Le syndrome catatonique - késako ?

Publié le 02 Nov 2022 à 14:39

 

AVERTISSEMENT LECTEUR : Cet article thématique va commencer par un cas clinique...

  • S, 81 ans, arrive en court séjour gériatrique pour « altération de l’état général ». Il est adressé par son EHPAD qui n’arrive plus à le prendre en soins depuis plusieurs semaines. Le patient ne s’ali- mente pas, a perdu 10kg en 3 mois, est agressif lors des soins depuis 3 mois mais là, vraiment, depuis 4 jours, il ne parle plus, ne bouge plus, garde les yeux fermés en permanence mais crie quand on le touche et il se met à transpirer avec des poussées de fièvre... Le bilan biologique est pourtant rassurant : une natrémie qui augmente légèrement, pas de syndrome infl ammatoire, pas d’anomalie thyroïdienne, hépatique ou rénale. Par contre il existe une hypoalbuminémie à 27 g/L et une calcémie légèrement augmentée dans ce contexte.
  • Le patient est admis directement de son EHPAD après un appel à la hotline de gériatrie. À l’arrivée, le diagnostic est vite évoqué en observant le pa- tient et confirmé par le psychiatre de l’équipe de liaison...

    Yeux fermés, stupeur, posturing, oppositionnisme

    Signe de l’oreiller = catalepsie

    Le patient présente un syndrome catatonique

    Définition

    Le syndrome catatonique est un syndrome complexe associant des symptômes neurologiques principa- lement moteurs (difficulté au démarrage et à l’arrêt d’un mouvement) et des symptômes psychiatriques. La première conception « psychiatrique » est présentée par Kahlbaum (1828-1899) comme une intrication neuro-psychiatrique avec des formes et des étiologies différentes. La présentation de la maladie pouvait comprendre la mélancolie (repli sur soi, ralentissement psychomoteur, mutisme), la manie (hyperkiné- tisme, exaltation et logorrhée), l'atonie (maintien de posture, convulsions et la flexibilité cireuse) et la

    5www.assojeunesgeriatres.fr démence (notamment dans sa phase avancée un patient apathique et aphaso-apraxo-agnosique). Kraeplin (1859-1926) classe la catatonie dans les formes de « démences précoces » et de « schizophrénies » (1). Cela a entraîné des prises en charge inappropriées et dangereuses pour les patients via la prescription d’antipsy- chotiques (2). En France, les approches historiques du syndrome catatonique sont plus « neurologiques », classant pendant longtemps la catatonie dans les formes de Parkinsonismes (3).

    Dans le DSM-V, pour affirmer un syndrome catatonique, la personne doit avoir au moins 3 de ces 12 signes psychomoteurs (4) :

     

    D’autres symptômes sont possibles (5) comme :
    - L’Ambitendance : le patient est bloqué dans un mouvement indécis car l’examinateur envoie un signal moteur et un signal verbal contradictoire. Classiquement, l’examinateur présente sa main comme pour être salué tout en déclarant : « Ne me serrez pas la main. Je ne veux pas que vous la serriez ».

    - Les verbigérations : répétitions de mots ou de phrases, sans sens ( impression d’un disque rayé)

    Les travaux de Peralta et al. en 2001 (6) ont classifié les symptômes dont le pouvoir prédictif positif était fort (tableau 1) et permirent d’affirmer le nombre de symptômes nécessaires (n=3) pour annoncer un diagnostic de syndrome catatonique (tableau 2).

    Tableau 1 : Aptitude au diagnostic selon les signes cliniques moteurs discriminants

     

    Tableau 2 : Aptitude au diagnostic selon le nombre de symptômes catatoniques retrouvés

     

    Dans le cas de M. S, l’association de 8 signes positifs laissait peu de place au doute !

    Évaluation sémiologique pratique du syndrome catatonique !

    *= Pression artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, température, saturation en O2, hypersudation

    Focus sur la catatonie maligne (8)

    La catatonie maligne est une forme sévère de catatonie avec stupeur (ou forte agitation), dysautonomie (labilité tensionnelle, hypersudation, fièvre), contractures musculaires, défaillance respiratoire et peut aller jusqu’au coma et au décès. Elle ressemble fortement au syndrome malin des neuroleptiques et est considérée comme une « catatonie induite par les médicaments » (9, 10). Son pronostic est péjoratif avec une mortalité élevée de 10 à 20 %. La présentation clinique du patient peut ressembler à un choc septique mais les investigations cliniques sont négatives (11).

    Échelle de cotation de catatonie de Bush-Francis

    Protocole d’examen
    - Observer le patient en essayant d’engager la conversation. > Signes cliniques : Niveau d’acti- vité, mouvements anormaux, discours anormal.
    - L’examinateur se gratte la tête de façon exagérée. > Signes cliniques : Échopraxie.
    - Examen des bras à la recherche d’une roue dentée. Tentative de repositionnement, en demandant au patient « laisser votre bras tomber ». Bouger le bras alternativement en douceur et avec force.

    > Signes cliniques : Rigidité, négativisme, flexibi- lité cireuse.
    - Demander au patient d’étendre son bras. Pla- cer un doigt sous la main du patient en es- sayant de lever doucement la main après avoir dit « Ne me laissez PAS lever votre bras ». > Signes cliniques : Obéissance passive (Mitgehen).
    - Tendre la main, « NE me serrez PAS la main ». > Signes cliniques : Ambitendance.
    - Cherchez dans votre poche en disant « tirez-moi la langue, je veux planter une épingle dedans. » > Signes cliniques : Obéissance automatique.
    - Chercher un grasping. > Signes cliniques : Grasping.
    - Vérifier les modifications cliniques d’abord par périodes de 24 heures en insistant sur les signes vitaux, la prise de nourriture, et autres incidents.
    - Observer le patient indirectement par brèves périodes chaque jour.

    Ne côter que les items bien définis. En cas de doute sur la présence d’un item, côter
     0 .

  • Agitation :
    Hyperactivité extrême, agitation mo- trice constante qui semble sans but. Ne pas attribuer à de l’akathisie ou à une agitation dirigée.
    0. Absente.
    1 . Mouvement excessif, intermittent.
    2. Mouvement constant, hyperkinétique sans pé- riode de repos.
    3. Agitation catatonique caractérisée, activité motrice frénétique sans fin.
  • Immobilité/Stupeur :
    Hypoactivité extrême, im- mobilité, faible réponse aux stimuli.
    0. Absente.
    1 . Position anormalement fixe, peut interagir brièvement.
    2. Pratiquement aucune interaction avec le monde extérieur.
    3 . Stupeur, pas de réaction aux stimuli douloureux.
  • Mutisme : Peu ou pas de réponses verbales.
    0. Absent.
    1 . Absence de réponse à la majorité des ques- tions, chuchotement incompréhensible.
    2. Prononce moins de 20 mots en 5 minutes.
    3. Aucune parole.
  • Fixité du regard : Regard fixe, peu ou pas d’ex- ploration visuelle de l’environnement, rareté du clignement.
    0. Absente.
    1 . Contact visuel pauvre, périodes de fixité du regard inférieures à 20 secondes, diminution du clignement des paupières.
    2. Fixité du regard supérieure à 20 secondes, changement de direction du regard occasionnelle.
    3. Regard fixe non réactif.
  • Prise de posture/Catalepsie : Maintien de posture(s) spontanée(s), comprenant les postures banales (ex : rester assis ou debout pendant de longues périodes sans réagir).
    0. Absente.
    1 . Moins de 1 minute.
    2. Plus d’1 minute, moins de 15 min.
    3. Posture bizarre, ou postures courantes mainte- nues plus de 15 minutes.
  • Grimaces : Maintien d’expressions faciales bizarres :
    0. Absentes.
    1 . Moins de 10 secondes.
    2. Moins de 1 minute.
    3. Expression bizarre maintenue plus d’1 minute.
  • Échopraxie/Écholalie : Imitations des mouve- ments ou des propos de l’examinateur.
    0. Absente.
    1 . Occasionnelle.
    2. Fréquente.
    3. Constante.
  • Stéréotypies : Activité motrice répétitive, sans but précis (ex. : joue avec les doigts, se touche de façon répétée, se frotte ou se tapote), le ca- ractère anormal n’est pas lié à la nature du geste mais du fait de sa répétition.
    0. Absentes.
    1 . Occasionnelles.
    2. Fréquentes.
    3. Constantes.
  • Maniérisme : Mouvements bizarres mais orientés vers un but (ex : sauter ou marcher sur la pointe des pieds, salut des passants, mouvements ba- nals exagérés). Le caractère anormal est lié à la nature du mouvement.
    0. Absent.
    1 . Occasionnel.
    2. Fréquent.
    3. Constant.
  • Verbigération : Répétition d’expressions ou de phrases (comme un disque rayé).
    0. Absente.
    1 . Occasionnelle.
    2. Fréquente.
    3. Constante.
  • Rigidité : Maintien d’une posture rigide en dépit d’efforts de mobilisation. Exclure si présence d’une roue dentée ou d’un tremblement.
    0. Absente.
    1 . Résistance légère.
    2. Résistance modérée.
    3. Résistance sévère, ne peut pas être repositionné.
  • Négativisme : Résistance sans motivation appa- rente aux instructions ou tentatives de mobilisa- tion ou d’examen du patient. Comportement d’op- position, fait exactement le contraire de ce qui est demandé.
    0. Absent.
    1 . Résistance légère et/ou opposition occasionnelle.
    2. Résistance modérée et/ou opposition fréquente.
    3. Résistance sévère et/ou opposition constante.
    13. Flexibilité cireuse : Pendant les changements de postures exercés sur le patient, le patient présente une résistance initiale avant de se laisser reposi- tionner, comme si on pliait une bougie.
    0. Absente
    3 . Présente.
  • Aitude de retrait : Refus de manger, de boire et/ou de maintenir un contact visuel.
    0 . Absente.
     1 . Alimentation/interaction minimale(s) depuis moins d’une journée.
     2 . Alimentation/interaction minimale(s) depuis plus d’une journée.
     3 .  Absence totale d’alimentation/interaction pendant au moins un jour.
  • Impulsivité : Le patient s’engage brutalement dans un comportement inapproprié (ex : court dans tous les sens, crie, enlève ses vêtements) sans évènement déclenchant. Après il ne peut pas donner d’explication, ou alors une explication su- perficielle.
    0 . Absente.
     1 . Occasionnelle.
     2 . Fréquente.
     3 .  Constante ou non modifiable.
  • Obéissance automatique : Coopération exagérée avec les demandes de l’examinateur, ou poursuite spontanée du mouvement demandé.
    0 . Absente.
     1 . Occasionnelle.
     2 . Fréquente.
     3 .  Constante.
  • Mitgehen (obéissance passive) : Élévation du bras en « lampe d’architecte » en réponse à une légère pression du doigt, en dépit d’instructions contraires.
    0 . Absent.
     3 .  Présent.
  • Gegenhalten (oppositionnisme, négativisme « musculaire ») : Résistance à un mouvement passif proportionnel à la force du stimulus, paraît plus automatique que volontaire.
    0 . Absent.
     3 .  Présent.
  • Ambitendance : Le patient paraît « coincé », sur le plan moteur, dans un mouvement indécis et hésitant.
    0 . Absent.
     3 .  Présent.
  • Réflexe de grasping : Durant l’examen neurologique.
    0 . Absent.
     3 .  Présent.
  • Persévération : Retour répétitif au même sujet de discussion ou persistance d’un mouvement.
    0 . Absent.
     3 .  Présent.
  • Combativité : Habituellement non dirigée, avec peu ou pas d’explication par la suite.
    0 . Absent.
     1 . Agitation ou coups occasionnels avec un faible risque de blessures.
     2 . Agitation ou coups fréquents avec un risque modéré de blessures.
     3 .  Dangerosité pour autrui.
  • Anomalies neurovégétatives : Température, tension artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, hypersudation.
    0 . Absent.
     1 . Anomalie d’un paramètre (HTA pré-existante ex- clue).
     2 . Anomalie de 2 paramètres.
     3 .  Anomalie de 3 paramètres ou plus.
  • Epidémiologie

    L’épidémiologie précise du syndrome catatonique est mal connue et encore moins en gériatrie ! Des études ont suggérées une prévalence en psychiatrie adulte aiguë de l’ordre de 7 à 13 % (5). Une métanalyse de 2018 (12) regroupant 73 études (dont 55 évaluant le patient lors d’une hospitalisation en psychiatrie) retrouve une prévalence de 9 %. Sur les 110 000 patients inclus, seulement 552 avaient plus de 65 ans mais le taux de prévalence était similaire à 8.5 %. De nombreux auteurs insistent pour dire que le sous-diagnos- tic du syndrome catatonique n’aide pas à connaître sa réelle prévalence (13, 14).

    Physiopathologie (15)

    La physiopathologie exacte est mal déterminée car il n’existe pas qu’une seule forme de catatonie avec une seule origine. Plusieurs modèles sont proposés pour expliquer les symptômes cliniques et certains modèles s’appliquent dans certaines situations uniquement.

    Le modèle « dysfonctionnement moteur » soutenu par Fink et Northoff évoque un déséquilibre dopa- minergique et GABA-ergique dans la liaison lobe frontal → ganglions basaux → tronc cérébral par le biais d'anomalies thalamiques, pariétales, cérébelleuses ou limbiques (16). Le GABA (acide gamma amino-buty- rique) et la dopamine sont les 2 principaux neurotransmetteurs qui interviennent dans cette voie motrice.

    Le modèle « dysfonctionnement des neurotransme­eurs » repose sur une anomalie de la transmission synaptique des voies GABA-ergiques et glutamatergiques. La bonne réponse aux benzodiazépines dans la plupart des syndromes catatoniques appuie cette théorie. Elle a été etayée par des études en imagerie prouvant la diminution de densité des récepteurs GABA-A dans le cortex sensitivo-moteur gauche (17). Le dysfonctionnement GABA dans l’hypothalamus explique aussi les symptômes retrouvés dans la cata- tonie maligne. Enfin, la ressemblance avec le syndrome malin des neuroleptiques évoque bien un blocage synaptique (de la voie dopaminergique cette fois !).

    Le modèle « épileptique » est très intéressant car il explique la fluctuation des symptômes chez certains patients et l’efficacité des benzodiazépines et de l’ECT qui augmentent le seuil épileptogène (et l’aggravation sous neuroleptiques qui eux, le diminuent). L’absence d’activité épileptique détectée lors de l’électro-encéphalogramme peut venir du fait que les zones de décharge sont trop profondes (zones limbiques, lobe frontal). Il est détecté chez les patients catatoniques une activité cérébrale désorganisée et un ralentissement psychomoteur qui disparaissent quand les symptômes catatoniques régressent. Une revue de la littérature évoque « l’état de mal épileptique non convulsivant » comme une étiologie de la catatonie (18) mais ne serait-ce pas plutôt le mécanisme ?

    Un modèle génétique et un modèle immunologique sont également décrits (notamment pour les formes catatoniques de l’enfant et de l’adolescent) (15).

    Diagnostics différentiels du syndrome catatonique (11)

    On distingue les diagnostics différentiels sur les formes « agitées » et sur les formes « stuporeuses ». Pour les formes agitées, il faut penser aux troubles moteurs hyperkinétiques induits par les mé- dicaments et notamment les antipsychotiques et les antidépresseurs. Le patient peut présenter des dystonies, dyskinésies, ou de l’akathisie (9). ( Petite astuce : pour évoquer une akathisie induite par les neuroleptiques, observez le patient : il continue à avoir des mouvements, y compris en position allongée, avec ou sans contention !). Le syndrome confusionnel sous sa forme « psycho-active » peut aussi être évoquée.

    Dans les formes stuporeuses, le patient est hypokinétique. L’examen clinique doit rechercher un syn- drome extra-pyramidal « pur » et traquer les manifestations neurologiques stéréotypées évocatrices d’une épilepsie. Une confusion, sous sa forme hypoactive, doit être traquée

    Étiologies / Terrains prédisposants à la survenue du syndrome catatonique

    Le syndrome catatonique peut être considéré comme une entité « à part entière » ou bien comme un symptôme d’une autre maladie. Dans plusieurs études (synthétisées dans le livre Catatonia (19)) les ori- gines du syndrome catatonique sont divisées en :
    - Troubles de l’humeur (42 %) : que ce soient des troubles bipolaires ou des dépressions unipolaires.
    - Schizophrénie (32 %).
    - Troubles d’origine non psychiatrique (26 %) présentés dans le tableau 3 .

     

    Prise en charge

    Quand le diagnostic est confirmé et que l’échelle de Bush-Francis est remplie, la prise en charge comporte 3 ou 4 étapes :

     

    1- ARRÊT des antipsychotiques :
    c’est un impératif car ils maintiennent voire augmentent le syndrome catatonique, augmente le risque de syndrome malin des neuroleptiques et la conversion vers une catato- nie maligne (11).

    2- Éliminer une étiologie curable :
    si le diagnostic reste clinique, la recherche d’une étiologie doit être systématique (20). Le bilan clinique et paraclinique ressemble à celui des démences rapidement progres- sives pour éliminer les maladies citées dans le tableau 3 :
    - Bilan biologique : NFS, ionogramme sanguin, urée, créatinine, glycémie, TSH, vitamines (B1, B6, B9, B12, D, PP), bilan hépatique, albuminémie et pré-albuminémie, CRP, PTH, CPK, électrophorèse des protéines plasmatiques, cortisolémie à 8h (+/- cortisolurie des 24h), dosage sériques médicamenteux, sérologies VIH, syphilitique, VHB, VHC, recherche de toxiques urinaires, recherche d’anticorps-nucléaires, (cuprémie, cuprurie, céruléoplasmine).
    - Ponction Lombaire.
    - IRM cérébrale (encéphalites, AVC...).
    - Electro-encéphalogramme.

    3- Test thérapeutique au LORAZEPAM (1, 11, 21–24) :
    - Si la prise per os possible et que le patient ne présente pas de signe de gravité : test thérapeutique avec 2mg per os de Lorazépam et réévaluation clinique du patient après quelques heures avec une nou- velle échelle de Bush-Francis. Possibilité de renouveler la prise jusqu’à 6 mg dans la journée.

    - Si la prise per os est impossible : le Lorazépam existe sous forme injectable (ATIVAN®) mais nécessite une Autorisation d’Accès Compassionnel (25). Il faut contacter le pharmacien référent des Autorisations Temporaires d’Utilisation de la pharmacie hospitalière et faire une demande via la plateforme e-Saturne (Petit conseil : avoir son compte déjà prêt sur e-Saturne au cas où !). L’efficacité est plus rapide que par la voie orale. Le test est réalisé avec 1mg de Lorazépam IV, possiblement répété au bout de 5 à 10 minutes jusqu’à 6 à 8 mg par jour en 2 à 3 fois par jour.

    La prise peut être répétée jusqu’à des doses atteignant 24mg par jour (3 x 8mg).

    - Le test est considéré comme positif s’il permet l’amélioration de la moitié des symptômes. Il faut s’at- tendre à une efficacité dans les 24 – 48 heures avec une amélioration de l’échelle de Bush-Francis.
    - Durée du traitement : minimum 6 jours puis régression progressive de la posologie.
    - La rémission est estimée à 70 à 80 % des cas (21, 22).
    3- Electro-convulsivothérapie (ECT). Elle est indiquée en cas d’absence de réponse au Lorazépam (dès les 48 premières heures) ou en première intention, en cas de catatonie maligne avec des signes neurové- gétatifs importants (sur avis spécialisé et selon le pronostic du patient !). Pour certains auteurs, l’ECT doit se « prévoir » dès le diagnostic pour anticiper son accès (11).

    Et les autres traitements ?

    Fondées sur les modèles physiopathologiques expliqués ci-dessus (15), d’autres stratégies thérapeutiques sont proposées pour favoriser la transmission GABA-ergique ou diminuer la neurotransmission du glutamate ( figure 4). Ces traitements peuvent être essayés, sur avis spécialisé, si l’ECT est impossible

    Citons notamment le Zolpidem, les antiépileptiques (Carbamazépine 300 à 600mg ou Valproate de sodium 500 à 1500 mg par jour), les agonistes glutamatergiques (Amantadine 100mg, à augmenter jusqu’à 600mg par jour ou Mémantine 10mg, à augmenter à 20mg par jour). La Clozapine, bien qu’étant un antipsychotique, peut jouer un rôle dans certaines formes de catatonie car elle ne touche pas les récepteurs dopaminergiques (1, 21, 26, 27).

    Évolution et pronostic du syndrome catatonique

    Si le patient est diagnostiqué et traité tôt, l’évolution est favorable. Malheureusement, les retards diagnos- tiques sont fréquents et le patient, surtout âgé, développe des complications graves liés au décubitus et au refus alimentaire (thromboses veineuses profondes, escarres, contractures musculaires, déshydratation, dénutrition...). Des recommandations insistent sur l’hydratation et l’alimentation entérale rapide en cas de refus alimentaire et la prophylaxie antithrombotique en cas d’immobilité (28).

    Dans le cas de M. S., nous sommes intervenus trop tard. Sa forme de catatonie maligne a conduit à son décès en quelques jours. En reprenant l’histoire clinique, le début des symptômes datait de plus de 10 mois...

    Le fait que les symptômes catatoniques évoluent depuis plus de 3 mois et/ou que le patient ait une présentation mutique ou hallucinatoire sont associés à une moins bonne réponse au Lorazépam (29).

    Cas particulier de la catatonie dans les troubles neurocognitifs majeurs (TNCM)

    Il existe malheureusement assez peu de littérature sur le lien entre catatonie et TNCM. On retrouve essen- tiellement des case report ou des séries de cas.

    Dans une étude s’intéressant à dépister de façon systématique les patients admis en psychiatrie avec un TNCM sous-jacent, 6 patients sur 14 avait un diagnostic positif de syndrome catatonique (30). Cinq sur 6 ont été traités par Lorazépam avec une rémission complète du syndrome catatonique. Un case-report évoque une catatonie inaugurale d’une maladie à corps de Lewy (31) avec une résistance aux benzodiazépines et une efficacité de l’Amantadine. Des cas cliniques et des séries de cas retrouvent des syndromes catatoniques dans la Démence Fronto-temporale avec une atteinte sévère du métabolisme frontal. Un traitement par Mémantine et/ou ECT amélioraient les hypométabolismes et le syndrome catatonique (32–34).

    Conclusion Le syndrome catatonique n’est pas si rare que cela... Il est parfois étiqueté de « syndrome de glisse- ment », de « dépression mélancolique », d’ « opposition systématique », etc. Utiliser une échelle clinique peut aider le praticien à faire le diagnostic et proposer le traitement adapté, d’autant plus que celui-ci est efficace ! Cela ne doit pas faire oublier de rechercher une étiologie secondaire et de prévenir les complications liées au décubitus, à l’arrêt de l’alimentation... Les patients avec des troubles neurocogni- tifs majeurs sont peut-être plus à risque, surtout en cas de prise d’antipsychotiques. La collaboration avec des psychiatres est indispensable pour l’accompagnement et la prise en soins des patients pour pouvoir intervenir le plus vite possible.

    12 LA GAZETTE DU JEUNE GÉRIATRE #31
    Dr Nathalie JOMARD Praticien Hospitalier Centre Hospitalier des Monts du Lyonnais [email protected] Pour l’Association des Jeunes Gériatres

    Références
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  • Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°31

     

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    Publié le 1667396372000