Le Syngof vous Informe : Révision des lois de bioéthique

Publié le 1652482273000

Comment moderniser l’Assistance Médicale à la Procréation en France ?

A la veille de la révision des lois de bioéthique, il nous paraissait important d’enrichir notre réflexion par un éclairage des patients sur l’apport de l’AMP pour les personnes infertiles et autres, et dont le témoignage est représentatif de la demande sociétale


Virginie RIO* propos recueillis par B. de ROCHAMBEAU**

B de R : Virginie Rio, pouvez-vous nous présenter votre association ?
V. R : L’association COLLECTIF BAMP a été créée en 2013, à la sortie de la précédente révision des lois de bioéthique où nous n’avions pas du tout entendu la voix des personnes concernées. Il était donc important de faire entendre le point de vue des couples hétéro- sexuels ayant recours à l’AMP en France, avec plusieurs ambitions : délivrer des témoignages sur les parcours AMP, informer les patients et l’opinion publique sur ces questions liées à l’AMP, à l’infertilité et au don de gamètes, et agir au niveau de la prise en charge et au niveau politique car il semblait important de moderniser l’assistance médicale à la procréation en France, en particulier sur le plan des dispositifs légaux. Enfin, notre vocation est d’accompagner les personnes en amont, durant le parcours et après qu’ils en soient sortis avec enfants ou sans enfants. Nos adhérents sont en majorité des couples dans la tranche d’âge 25-35 ans, quelques femmes seules et des donneurs et donneuses de gamètes.

B. de R : Quels sont vos moyens de sensibilisation ?
V. R : Les réseaux sociaux sont un outil important d’information et de sensibilisation, nous avons un site internet et la panoplie classique des autres réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram). Nous organisons des rencontres avec des bénévoles un peu partout sur le territoire. Nous avons uniquement des actions d’information, de sensibilisation et d’écoute, nous ne délivrons pas de conseils médicaux et renvoyons toujours les patients vers les médecins. Mais nous leur délivrons des informations dont ils peuvent ensuite discuter avec leurs médecins. Nous avons élaboré un dossier à destination des professionnels sur les synéchies, ainsi qu’un document pour les patientes.
Nous essayons d’organiser une semaine de sensibilisation à l’infertilité tous les ans, à l’occasion de laquelle nous proposons des conférences avec des patients, des médecins, des chercheurs en sciences sociales ou sur les aspects juridiques, mais aussi des cinés-débats par exemple. Cette année, la semaine aura lieu du 4 au 10 novembre, en même temps que la semaine européenne de la fertilité organisée par Fertility Europe.
Nous participons également au congrès FFER depuis 5 ans et aux journées du Collège depuis 2 ans. Avec l’agence de biomédecine nous participons au groupe de travail sur le don d’ovocytes et nous travaillons à distance sur celui sur l’AMP-Vigilance.
Nous travaillons également depuis deux mois à la constitution d’un comité scientifique où nous sou- haiterions inviter des professionnels de santé pour participer à notre réflexion.

B.de R : Quelles avancées avez-vous déjà obtenues ?
V. R : En 2016, dans le cadre de la loi Santé, nous avons obtenu les autorisations d’absence qui per- mettent aux personnes qui souhaitent en bénéficier de mieux articuler le temps de travail et le temps des protocoles de soins d’AMP. Le fait de pouvoir travailler avec l’Agence de la biomédecine et de participer aux colloques spécialisés, c’est aussi une avancée importante dans la mise en œuvre de la démocratie sanitaire, dont l’objectif est de rendre le patient acteur de son parcours de soin, mais aussi de participer aux instances ou ce parcours de soin se décide, s’élabore.
Nous avons publié un manifeste avec 48 propositions pour améliorer la prise en charge de l’AMP en France, avec 4 axes prioritaires :

  • Faire un effort sur la prévention de la fertilité, en réponse à la dégradation de l’environnement qui a un impact sur les gamètes humains et contribue à augmenter les difficultés procréatives.
  • Améliorer la prise en charge, ce qui implique d’augmenter les moyens des équipes, de simplifier l’accès de l’AMP à tous, et de faciliter le don de gamètes.
  • Reconnaître les patients de l’AMP comme des acteurs de leur parcours de soins.
  • Repenser l’organisation juridique et le cadre éthique de l’assistance médicale à la procréation en France.

Dans le cadre des Etats Généraux de la bioéthique, nous avons écrit une contribution et avons été auditionnés par le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) en février 2018 pour présenter nos quatre propositions centrales :

  • Modifier la définition et les indications du recours à l’AMP pour l’ouvrir à toutes les femmes.
  • Repenser la question du don de gamètes : nous proposons de mettre en place une commission qui puisse réunir plusieurs acteurs (médecins, Cecos, adultes nés d’un don, parents) pour dresser un bilan et réfléchir aux axes d’amélioration.
  • Elargir l’autorisation d’autoconservation des ovocytes.
  • Autoriser le dépistage des embryons aneuploïdes pour évaluer leur viabilité en amont des transferts.

Les questions du don de gamètes, de la levée de l’anonymat et de la filiation sont également au cœur de notre combat mais pour le moment on ne nous donne pas la possibilité de nous exprimer sur ces sujets. Nous ne souhaitons pas notamment que la filiation des enfants nés via un don de gamètes soit modifiée, tel que c’est proposé dans le rapport Touraine. Nous sommes par ailleurs d’accord pour que les enfants puissent avoir des informations sur la personne qui a donné ses gamètes.

B. de R : Aidez-vous les patients qui vont à l’étranger à ne pas faire d’erreur pour ne pas avoir des problèmes quand ils reviennent sur le territoire français ?
V. R : Au sein de l’association nous avons en effet plusieurs adhérents qui, par choix ou par contraintes, vont à l’étranger. Nous n’avons pas de partenariat avec des cliniques à l’étranger car nous avons fait le choix de faire changer les choses en France. Mais nous in- formons nos adhérents sur ce qui existe, notamment par l’intermédiaire d’un document que nous avons récemment élaboré, intitulé “Guide d’information des cliniques Européennes. Comment choisir un centre de fertilité ? ». Nous leur expliquons en particulier le fait qu’ils passent d’un statut de patient en France à ce- lui de client à l’étranger. Par exemple, pour des pays comme l’Espagne et la Belgique où la qualité médicale n’est pas à remettre en cause, nous les mettons en garde contre les démarches marketing et les appelons à la plus grande vigilance. Toutefois, il est important de rappeler qu’il existe une possibilité de prise en charge par l’Assurance Maladie pour le recours à un établissement à l’étranger sous certaines conditions et sur lettre du gynécologue.

B. de R : Dans le cadre des lois de bioéthique, estimez-vous qu’il puisse y avoir une limite de technique à ne pas franchir ?
V.R : Il nous paraît surtout primordial de discuter des intérêts thérapeutiques et de l’efficacité pour les patientes, et de ne pas être dans des oppositions frontales. Il ne faut pas s’empêcher de trouver des techniques innovantes pour améliorer d’une part les diagnostics et d’autre part les résultats. Il faut apporter des moyens pour la prise en charge : les délais sont déjà très longs pour la prise en charge par les équipes et pour le don de gamètes encore plus.
Du côté des donneurs, les comportements ont évolué grâce aux réseaux sociaux. On observe par exemple une solidarité féminine pour le don d’ovocytes. Il faut faire évoluer les mentalités et obtenir une loi de bioéthique qui soit le reflet de cette évolution sociétale.

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°117

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