Le syndrome de la dent couronnée chez la personne âgée

Publié le 17 May 2022 à 19:04


 
SAVOIR L’ÉVOQUER DEVANT UN TABLEAU DE MÉNINGITE

RÉSUMÉ
Nous rapportons ici le cas d’un patient de 90 ans ayant pour symptômes la triade : céphalées, fièvre et syndrome inflammatoire biologique. Le scanner cérébral sans injection a permis, après relecture, de faire le diagnostic du syndrome de la dent couronnée d’évolution favorable après traitement par COLCHICINE et ainsi d’éviter des gestes invasifs tels que la ponction lombaire.

Mots clés : chondrocalcinose - dent couronnée  cervicalgies aigües

Adresse de correspondance : Service de gériatrie, CHU AMIENS nord, 80054 Amiens, Cedex 1. Tél. : 03.22.45.57.11.
Auteur correspondant : Thomas RENONCOURT, interne de DES de gériatrie, AMIENS. Courriel : [email protected]

Le syndrome de la dent couronnée est une pathologie peu connue mimant un tableau clinique de méningite. Il faut savoir l’évoquer afin d’éviter la réalisation de gestes invasif inutiles, d’autant que le scanner sans injection est un examen disponible et rapide, permettant de toujours confirmer le diagnostic. Nous rapportons ici le cas d’un patient de 90 ans consultant pour céphalées. 

OBSERVATION
M. L. 90 ans a été adressé aux urgences pour céphalées et poussée hypertensive. Ses antécédents sont marqués par de l’arythmie complète par fibrillation auriculaire (ACFA) traitée par FLUIDIONE. A l’examen clinique, il n’a pas été mis en évidence de signes de focalisation neurologique, les céphalées étaient pulsatiles et occipitales.

Le bilan biologique et le scanner cérébral sans injection étaient sans particularités. M. L. est alors rentré au domicile après normalisation de la pression artérielle sous NICARDIPINE. Le lendemain, il s’est de nouveau présenté aux urgences pour le même motif. Cette fois-ci, le bilan biologique montrait une hyperleucocytose à 12 000/mm3 et une protéine C réactive (CRP) à 150mg/l associé à une bandelette urinaire positive aux nitrites avec hématurie sans leucocyturie. Il a été mis en place un traitement probabiliste par CEFTRIAXONE, puis M. L. a été admis dans notre service de gériatrie aigüe. A l’entrée les céphalées ont laissées place à une raideur de nuque associée à de la fièvre. La ponction lombaire pour éliminer une méningite n’a pas était effectuée en l’absence d’autres signes évocateurs francs et de la présence du traitement par FLUIDIONE non antagonisé. Le syndrome inflammatoire ne s’améliorant pas, une fenêtre thérapeutique a été décidée. C’est la relecture des coupes cervicales hautes sur le scanner réalisé aux urgences qui a finalement permis de faire le diagnostic de syndrome de la dent couronnée avec la mise en évidence d’hyperdensités typiques autour de l’odontoïde. Un traitement par COLCHICINE un comprimé par jour pendant dix jours a été mis en place et a permis une régression totale des cervicalgies, du syndrome inflammatoire biologique et de la fièvre en 48-72 heures.

DISCUSSION
Le syndrome de la dent couronnée est une crise d’arthropathie microcristalline cervicale de la vertèbre C2, à type de dépôts de chondrocalcinose dans 80 % des cas ou de cristaux d’apatite dans les 20 % restants (1, 2). Il a une prévalence estimée de 2 %, sans incidence connue et est probablement sous-diagnostiqué (3). Le pronostic est très favorable sans séquelles. Il est présent à 61 % après 75 ans, la femme est plus fréquemment touchée et les facteurs de risques de la maladie sont les mêmes que pour la chondrocalcinose articulaire et l’arthropathie à hydroxyapatite (1). Le diagnostic est clinique et radiologique. Dans 70 % des cas il y a la triade clinique complète associant fièvre, raideur de nuque et céphalées occipitales. Un fort syndrome inflammatoire est présent dans près de 50 % des cas (1, 3). Devant cette clinique, le diagnostic différentiel principale est la méningite infectieuse, mais la raideur est différenciée du signe de KERNIG car elle est dans le mouvement de rotation à 45° et non lors de la flexion cervicale ; puis viennent la spondylodiscite, la cervicarthrose, la pseudo polyarthrite rhizomélique, la maladie de HORTON, et la polyarthrite rhumatoïde à début rhizomélique. Dans plus de 50 % se sont ces diagnostiques qui sont évoqués en premier ce qui donne lieu à de nombreux examens complémentaires. Le scanner cervicale sans injection avec des coupes coronales et axiales centrées sur C1-C2 permet le diagnostic dans 100 % des cas (1, 4). Le syndrome de la dent couronnée donne des images de calcifications pathognomonique autour du ligament cruciforme de l’odontoïde. Il n’y a pas d’intérêt à réaliser des radiographies du rachis cervicale ni d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Il est utile en cas de suspicion diagnostique de réaliser des radiographies des genoux, des poignets et des mains à la recherche d’arguments en faveur d’une chondrocalcinose. Les complications sont rares et sont représentées par la spondylolisthésis, la subluxation de C1-C2, une compression médullaire nécessitant une décompression chirurgicale et plus fréquemment par une perte fonctionnelle articulaire du rachis cervical en cas d’absence de traitement. La prise en charge de référence est la prise d’anti- inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de COLCHICINE (3). Les symptômes cliniques et le syndrome inflammatoire biologique s’améliorent dès les premières 48h, associés à une résorption des calcifications en imagerie dans les 2 premières semaines (1, 2).

Dépôt microcristallins de l’odontoïde

CONCLUSION
Le syndrome de la dent couronnée est un diagnostic différentiel de la méningite avec la triade associant la présence d’une fièvre, d’une raideur de nuque en rotation de 45°, céphalées occipitales. Il est dû le plus souvent à une crise de chondrocalcinose articulaire. C’est le scanner cervicale centré sur C1-C2 qui affirme le diagnostic dans 100 % des cas. L’évolution est rapidement favorable sous COLCHICINE et est de très bon pronostic fonctionnel.

RÉFÉRENCES

  • Eighteen cases of crowned dens syndrome: presentation and diagnosis. Valnet, GODFRIN. BESANCON : ELSEVIER MASSON, 2013, Vol. 59.
  • Syndrome de la dent couronnée: série de 18 cas et revue de la littérature. Valnet, GODFRIN. BESANCON : s.n., 2011.
  • Crowned dens syndrome: case of a 94 year old female patient revealed throught an unexplained inflammatory syndrome. Hayette, REZIGUE. Novembre 2017, la revue de gériatrie , Vol. 42.
  • Crowned dens syndrome mimicking meningitis. Kei-ichi, ISHIKAWA. s.l. : the japanese society of international medicine, 2010.
  • Thomas RENONCOURT1, Sanaa HANNAT1, Frédéric BLOCH1
    1 - Service de gériatrie, Pôle autonomie, CHU Amiens - Picardie, Amiens.

    Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°19

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