Lumière sur Romain Bordas - Commotion et performance sportive

Publié le 16 Jun 2023 à 14:38

 

Pouvez-vous vous présenter ?

Romain Bordas, je suis orthoptiste de formation. Je suis actuellement gérant du centre Neuro vision Sport et Performance à Lyon, laboratoire de nouvelle génération où l’on retrouve les dernières technologies de neurostimulation avec principalement deux axes de travail :

  • Performance : sportive, scolaire, professionnelle, bienêtre et séniors ;
  • Pathologie : post-commotion du sportif et troubles de l’attention de l’enfant et de l’adulte.

Quel a été votre parcours universitaire ? professionnel ?

J’ai été formé et diplômé à Clermont-Ferrand en 2006. Je suis à la suite de mon diplôme recruté comme orthoptiste-formateur et chercheur au Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Mont pied et à la Faculté de Médecine de Clermont-Ferrand.

Je me spécialise en neurovision et particulièrement dans l’aspect cognitif des mouvements oculaires où j’ai étudié la qualité des saccades, de poursuite et de fixation pendant une tâche de lecture. Ça a permis de démontrer qu’en prévenant l’enfant qu’on allait lui poser des questions sur le texte, le temps de fixation était majoré et les stratégies d’exploration étaient plus performantes. La maturation des stratégies d’exploration sur les stratégies de lecture atteignent leur maturité à l’âge de 11-12 ans alors qu’on pensait leur maturation vers l’âge de 6-7 ans. Le temps de fixation sur la prise d’information en lecture ressemblait plus à celle de l’adulte à 12-13 ans.

Je continue mes recherches pendant ces années sur les troubles des apprentissages de l’enfant (dyspraxie et dyslexie), les lésions cérébrales et les techniques d’eyetracking (enregistrement des mouvements des yeux). En parallèle, je me forme à la réfraction et je développe le premier protocole de dépistage visuel pour les sportifs de haut niveau que j’effectue avec le club de rugby ASM Clermont-Auvergne.

Suite à cela, je développe à Genève puis à Los Angeles et enfin à Lausanne des laboratoires de sciences cognitives axé sur une approche neurovisuelle dédiée à l’amélioration des performances sportives, scolaires et professionnelles, j’intègre par la suite des nouveaux protocoles pour les sportifs commotionnés cérébraux. Je suis alors en relation directe avec toutes sortes de sportifs tels que des pilotes de Formule 1, footballeurs, skieurs...

Pourquoi avez-vous fait le choix de vous orienter vers une carrière auprès des sportifs ?

Parmi le club de sportifs Clermont-Ferrand où j’ai mis au point un protocole de dépistage visuel, on s’est rendu compte que 30 % des joueurs ne voyaient pas correctement et 10 % des sportifs avaient une pathologie non dépistée. C’était une nouvelle approche qui me permettait de m’exprimer dans cette voie.

La vision correspond à 85 % des traitements sensoriels et des afférences cérébrales. La plasticité cérébrale est le développement neuronal qui est inhérent à la vision.

« On apprend parce qu’on voit »
Quelles sont les aptitudes visuelles capables d’influencer les performances visuelles ?

Il existe beaucoup de caractéristiques à prendre en jeu. On doit être capable de voir correctement de loin sans effort accommodatif, converger, diverger très rapidement, percevoir les couleurs, avoir une oculomotricité fi ne, un champ visuel périphérique développé...

Toutes ces compétences sont indispensables à la bonne vision. Elles vont êtres évaluées individuellement pour par la suite les faire fonctionner toutes ensembles dans une tâche d’eyetracking.

Par exemple, dans l’un des exercices de neurotracker que j’utilise, il faut suivre 4 balles sur 8 en 3D. Se mettent alors en jeu la convergence, l’acuité visuelle, la vision des couleurs mais également tous les phénomènes de diplopie physiologique, les phénomènes parallactiques de déplacement des yeux dans une zone très proche de l’horoptère.

Par ailleurs, on va stimuler l’attention visuelle dans le champ visuel périphérique qui est amoindrie. Contrairement à nos ancêtres australopithèques voués à être chasseur et être chassés, on priorise la prise d’informations centrale dans la vie de tous les jours, ce qui diminue notre attention dans cette partie de notre champ visuel.

C’est souvent que lorsqu’on évalue toutes ces fonctions individuellement, tout semble correct mais dès lors de la mise en fonction toute ensemble, on trouve un déficit, une hypo-hypersensibilité.

Existe-t-il des besoins à privilégier selon chaque sport ?

Si on prend l’exemple d’un pilote de F1 : en gagnant de la vitesse, son champ visuel périphérique va diminuer. Avec du travail de stimulation visuelle, cette attention peut s’améliorer. En ouvrant son champ visuel, le pilote aura l’impression de ne plus avoir besoin de regarder ses rétroviseurs, il pourra plus prendre ses marques de freinages, de repère sans les regarder et va pouvoir se concentrer sur sa ligne, ses courbes et trajectoires.

Ce qui va nous intéresser, c’est la vitesse de traitement des informations. Ainsi, il n’aura plus l’impression de piloter à 350km/h mais à 200, ce qui ouvre une fenêtre attentionnelle plus élargie.

Pour les sports collectifs, c’est un peu différent, pour un rugbyman, on cherchera plus à distribuer son attention sur l’ensemble de la scène visuelle qui l’entoure et pas seulement le joueur porteur du ballon mais également de juger les bonnes distances, les possibilités de transmission du ballon, son rapport visuo-spatial avec le terrain.

Dans ces deux cas, l’attention périphérique va être différente en termes d’approche mais va être aussi intéressante pour l’un que pour l’autre.

Comment se déroule le bilan d’évaluation des performances visuelles ? Quels sont les outils qui sont utilisés ?

J’utilise quelques bases orthoptiques mais la plus grande partie d’un bilan d’évaluation chez Neurovision, Sport et Performances vont être faites grâces aux technologies de la stimulation en 3D avec une technique de lunettes polarisantes. Ces lunettes polarisantes vont permettre de faire un cover-test alterné très rapidement.

Le bilan orthoptique va pouvoir m’indiquer si on voit bien de principe en testant par exemple l’acuité visuelle, vision stéréoscopique, la convergence, la vision des couleurs pour éliminer un daltonisme (ce qui va me permettre de travailler avec des lunettes rouge-vertes), l’oculomotricité, etc. Le bilan est essentiel, il permet d’éliminer tout trouble visuel. Un micro strabisme non dépisté sur un travail de polarisation alternante fera lever le scotome, créant une diplopie irrémédiable d’où l’importance d’un bilan visuel de principe. Dans le cas d’un micro strabisme, le travail sera alors effectué en 2D.

La deuxième partie du bilan d’évaluation va permettre de savoir comment on traite les informations en même temps. On va s’intéresser à :

  • L’anticipation des trajectoires
  • L’inhibition
  • Domaine visuo spatial
  • Mémoire dans l’espace
  • Perception des contrastes
  • Éblouissement
  • etc.

Ce sont des patients qui vont s’enfoncer dans leur symptomatologie au fi l des semaines, des mois voire des années. Un trouble de l’oculomotricité est retrouvé dans 50 % des cas de commotions cérébrales chez les sportifs. Un traitement d’insuffisance de convergence est INTERDIT chez un patient commotionnel sous peine de majorer les symptômes. Le traitement visuel des patients commotionnels est purement réfractif. Il est indispensable de faire intervenir des spécialistes en commotion cérébrale.

L’addition de syndrome post-commotionnelle peut développer une encéphalopathie traumatique chronique, neuro dégénérescence globale, entraînant des déficits sociaux majeurs.

Article paru dans la revue « Le magazine de la Fédération Française des Étudiants en Orthoptie » / FFEO N°01

 

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