Le syndicat : Trois reactions du CFE-CGC

Publié le 30 May 2022 à 11:01

Analyse des propositions par le syndicat santé au travail CFE-CGC :

Nous restons très attachés au conseil en prévention des SST aux employeurs mais aussi aux salariés et leurs représentants ; Cela devra rester une prérogative du service de prévention.

Pour compléter cet avis, nous avons pris une à une les 15 recommandations :

Recommandation 1 et 2 : Donner davantage de lisibilité nationale à la politique de santé au travail et consacrer un effort financier significatif. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur le pilotage du Plan santé travail élaboré par les partenaires sociaux et un effort financier significatif le concernant.

Recommandation 3 : Inciter les branches à s’emparer des questions de santé et de QVT. Cette recommandation parait logique. Cependant la construction de référentiels de branches dans le cadre de la pénibilité pratiquement sans pénibilité pour des activités telle que la logistique montre les limites de l’implication des branches dans la prévention. Nous sommes réservés sur cette recommandation qui demande à être encadrée.

Recommandation 4 : Inciter les entreprises à s’engager davantage dans la prévention. On retient le caractère incantatoire et des facilités de baisse de cotisation.

Recommandation 5 : Articulation santé publique, santé au travail. C’est nécessaire sur certains sujets notamment le stress et les problèmes cardio-vasculaire, Cependant la prise en compte de l’aspect individuel ne doit pas éviter de s’interroger sur le travail, notre mission première. Nous sommes cependant d’accord pour l’évolution du DMP.

Recommandation 6 : Renforcer le rôle de la structure régionale et du médecin du travail. Nous sommes bien d’accord mais nous aurions aimé des mesures plus concrètes et plus de moyens.

Recommandation 7 : Mobiliser efficacement la ressource de temps disponible des médecins du travail et des personnels de santé. On se félicite du rappel de l’importance du suivi individuel. Cependant les propositions font étant de suivi des salariés en télémédecine. Nous pourrions être d’accord afin de réduire les déserts médicaux, sous couvert d’un encadrement très sérieux à discuter en COCT ; Cet encadrement existe déjà en médecine générale, le patient devant être connu au préalable. La plateforme de RDV internet fait référence à la société TSOON qui a été auditionnée. Les adhérents peuvent se rendre sur le site internet pour se rendre compte de la haute estime qu’ils ont des services de santé au travail !

Recommandation 8 : Former les différents acteurs de la prévention dans un objectif interdisciplinaire. La formation, d’accord mais nous préconisons des éléments concrets, la création d’une école nationale comme celle de la santé publique à RENNES ou de la Sécurité Sociale à SAINT-ETIENNE. Cette formation avec des modules interdisciplinaire permettrait de fédérer les équipes. Une doctrine et des références en santé travail sont largement réclamées.

Recommandation 9 : Mieux prendre en charge la prévention des risques liés aux organisations de travail et à leurs transformations. Comment ne pas être d’accord avec la prise en charge du risque organisationnel ! Nous soutenons toutes les propositions.

Recommandations 10 : Mettre en place au sein de chaque structure régionale une cellule spécifiquement dédiée à la prise en charge des RPS. Entièrement d’accord pour la création d’une cellule RPS mobilisable d’autant que nous sommes en échec notoire sur le sujet.

Recommandation 11 : Organiser au sein de la structure régionale un guichet unique. Accord pour le guichet unique.

Recommandation 12 : Permettre l’exploitation collective des données à des fins d’évaluation et de recherche. Nous demandons l’exploitation collective depuis fort longtemps … !!!

Recommandation 13 : Simplifier l’évaluation des risques dans les entreprises pour la rendre opérationnel. La suppression de la Fiche d’Entreprise ne nous plait pas. Une évaluation indépendante et extérieure (FE) est un gage d’efficacité et quasiment un acquis social. D’autre part cela pourrait être la fin de l’action en milieu de travail du médecin.

Recommandation 14 : Proportionner les obligations et les moyens à déployer dans les entreprises en fonction de leur spécificité et des risques effectivement rencontrés par les salariés. On ne peut être que d’accord à la proportionnalité des moyens au risque. Cependant que deviennent les RPS dans ce dispositif ?

Nous soulignons que ce rapport n’aborde pas du tout l’échelon local et l’organisation opérationnelle. Nous ne pouvons pas répondre pour l’instant aux questions précises telle que l’organisation du guichet unique, le devenir de la convention collective, le devenir des indemnités retraites, etc. D’autre part, un certain nombre de recommandations sont incantatoires, leur mise en œuvre n’est pas abordée...

Nous sommes également conscients du travail syndical qui nous attend. Dans un premier temps se tiendra la négociation interprofessionnelle pilotée par la confédération (que nous alimentons de nos réflexions), l’écriture des textes législatifs et la mise en œuvre à l’horizon 2020.

Nous devrons être extrêmement vigilant à :

  • La fusion des services, notre devoir est de maintenir tous les salariés. Certains services parlent déjà de PSE et inquiètent le personnel.
  • Les rémunérations : la convention du CISME est moins favorable que celle des CARSAT alors que cet organisme évoque sans cesse l’attractivité...
  • L’indépendance technique des professionnels qui est incontournable.
  • L’accès à l’entreprise de tous les professionnels de santé au travail. La FE est d’un constat extérieur et indépendant.

Au total, nous avions depuis de nombreux mois des retours très péjoratifs des services qui montraient que le système de santé au travail perdait de son sens. Nous avons demandé des changements permettant à la santé au travail de continuer à exister. La première lecture du rapport Lecoq peut inquiéter. L’analyse plus attentive montre que les lignes peuvent bouger dans un sens favorable pour nos adhérents. Nous devons être très vigilants lors de la négociation et souhaitons la mobilisation de tous.

Déclaration au nom de la CFE-CGC au conseil National d’orientation des conditions de travail (CNOCT) du 29 octobre 2018

Pour la CFE CGC, le rapport établi par Mme Lecocq répond très bien à la lettre de mission du Premier Ministre.
Ce travail de diagnostic et de propositions était nécessaire. Ses conclusions visent à améliorer l’efficacité et l’efficience du système de prévention des risques professionnels ; il propose un dispositif organisationnel permettant de mieux mettre en œuvre le PST3.
L’objectif , est bien d’obtenir un meilleur retour sur investissement tant en termes de santé individuelle, d’économies pour les entreprises, et de finances publiques.

La connaissance scientifique des risques et les méthodologies d’intervention sont, dans leur ensemble, largement possédés par les professionnels de santé au travail qu’ils soient médecins, ingénieurs, toxicologues ou psychologues du travail. La collaboration pluridisciplinaire vient encore renforcer leurs possibilités d’action. C’est sur ce socle solide qu’il convient de construire le futur.

Ce rapport apporte une vision politique nouvelle et forte, affiche un objectif ambitieux dont la santé au travail a besoin ; il diffère des approches et reformes précédentes, plus comptables, plus administratives, plus juridiques, plus corporatistes, cherchant souvent aussi à préserver l’intérêt particulier plutôt qu’ à rechercher l’intérêt collectif, à intéresser préférentiellement au court terme alors que la santé est par essence une démarche de long terme.

Sans reforme, le système actuel s’enfermerait dans un conservatisme suranné, obérant fortement l’avenir. Perte d’efficacité, perte de sens du travail pour les professionnels, baisse d’attractivité, diminution de la qualité des formations universitaires, constitueraient les éléments essentiels d’une spirale négative.

Nous soutenons l’idée de la gouvernance nationale préconisée qui représenterait la clé de voûte organisationnelle du nouveau système. Ce dispositif permettrait de croiser et de mettre en synergie des savoirs, des données, des pratiques, de concevoir des outils communs, de faire évoluer en continu d’efficacité du système. En ce sens, nous partageons l’essentiel contenu dans les 16 recommandations. Cette gouvernance par l’État - représenté par deux ministères - et par les partenaires sociaux offre des garanties de stabilité par un équilibre des pouvoirs, de démarche de long terme, de prise en compte du terrain ; elle s’appuie cependant sur la volonté des acteurs de rechercher le consensus. Nous regrettons que le plan santé, pourtant présenté au GPO avant sa parution, ne mentionne même pas le travail ; il est important qu’une cohérence des schémas de pensée entre santé publique et santé travail soit obtenue.

Au plan organisationnel nous proposons que des organismes ou des personnes qualifiées puissent être représentées ponctuellement mais sans droit de vote, et nous sommes opposés à une représentation des SIST au CA de l’instance au cas où celle-ci serait demandée.

La cotisation unique est un gage de transparence, notamment en ce qui concerne des services de santé au travail. Les conditions de cotisation et de répartition méritent de faire l’objet de débats au sein du CA de l’instance afin d’adapter la distribution aux réalités des territoires et au suivi d’objectifs définis par l’instance nationale. Une charte entre le national et les régions mériterait d’être élaborée en prenant en considération des indicateurs de résultats et un système de contrôle.

La gouvernance régionale est aussi nécessaire car l’opérationnel se joue à ce niveau.

Sur ce thème, les directions des services de santé au travail - dont les effectifs en termes de préventeurs sont les plus importants - imposent la plupart du temps une conception de la prévention des risques professionnels et du paritarisme très éloignée de celle portée par le PST, les PRST dans les CROCT, et l’esprit du rapport Lecocq. Il est donc nécessaire que le projet national soit relayé d’une façon ad hoc régionalement, il ne peut y avoir deux capitaines sur le même bateau.

Par ailleurs, des oppositions se sont constituées contre la gouvernance régionale proposée, certaines ont déjà eu réponse. Nous soutenons le schéma fonctionnel envisagé mais nous sommes ouverts à d’autres scénarios sous réserve de lignes rouges.
Une réserve d’importance parmi ces points positifs, le médecin du travail, pour exercer son action ne doit pas être cantonné dans son bureau mais continuer à avoir une action de terrain. Simple bon sens. Car sinon dans le cas contraire, comment pourrait-il attester du lien entre santé et travail ?

Une réflexion sur l’organisation territoriale du nouveau dispositif doit absolument être menée. Il nous paraît fondamental que l’organisation opérationnelle au niveau régional fasse l’objet d’une démarche en « mode projet » en s’appuyant d’une part sur des acteurs de terrain de régions reconnus comme particulièrement impliqués ; d’autre part, sur le GPO pour des sujets plus politiques ; par exemple :

  • Le socle commun d'une offre de service au niveau régional ;
  • La relation santé travail - santé publique ;
  • L'attractivité dans le nouveau contexte ;
  • Les données en santé au travail dont leur interprétation ;
  • La traçabilité des expositions.

Le rapport du Professeur Paul Frimat considère qu'il est indispensable d'assurer une traçabilité durable. Nous soutenons cette proposition. Celle-ci recommande l'utilisation d'outil simples tels que Seirich développés par l'INRS, pour produire des documents simples qui pourraient faire partie du plan de prévention du rapport Lecocq .

Nous estimons qu'il vaut mieux toucher le plus grand nombre d'entreprises, donc les PME TPE, pour leur apporter les éléments simplifiés de connaissance du risque chimique – même s'ils comportent des approximationsplutôt que de s'appuyer sur des évaluations toxicologiques complexes. Il conviendrait de privilégier, une classification simplifiée du risque, la mise en œuvre de mesures de prévention telles que la captation des polluants, l’aération et l'assainissement des locaux de travail souvent fort mal connue sur le terrain.
Paul Frimat propose d’améliorer la lisibilité du droit en fusionnant la section 1 et la section 2 ; c'est évidemment nécessaire de faciliter l'usage de ce mikado

Le dispositif d'amendes et les dispositifs d'incitation nous paraissent devoir être traités concomitamment avec la proposition 4 du rapport lecocq voulant inciter les entreprises à s'engager davantage dans la prévention.

Pour conclure, il nous paraît utile d'avoir une réflexion globale en prenant aussi en considération deux autres documents récents :

Le rapport sur l'attractivité et la formation des professionnels de santé au travail : il formule de nombreux conseils pour homogénéiser les formations afin d’aboutir au meilleur niveau ; il recommande aussi un pilotage national de la santé au travail.

Le rapport Dharreville qui offre une large palette de propositions politiques sur les plans scientifique, universitaire, épidémiologique technique et financier. Il met aussi en exergue la nécessité de mieux intégrer les maladies psychiques en matière de prévention et de réparation. Ce sujet est, avec le maintien en emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle, un des chevaux de bataille de notre confédération, un nombre croissant de cadres étant touchés par les risques psychosociaux.

Nous adhérons à l'idée conductrice de mettre le travail au cœur de la réflexion.

Ces 4 travaux permettent d’aboutir à une compréhension globale de la situation ; ils contiennent tous les éléments politiques pour élaborer les reformes de structure. A un moment récent ou les incertitudes économique, politique, n’ont jamais été aussi fortes, il nous semble raisonnable et nécessaire de les conduire.


Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°58

Publié le 1653901302000