Le Zoom - Oncologie - Efficacité et sécurité du vaccin thérapeutique contre HPV dans le traitement de lésions CIN2/CIN3 :

Publié le 26 Mar 2024 à 07:05
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°2


Une revue de la littérature et une Méta-analyse d’essais cliniques de phase II et III

Efficacy and safety of therapeutic HPV vaccines to treat CIN 2/CIN 3 lesions: a systematic review and meta-analysis of phase II/III clinical trials.

Ibrahim Khalil A and al, BMJ Open 2023

Mots-clés
Therapeutic HPV vaccine, cervical intraepithelial neoplasia, cervical cancer, HPV clearance

Les infections aux HPV sont les infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes dans le monde (1). Actuellement, la prise en charge des lésions induites par les HPV dépend du grade (CIN) et de la localisation de la lésion mais également des ressources de chaque pays. Le traitement de référence des lésions de haut grade (CIN 2 et CIN 3) est la résection par anse diathermique (technique d’exérèse), ou la conisation dans certains cas. Dans les pays aux ressources limitées, les traitements ablatifs (cryothérapie et destruction thermique) sont très souvent utilisés pour les mêmes types de lésions car moins coûteux. De plus, les conisations sont associées à un plus grand risque de saignement, infectieux, et parfois obstétrical.
La prise en charge des femmes qui ont soit des lésions CIN 2/3, soit des infections à risque élevé par l’HPV sans lésions à haut grade n’est pas encore optimisée. Le vaccin thérapeutique, conçu pour éliminer les cellules infectées par l’HPV, pourrait être une stratégie plus simple pour traiter efficacement les lésions CIN et éliminer définitivement le virus (2). Bien qu’aucun vaccin thérapeutique n’ait reçu d’autorisation de mise sur le marché, un certain nombre d’essais de phase II et de phase III ont été menés pour évaluer leur efficacité. Cette revue systématique et méta-analyse a pour but d’évaluer l’efficacité et la sécurité des différents types de vaccins développés dans le traitement des lésions CIN2 et 3.

Matériel et Méthodes

Douze essais cliniques de phase II ou III rapportant l’efficacité des vaccins thérapeutiques HPV utilisés seuls pour traiter les lésions CIN 2/3 ont été inclus. Ils ont été publiés entre 2004 et 2021.

Les études incluses étaient de 3 types :

  • 6 essais cliniques randomisés (ECR) (5 dans lesquels les patientes du bras intervention recevaient le vaccin et celles du bras contrôle recevaient un placebo. Dans le dernier toutes les patientes recevaient le vaccin à des doses différentes).
  • 3 études contrôlées non randomisées (ENR) dans lesquelles les témoins étaient traités immédiatement par ablation ou excision et les cas par le vaccin (pour ces études, seules les patientes recevant le vaccin étaient incluses dans cette méta-analyse).
  • 3 études à bras unique (EBU) (dans lesquelles toutes les patientes recevaient le vaccin).

Les études différaient également sur le type de vaccin, son mode (per os, sous-cutanée ou IM), sa fréquence d’administration, la dose et la zone où il était administré (locale ou générale).

Le critère de jugement principal était la régression d’une lésion de dysplasie de haut grade (CIN 2/3) confirmée histologiquement. Celle-ci se définissait comme un résultat histologique normal ou CIN 1, ou bien d’une combinaison d’un test HPV à haut risque négatif et de l’absence de lésion cervicale de haut grade à la cytologie et à la colposcopie.

Les critères de jugement secondaire étaient la clairance de l’HPV à haut risque et la sécurité du vaccin.

La proportion de cas ayant présenté une régression des lésions dans le groupe vacciné a été comparée à celle du groupe témoin utilisant un placebo. Seuls les essais cliniques randomisés ont finalement été utilisés dans les analyses statistiques afin de calculer les risques relatifs (RR).

Résultats

Au total, sur 734 femmes (toutes les études considérées) recevant un vaccin thérapeutique, 414 ont vu leur lésion régresser à un état normal ou en CIN 1, avec une proportion globale de régression de 0,54 (IC à 95% 0,39 à 0,69). Dans le groupe placebo de 166 femmes (données des 5 essais cliniques randomisés), seulement 44 femmes ont obtenu une régression totale de leur lésion soit une proportion de régression de 0,27 (IC à 95% 0,20 à 0,34).

Lorsque seules les cinq études randomisées comparatives sont incluses, la proportion de régression des lésions des 410 femmes du groupe vaccin (0,45) est supérieure à celle des 166 femmes du groupe contrôle (0,27) avec un Risque Relatif (RR) de 1,52 (IC à 95% 1,14 à 2,04).

  Nombre totale
de patientes Patientes ayant eu une
régression clinique Proportion
de régression Vaccin ECR 410 183 0,45 ENR 237 202 0,81 EBU 87 29 0,43 Total 734 414 0,54 Placebo 166 44 0,27

Concernant les objectifs secondaires :

La clairance du virus HPV

Sur la base de trois des essais cliniques randomisés, la disparition des HPV à haut risque était significativement plus élevée dans le groupe vacciné (250 participantes) par rapport au groupe contrôle (104 participantes), avec un RR de 2,03 (IC à 95% 1,30 à 3,16). En prenant en compte dans l’analyse uniquement les HPV 16 et 18, le RR reste significatif à 2,00 (IC à 95% 1,22 à 3,27).

Sécurité du vaccin thérapeutique

Dans l’ensemble, les données des essais cliniques randomisés et à bras unique suggèrent que les vaccins thérapeutiques contre HPV sont généralement bien tolérés, avec un profil d’effets indésirables similaire à celui des vaccins prophylactiques contre HPV.

Ainsi, les réactions au site d’injection représentent la majeure partie des effets indésirables retrouvés dans le groupe vacciné. On identifie également des épisodes d’asthénie ou de fièvre post-vaccinal.

Discussion

Cette méta-analyse a montré que les vaccins thérapeutiques actuellement disponibles ont une efficacité modeste pour obtenir une régression des lésions CIN2 et 3. Alors que les vaccins permettent une régression globale de 54 % des lésions CIN 2/3, le traitement par des techniques d’excision de référence peut traiter plus de 90 % de ces lésions avec succès (3). Néanmoins, en l’absence de traitement, le taux de régression spontané des lésions est de seulement 27 %, 54 % avec le vaccin représenterait alors une nette amélioration dans une situation où la conisation ne serait pas réalisable. Le vaccin pourrait donc s’avérer intéressant dans des pays à faible revenu, où l’accès au traitement de référence est très limité et coûteux.

L’efficacité modeste, mais bien présente, du vaccin dans l’élimination de l’HPV pourrait également avoir un impact important en santé publique car il n’existe pas de traitement de référence favorisant la clairance du virus. Les vaccins thérapeutiques, bien qu’évalués sur un intervalle de suivi court, ont permis d’éliminer 42 % des infections HPV à haut risque. Cette donnée est encourageante, car la proportion de femmes porteuses d’un HPV à haut risque qui éliminent l’infection serait doublé par rapport à une clairance spontanée.

En conclusion, il conviendrait de s’attarder sur le rôle le plus pertinent du vaccin thérapeutique contre les HPV. Il pourrait avoir une place déterminante chez les femmes porteuses d’un HPV à haut risque sans lésion détectable. En effet, à ce jour un suivi rapproché de ses patientes est réalisé dans la plupart des pays. Il pourrait également être utilisé en séquentiel ou en complément d’un traitement de référence en cas de lésions CIN2/3 (4).

Ainsi, d’avantages d’études sont nécessaires pour évaluer la place, le coût, la faisabilité, la durabilité et la sécurité à plus long terme de ce vaccin thérapeutique.

Take Home Messages

L’utilisation du vaccin thérapeutique contre les HPV dans le traitement de lésion CIN2/3 est d’efficacité modeste, et inférieure à un traitement de référence ablatif ou d’éxérèse.

Il serait intéressant de trouver une meilleure place du vaccin thérapeutique que celle proposée par les études analysées dans cette méta-analyse : clairance de l’HPV à long terme chez les patientes présentant un portage sans lésion ou en complément d’un traitement de référence ablatif ou d’éxérèse.


Mathilde Blary
Interne en Gynécologie Médicale
5ème semestre
Lyon


Dr Christine Rousset Jablonski
Praticienne en Centre de Lutte Contre le Cancer (CLCC)
Centre Léon Berard et à l’Hôpital Femme mère enfant
Lyon

Références

  • World Health Organization. WHO guidelines for the use of thermal ablation for cervical pre-cancer lesions. WHO: Geneva, 2019.
  • Bagarazzi ML, Yan J, Morrow MP, et al. Immunotherapy against HPV16/18 generates potent TH1 and cytotoxic cellular immune responses. Sci Transl Med 2012;4:155ra138.
  • Arbyn M, Redman CWE, Verdoodt F, et al. Incomplete Excision of Cervical Precancer as a Predictor of treatment failure: a systematic review and meta-analysis. Lancet Oncol 2017;18:1665–79.
  • M Jentschke, J Kampers, J Becker, et al. Prophylactic HPV vaccination after conization: A systematic review and meta-analysis Vaccine 2020;38:6402–09.
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    Publié le 1711433106000