorité des MPS. Il peut y avoir également des hernies inguinales et/ou ombilicales, qui peuvent récidiver après une intervention chirurgicale.
  • Atteinte cardiaque : Il existe souvent une valvulopathie, parfois une cardiomyopathie, une hypertension artérielle ou une coronaropathie.
  • Atteinte ORL : l’encombrement rhinopharyngé chronique et les infections ORL à répétitions sont souvent le premier signe de certaines MPS. Il peut y avoir une surdité à la fois de transmission et de perception. Certains patients présentent des apnées du sommeil.
  • Atteinte ophtalmologique : Les opacités cornéennes sont fréquentes orientant parfois le diagnostic. Il peut également y avoir des troubles de la réfraction tels une hypermétropie, une myopie ou un astigmatisme, une atteinte de la rétine, un glaucome.
  • Atteinte orthopédique : les anomalies squelettiques sont précoces et dominent souvent le tableau clinique. Celles-ci comportent une instabilité cervicale, une cyphose thoraco- lombaire, une déformation thoracique, une dysplasie acétabulaire parfois associée à un risque de nécrose épiphysaire fémorale proximale, une déformation des membres inférieurs en genu valgum, un syndrome du canal carpien ou cubital…


Mains en griffe

 
Dysplasie acétabulaire

 
Compression médullaire cervicale

  • Atteinte neurologique : Il peut y avoir un retard des acquisitions psycho-motrices, pouvant évoluer vers une déficience intellectuelle de degré divers et/ou un état grabataire avec perte progressive des fonctions cognitives et motrices. Dans certains cas on note des troubles du comportement, une hyperactivité, des troubles du spectre autistique ou des troubles du sommeil. Il y a parfois une hydrocéphalie. Une compression médullaire progressive est souvent présente à différent niveau du rachis.
    Un pluri-handicap apparaît de façon progressive dans la majorité des cas, voire un poly-handicap s’il y a une atteinte neurodégénérative.
  • Atteinte endocrinienne : une avance staturo- pondérale est habituelle au cours des premières années de vie, puis apparaît une cassure de la croissance staturale.
  • Atteinte pulmonaire : celle-ci peut être obstructive ou restrictive liées à l’atteinte orthopédique. Des infections pulmonaires à répétition peuvent exister.

b) Particularités spécifiques
MPS I : (déficit en alpha-L-iduronidase)
Elle présente un continuum phénotypique dans lequel on peut identifier 3 entités bien décrites.

  • Maladie de Hurler ou type I-H : les enfants sont normaux à la naissance avec des signes qui apparaissent progessivement dès les 1ers mois de vie et un âge de diagnostic entre 4 et 18 mois devant des signes morphologiques, viscéraux et orthopédiques (hernies inguinales/ ombilicales, cyphose thoraco-lombaire, enraidissement articulaire, macrocéphalie, infections ORL récidivantes ou encombrement respiratoire chronique). Le tableau s’enrichit progressivement vers une atteinte multiviscérale et neurodégénérative.
  • Maladie de Scheie ou type I-S : les 1ers signes apparaissent après 5 ans avec un diagnostic fait le plus souvent dans la 2ème ou parfois la 3ème décennie devant un enraidissement polyarticulaire invalidant, un syndrome du canal carpien, des opacités cornéennes, une surdité, parfois une atteinte valvulaire cardiaque et une compression médullaire.
  • Maladie de Hurler-Scheie ou type I-HS : forme de gravité intermédiaire où les patients sont possiblement atteints de déficience intellectuelle modérée avec des manifestations physiques, osseuses et viscérales moins sévères que dans le type I-H et plus sévères que dans le type I-S.

MPS II ou maladie de Hunter (déficit en iduronate sulfatase) : on distingue deux formes :

Type II-A : le tableau est proche de celui de la MPS I-H avec une atteinte neurodégénérative au 1er plan (troubles comportementaux importants dès la 1ère année de vie) et des atteintes viscérales et orthopédiques proportionnellement moins marquées.

 

Type II-B : il n’y a pas d’atteinte neurodégénérative bien qu’une atteinte intellectuelle modérée et fixée puisse être présente.

MPS III ou maladie de San Filippo
Elle est due à 4 déficits enzymatiques différents. Il prédomine une atteinte neurodégénérative progressive avec un syndrome pyramidal et extra-pyramidal associé à une épilepsie conduisant à une perte de l’autonomie progressive et un état grabataire avec démence au cours de la deuxième décennie. L’hépatosplénomégalie et l’atteinte osseuse sont inconstantes et tardives par rapport aux signes de régression neurodéveloppementale.

MPS IV ou maladie de Morquio
On en distingue 2 formes : MPS IVA ou maladie de Morquio A (déficit en galactose- 6-sulfate sulfatase), forme la plus fréquente, et MPS IVB ou maladie de Morquio B (déficit en bêta galactosidase). Les manifestations ostéoarticulaires sont au premier plan.

MPS VI MPS VI ou maladie de Maroteaux- Lamy (déficit en arylsulfatase B)
Dans les formes sévères, le diagnostic se fait en général avant l’âge de 2 ans devant une diminution de la vitesse de croissance, des déformations squelettiques, des opacités cornéennes, des traits du visage épais et une obstruction des voies aériennes supérieures. Les formes cliniques rappellent la MPS-I mais il n’y a pas d’atteinte neurodégénérative. Néanmoins les problèmes sensoriels et la limitation motrice peuvent retentir sur les apprentissages et l’autonomie. Des formes lentement progressives avec atteintes essentiellement ostéo-articulaire et cardiopulmonaire ont été décrites.

MPS VII ou maladie de Sly (déficit en bêta-glucuronidase)
C’est une affection très rare, la plupart des cas étant diagnostiqués en période anténatale. Seulement quelques patients sont actuellement vivants en France.

MPS IX (déficit en hyaluronidase)
Dernière MPS décrite et exceptionnelle, elle se manifeste par de multiples masses périarticulaires dans les tissus mous et des kystes synoviaux. Aucun cas n’a été diagnostiqué en France à ce jour.

2°) Confirmation du diagnotic
L’étude des GAGs quantitative et qualitative permet d’orienter les activités enzymatiques à étudier. La confirmation diagnostique repose sur la mise en évidence d’un déficit enzymatique dans les leucocytes, le sérum, les fibroblastes ou les amniocytes en culture et les villosités choriales. La recherche de mutations du gène codant pour l’enzyme déficitaire est systématiquement proposée et permet dans certains cas de prédire la sévérité du phénotype.

La recherche de lymphocytes vacuolés sur frottis sanguin peut être un élément d’orientation.

3°) Traitement
Les traitements symptomatiques sont au premier plan et relèvent d’une prise en charge multidisciplinaire (ORL, ophtalmologues, cardiologues, neuropédiatres, chirurgiens orthopédiques, neurochirurgiens, anesthésistes, chirurgiens viscéraux, médecin de réadaptation physique, stomatologues…).

Actuellement, deux thérapeutiques spécifiques sont disponibles : la transplantation de cellules souches hématopoiétiques (TCSH) et le traitement enzymatique substitutif (TES). Le choix du traitement dépend du type de MPS, du phénotype, de l’âge et de l’état neurologique du patient.
La TCSH concerne le plus souvent les patients atteint de MPS I de forme sévère (maladie de Hurler). Pour les autres types de MPS I, MPS II, MPS IV voire MPS VI, les indications peuvent se discuter au cas par cas quand le diagnostic est très précoce, voire néonatal.
Le traitement par enzymothérapie substitutive (TES) consiste à apporter de façon exogène au patient l’enzyme manquante grâce à des perfusions intraveineuses hebdomadaires, à vie. Le TES doit être instauré dans un Centre de Référence ou de Compétence des Maladies Héréditaires du Métabolisme ou Lysosomales. Il existe un TES pour les MPS-I, MPS-II, MPSIV, MPS VI et très prochainement MPS VII.
De nombreuses approches thérapeutiques sont en cours d’essais thérapeutiques tels que les enzymothérapie intra-thécales ou intracérébrales, les thérapies géniques, les réducteurs de substrats…
Le traitement doit être coordonné par un médecin d’un Centre de Compétence ou de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme ou Lysosomales.
Un Protocole National de Diagnostic et de Soins a été publié en 2016 pour aider les médecins à prendre en charge ces maladies en parallèle avec leur Centre de Compétence ou de Référence.

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Dr Pichard SAMIA
Hôpital Robert Debré, Paris

Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°16

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