Le secret médical dans le projet de loi relatif a la santé

Publié le 26 May 2022 à 13:58

 

De son abrogation comme symptôme de l’extension de l’abolition des repères

Michel DAVID
Praticien hospitalier – Psychiatre des Hôpitaux
Bureau national du SPH, secrétariat à la psychiatrie en milieu pénitentiaire
Président de l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire

« L’indécence de l’époque ne provient pas d’un excès, mais d’un déficit de frontières. Il n’y a plus de limites à parce qu’il n’y a plus de limites entre. Les affaires publiques et les intérêts privés. Entre le citoyen et l’individu, le nous et le moi-je. Entre l’être et son paraître. Entre la banque et le casino. Entre l’info et la pub. Entre l’école, d’un côté, les croyances et les intérêts, de l’autre. Entre l’État et les lobbies. Le vestiaire et la pelouse. La chambre et le bureau du chef de l’État. Et ainsi de suite. Conflits d’intérêts et liaisons dangereuses résultent d’une confusion des sphères. ». Régis Debray, Éloge des frontières, nrf, Gallimard, 2010.

Préambule
Le projet de loi de santé propose une modification profonde du secret médical avec une possibilité étendue d’échanges d’information entre personnels sanitaires et non sanitaires. La suppression d’une frontière, qui devenait d’ailleurs de plus en plus poreuse ces dernières années, illustre bien l’évolution contemporaine d’une diffusion de données de toute nature sans limites et sans contrôles. Internet et les réseaux sociaux en sont les principaux vecteurs et posent bien des problèmes aux Pouvoirs publics, notamment quand il s’agit d’assurer la sécurité publique.

La dilution des informations, abolissant l’intimité et la confidentialité, accompagnent des organisations à venir qui posent également la question des limites. Il en est ainsi de la définition dans le projet de loi des équipes de soins ou de la possibilité de regrouper les hôpitaux (GHT). Les systèmes d’information devront suivre ces regroupements et partager leurs données. Corrélativement, ces regroupements posent la question des différents niveaux de gouvernance administrative, médicale, informatique, etc.

Le secteur se confond avec des territoires aux limites floues, oubliant la définition du secteur psychiatrique comme une unité soignante extra et intra hospitalière sur une zone géographique à taille humaine et avec une gouvernance bien identifiée (le chef de secteur). Certains acteurs du champ psychiatrique souhaitent une évolution du secteur psychiatrique en secteur de santé mentale : « La notion de « secteur », au sens de territoire (comme l’est le secteur de psychiatrie, qui, rappelons-le, n’a plus aujourd’hui de fondement juridique) ne figure pas. Nous demandons qu’elle soit introduite sous la dénomination de « secteur de santé mentale ». Le secteur ne sera donc plus le secteur de la seule psychiatrie, mais d’une part le territoire de proximité pour les soins et les accompagnements sociaux, d’autre part le territoire de coopération pour les acteurs de terrain du soin et de l’insertion. La coopération sera rendue « obligatoire » et cette réunion des partenaires sera dénommée « conseil local de santé mentale ». Les limites des « secteurs » seront fixées dans le schéma régional de santé »1 . Quant au concept de pôle, il rend la gouvernance distante des équipes, plus économique que porteuse d’une dynamique soignante.

Ces évolutions ont le « mérite » de répondre à une finalité managériale. En créant la confusion, la division est permise pour mieux régner. Un règne alors dérisoire. Le roi est nu, car il y a plutôt un désarroi collectif pour financer les dépenses de santé. En ayant le moins d’interlocuteurs possible (un chef, un seul à l’hôpital) ou bien en les multipliant à l’infini sous la bannière de la présumée démocratie sanitaire (avec les fameux conseils locaux de santé mentale) qui permettra de conviviales et d’interminables discussions, avec des interlocuteurs qui changeront tout le temps et nécessiteront de reprendre éternellement les mêmes questions et incompréhensions (Sisyphe), les financeurs auront les mains libres pour distribuer les chiches moyens comme ils le pourront.
L’abrogation du secret médical qui s’annonce est en phase avec ces évolutions sociétales. Cet écrit témoigne du chant du cygne.

L’abrogation en marche du secret médical
Progressivement, au fur et à mesure de l’évolution de la règlementation, la rigueur du secret médical s’estompe. La complexité du droit, des textes, de la jurisprudence, l’évolution des pratiques professionnelles et des technologies, les exigences de la société s’opposent à l’injonction antique concise et sans ambiguïté rappelée à l’article 4 du Code de déontologie médicale qui impose au médecin de taire « non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu entendu ou compris »2 .

La première évolution notable dans le droit français récent relative au secret médical a eu lieu lors de la réforme du Code pénal de 1992. Antérieurement, l’article 378 prenait le secret médical comme modèle du secret professionnel (Tableau 1).

Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 500 à 15000 F…

Tableau 1. Article 378 du Code pénal avant 1994 (extrait)

Son remplacement par l’article 226-13, très concis, a supprimé la référence paradigmatique médicale (Tableau 2).

La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Tableau 2. Article 226-13 du Code pénal en vigueur

Toutefois, l’article L1110-4 du Code de la santé publique issu de la loi Kouchner du 4 mars 2002, reproduit dans le tableau 3 dans sa rédaction originelle, a rappelé avec précision que l’échange d’information nécessaire à la prise en charge sanitaire d’une personne était possible, avec son accord, mais se cantonnant aux professionnels de santé.

« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
« Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.
« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe.

Tableau 3. Article L1110-4. Rédaction originelle (loi 4 mars 2002)

L’actuel projet de loi relatif à la santé modifie l’article L1110-4 en supprimant la précision « professionnel de santé » et énonce qu’un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels s’ils participent tous à la prise en charge de la personne et que ces informations sont nécessaires à la coordination ou la continuité des soins ou de son suivi médico-social et social (Tableau 4). En somme, il s’agit de l’abandon de la référence aux professionnels de santé et l’extension d’échanges d’information au-delà de la prise en charge sanitaire, mais également pour les suivis médico-sociaux et sociaux.

« I. - Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un des services de santé définis au livre III de la sixième partie, un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant.
« Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. «
II. - Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge à condition qu’ils participent tous à la prise en charge du patient et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou de son suivi médico-social et social.

Tableau 4. Le secret médical dans le projet de loi de santé 2014/2015

Le milieu pénitentiaire est souvent annonciateur de mesures qui vont s’étendre ensuite au milieu ouvert. Le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le Code de procédure pénale ainsi que la circulaire interministérielle n° DGS/MC1/DGOS/R4/DAP/DPJJ/2012/94 du 21 juin 2012 instituent la création des commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) ayant comme mission d’étudier le parcours d’exécution des peines des personnes condamnées à laquelle les professionnels de santé sont fortement invités à participer, hors la présence bien entendu des personnes détenues concernées qui ne sont évidemment pas au centre de la question.

Le CNOM a clairement pris position dans son bulletin d’information n° 18 de juillet-août 2011 avec un dossier intitulé : « Prisons : menace sur le secret médical ». Il semble que son positionnement actuel sur le projet de loi soit malheureusement moins tranché, comme on le verra ci-après.

La section française de l’Observatoire international des prisons a déposé une requête en annulation de la circulaire précitée. Après que le ministère de la Justice a répondu à cette requête (RC 2013-0540), ainsi que le ministère de la Santé (réponse en date du 11 juin 2013), qui tous les deux argumentent pour le rejet de la requête, le Conseil d’État dans sa décision n° 362681 rejette (sans surprise)3 la requête de l’OIP avec une argumentation juridique qui s’appuie sur une succession de textes (lois ou décrets) qui « permettent un contournement » de l’application stricte du secret professionnel, sans pour autant citer les arguments en faveur du secret médical, comme le Code de déontologie médicale (en fait, argumentation à charge contre le secret médical).

Si l’article L.1110-4 du code de la santé publique est réformé dans le sens du projet de loi relatif à la santé, la porte est grande ouverte à une quasi-abrogation du secret médical, avec le risque d’une diffusion de données de santé personnelles aggravée du fait des NTIC, par exemple les logiciels GIDE puis GENESIS et le cahier électronique de liaison (CEL) en milieu pénitentiaire. Le CNOM s’était associé à la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des avocats de France et l’OIP pour déposer une requête auprès du Conseil d’État pour annuler le décret portant création de GIDE et procéder à la désinstallation du CEL et à la destruction des données qui y avaient été collectées. Le Conseil d’État dans sa décision n° 352473 a rejeté ces requêtes toujours en s’appuyant sur la règlementation existante. Deux associations de soignants intervenant en prison, l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP) et l’Association des Professionnels de Santé exerçant en Prison (APSEP) ont rédigé un communiqué le 13 février 2015 interpellant sur les risques du logiciel GENESIS4 . Le CNOM a répondu rapidement le 26 février en signalant qu’il avait déposé un recours devant le Conseil d’État tendant à annuler les dispositions du décret n° 2014-558 du 30 mai 2014 instituant GENESIS. Intéressant, mais si l’argumentation du Conseil d’État suit la même argumentation que lors des recours suivants, alors…

En ce qui concerne le projet de loi de santé, le CNOM, dans sa délibération en session exceptionnelle du 6 novembre 2014 relative au projet de loi de santé dans sa considération n° 12 (Tableau 5), ne s’oppose pas clairement sur cette évolution.

Numéro 12. La qualité de ces services impose que les informations nécessaires à la continuité des parcours de soins, tant dans les secteurs de l’hospitalisation que dans le secteur ambulatoire et entre ces deux secteurs, puissent être échangées ou partagées selon les cas entre les professionnels qui constituent d’une part l’équipe de soins et d’autre part l’équipe médico-sociale lorsque cela est nécessaire.
Ces échanges et ces partages doivent, d’une part, respecter impérativement la volonté librement exprimée du patient et, d’autre part, garantir le caractère secret des informations qui ne doivent pas être accessibles en dehors de ces équipes de professionnels autorisés par le patient.

Tableau 5. La position du CNOM sur l’évolution du secret médical dans le projet de loi

Certes, le CNOM évoque le strict nécessaire ou la volonté librement exprimée du patient, mais définir le « strictement nécessaire » est d’une complexité redoutable et ouvre à toutes les interprétations et tous les malentendus possibles et imaginables. Il en est de même de la volonté librement exprimée du patient. Une personne détenue pourra accepter une large diffusion des données de santé qui la concernera tant que sa liberté est en jeu. Son consentement n’est pas libre et éclairé. Il en est déjà ainsi dans les soins pénalement ordonnés : obligations et injonctions de soins. Dans le milieu « libre », il en est de même dans une certaine mesure dans les programmes de soin de la loi du 5 juillet 2011. Pour pouvoir donner un consentement éclairé, il faut aussi connaître ses droits, ce qui représente une difficulté supplémentaire pour de nombreuses personnes vulnérables.

Le projet de loi pose le principe d’un échange d’informations, mais quelles seront les conditions et des modalités de mise en œuvre de l’échange et du partage d’informations entre professionnels de santé et non professionnels de santé qui seront prises par un décret en Conseil d’État (art. 25, I. 1°, c), VI) ? À quoi faut-il s’attendre ? En somme, les parlementaires votent un principe sans connaître précisément la portée de l’échange d’informations. Méthode étonnante. Un chèque en blanc.

Les conditions et les modalités de mise en œuvre du présent article pour ce qui concerne l’échange et le partage d’informations entre professionnels de santé et non professionnels de santé du champ social et médico-social sont définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Tableau 6. Précisons des échanges d’informations prises ultérieurement

En outre, que représente un consentement préalable au partage d’informations entre professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins recueilli de manière dématérialisée ? C’est-à-dire sans relations interpersonnelles, mais uniquement par le biais d’un ordinateur ? Des droits formels satisfaisant les standards européens juridiques, mais d’application quasi impossible et peu contrôlable. Juste une case à cocher sans lire un texte comme les « contrats » internet.

Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Tableau 7. Recueil du consentement art. 25, I. 1°, a), IV)

La question du consentement se retrouve aussi dans les modalités d’hébergement auxquelles pourra s’opposer l’usager. Pour des motifs légitimes. Quels sont les motifs légitimes ? Qui en décide la légitimité ? Comment sera-t-il informé ? De manière aussi dématérialisée ? Et dans la complexité de ces situations, qu’en comprendra vraiment l’usager ? Encore de la théorie si éloignée de la vie quotidienne… (Tableau 8).

Toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel recueillies à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic ou de soins pour le compte de personnes physiques ou morales à l’origine de la production ou du recueil desdites données ou pour le compte du patient lui-même doit être agréée à cet effet. Cet hébergement, quel qu’en soit le support, papier ou électronique, est réalisé après que la personne concernée en a été dûment informée et sauf opposition pour un motif légitime.

Tableau 8. L’hébergement des données de santé

Les œcuméniques équipes de soins
La définition de l’équipe de soins est prévue à l’article L.1110-12. Jusqu’où ira-t-elle ? Le texte permet une définition très large (Tableau 9). Le médecin, grand seigneur, se voit attribuer le pouvoir d’adouber toute personne (sans référence à une quelconque compétence ou formation professionnelle) comme membre de l’équipe de soins. Retour du paternalisme médical. Et de nouveau, un chèque en blanc avec les organisations dont les pratiques seront conformes à un cahier des charges fixé par le ministère de la Santé. Au vu de l’évolution de la situation économique, des projets de transferts de compétence, de la tentation de diminuer les coûts des professionnels, la déqualification est à craindre5 . Ces définitions imprécises et ces possibilités de composition très larges des équipes de soins illustrent de manière criante le flou qui est en train de se mettre en place dans l’organisation sanitaire du pays.

Pour l’application du présent titre, l’équipe de soins est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à leur coordination, et qui :
1° Soit exercent dans le même établissement de santé, ou dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ou dans le cadre d’une structure de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;
2° Soit se sont vu reconnaître comme ayant la qualité de membre de l’équipe de soins par un médecin auquel le patient a confié la responsabilité de la coordination de sa prise en charge ;
3° Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé.

Tableau 9. L’équipe de soins dans le projet de loi de santé 2014/2015 (art. L.1110-12)

Du secret, de la confidentialité, de l’intimité et des NTIC
La place du secret, de la confidentialité et de l’intimité dans notre société font partie de l’actualité quasi quotidienne. L’intimité est mise à mal de multiples façons dans les différents avatars du secret professionnel ou dans d’autres situations médiatiques :
- Le secret de l’instruction (Tableau 10), souvent suspect de transgression par des magistrats ou des policiers aux plus hautes fonctions.
- Le secret fiscal (Tableau 11).
- La confidentialité des communications téléphoniques et notamment des relations entre un client et son avocat (personne n’a oublié Paul Bismuth).
- L’intimité de la vie privée des plus hauts responsables de l’État ou des parlementaires dont les modalités d’accès à la connaissance de leur patrimoine par les citoyens ont fait largement débat récemment6 .
- Le secret de la confession est soumis aussi aux exceptions prévues dans le Code pénal7 (Tableau 12).
- Les missions prévues dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont été étendues par la loi n° 2014-528 du 26 mai 2014 et permettent aux médecins du contrôle général d’accéder au dossier du patient avec ou sans son accord (Tableau 13).
- Les exhibitionnistes des reality shows, et les people à la vie tumultueuse sous les feux de la rampe à celle plus redoutée des taulards dans l’ombre des prisons qui ne peuvent se cacher du panoptisme pénitentiaire qu’il soit l’œil du surveillant ou le logiciel pénitentiaire totalitaire GENESIS8 .
- Les puces cachées dans les ordinateurs9 ou sous la peau des employés d’une entreprise en Suède10,
- Enfin toutes les données de santé pourront être agrégées. On ne sait comment elles pourront rester confidentielles avec les moyens informatiques modernes.

  • Le transfert des moyens du sanitaire vers le médico-social est un des moyens de diminuer ces coûts.
  • Décret n° 2013-1212 du 23 décembre 2013 relatif aux déclarations de situation patrimoniale et déclarations d’intérêts adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
  • LEVEBVRE-FILLEAU JP. Le secret de la confession dans le droit pénal français. http://www.apostolia.eu/fr/articol_1053/le-secret-de-la-confession-dans-le-droit-penal-francais.html
  • Décret n° 2014-558 du 30 mai 2014 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion nationale des personnes détenues en établissement pénitentiaire dénommé GENESIS.
  • http://www.zdnet.fr/actualites/superfish-premiere-plainte-contre-lenovo-39815148.htm
  • http://www.lenouvelliste.ch/fr/monde/suede-des-puces-implantees-sous-la-peau-d-employes-481-1410568
  • Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.
    Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.
    Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

    Tableau 10. Le secret de l’instruction. Article 11 du Code de procédure pénale

    L’obligation du secret professionnel, telle qu’elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal, s’applique à toutes les personnes appelées à l’occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l’assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. Le secret s’étend à toutes les informations recueillies à l’occasion de ces opérations. Pour les informations recueillies à l’occasion d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, l’obligation du secret professionnel nécessaire au respect de la vie privée s’impose au vérificateur à l’égard de toutes personnes autres que celles ayant, par leurs fonctions, à connaître du dossier.

    Tableau 11. Le secret fiscal. Article L103 du Livre des procédures fiscales

    Les récentes dispositions législatives, jurisprudentielles et réglementaires évoquées supra ont incontestablement relativisé, en France, le secret professionnel des clercs. Dorénavant, tous les confesseurs peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires si les faits qui leur seraient reprochés entrent dans le champ d’application de la circulaire des Affaires criminelles et des Grâces, en date du 11 août 2004.

    Tableau 12. Le secret de la confession

    Les informations couvertes par le secret médical peuvent être communiquées, avec l’accord de la personne concernée, aux contrôleurs ayant la qualité de médecin. Toutefois, les informations couvertes par le secret médical peuvent leur être communiquées sans le consentement de la personne concernée lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou sur une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

    Tableau 13. Extension des missions du CGLPL

    Les potentialités illimitées des NTIC méconnues de personne permettent la compilation des métadonnées infinies (big data). Elles devraient nous alerter et nous inciter à renforcer notre vigilance. Plutôt que de faciliter la transmission d’informations en promulguant des lois impudiques, « incestuelles », les citoyens devraient exiger des pouvoirs publics l’assurance qu’un des premiers articles du Code civil ne devienne plus bientôt qu’un vague souvenir ou une jolie déclaration de principes (Tableau 14).

    Chacun a droit au respect de sa vie privée.
    Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

    Tableau 14. Article 9 du Code civil. Le respect de la vie privée

    Ou comment l’abrogation du secret médical est devenue la règle au bénéfice d’une obsession sécuritaire et annonce des changements de société
    Du 9 au 13 février 2015 s’est tenu un étrange et stupéfiant procès d’Assises à Rennes11. La personne accusée avait fait l’objet d’un non-lieu psychiatrique pour abolition du discernement après le meurtre de son amie en 1998. Il a été ensuite hospitalisé longuement en psychiatrie. Mais une dizaine d’années plus tard, un des psychiatres hospitaliers qui en avaient la responsabilité médicale a la conviction que le patient n’est pas schizophrène et qu’il simule. Il écrit au procureur de la République en considérant que l’abolition du discernement au moment des faits était erronée et que ce constat constituait un fait nouveau susceptible de rouvrir l’enquête. Ce qui fut fait. Pendant le procès, le psychiatre « révélateur », non-expert au procès, exposa pendant deux heures la situation médicale de l’accusé, faisant fi du secret médical. La Justice ne s’en offusqua pas, semble-t-il. La personne accusée a été reconnue coupable et condamnée à 10 ans de prison et semble ne pas vouloir faire appel préférant retourner en prison (où elle est soignée d’ailleurs) plutôt qu’en hôpital psychiatrique. Cela en dit long sur l’état de la psychiatrie. Lors son audition auprès de la mission d’information sur « La santé mentale et l’avenir de la psychiatrie » rapportée par le député Denys Robiliard, le président du SPH, Jean-Claude Pénochet, interrogé sur l’augmentation du recours à la contention en psychiatrie disant sans langue de bois que « La contention est un indicateur de la bonne ou de la mauvaise santé de la psychiatrie. Plus la psychiatrie va mal, plus la contention est utilisée »12.

    Un non-lieu pour abolition du discernement n’est donc pas un fait définitivement acquis et peut être remis en cause à tout moment. Cela ouvre bien des perspectives…

    Cette affaire devra être épluchée dans les plus menus détails pour en tirer toutes les conséquences et très largement :
    - Sur le plan juridique ;
    - Sur le plan du secret médical ;
    - Sur les plans éthiques et déontologiques ;
    - Sur le rôle du Conseil national de l’Ordre des médecins ;
    - Sur le rôle des organisations professionnelles et des sociétés savantes ;
    - Sur le plan expertal ;
    - Sur le plan des prises en charge psychiatriques successives ;
    - Sur le plan des décisions préfectorales et judiciaires de confirmation des hospitalisations d’office, puis SPDRE ;
    - etc.

    Conclusion
    Les frontières se diluent. La confusion va s’installer. Les gouvernances seront impossibles. Les informations médicales auront bien du mal à être sanctuarisées et seront aussi peu contrôlables que l’est internet. Face à la complexité de l’organisation globale, les usagers et les professionnels n’auront pas besoin d’un discernement altéré pour ne pas comprendre son fonctionnement. Impossible de consentir en dépit d’une information supposée claire et loyale. Le consentement à la diffusion ou non d’information s’alignera au dispositif en place sur internet : on cochera une case d’acceptation après avoir fait défiler un long texte qui ne sera pas lu.

    Il aurait été intéressant de connaître les lobbies qui ont demandé le partage d’information et quels éléments seraient en déficit de partage. Pour le milieu pénitentiaire, la demande est limpide et sans ambiguïtés. Les informations qui seraient susceptibles d’être partagées entre soignants et justice, largement détaillées dans le guide méthodologique de 2012, cachent les deux seuls points à tonalité divinatoire qui intéressent vraiment la pénitentiaire et la justice : l’individu est-il dangereux ou va-t-il se suicider ?

    En milieu ouvert, le principe du partage d’information concerne, outre ces deux points13, une volonté de rationalisation économique. Il semble attendu une meilleure communication entre professionnels (supposée défaillante) dans une optique d’organisation plus rationnelle et plus soucieuse des deniers publics. Peu importe le principe obsolète de la confidentialité des informations médicales et du respect de l’intimité. Peu importe le parasitage opéré dans la relation thérapeutique quand la confiance disparaît, le doute s’installe et la méfiance s’instille dans les esprits14. Ces objections ne sont finalement que lubies de psychiatres ou de psychologues idéalistes15.

    Les frontières permettent une porosité contrôlée et partiellement contrôlable, avec des échanges réfléchis. L’abolition des frontières peut conduire à reconstruire des murs qui au mieux bloquent les communications ou au pire attisent les conflits. L’abrogation du secret professionnel semble être programmée pour 2015. À quels conflits, confusions et désordres va-t-elle conduire ?

    Quant au Conseil national de l’Ordre des médecins, il semble avoir déjà prévu une révision du Code de déontologie médicale, renonçant à des siècles de prestations sacramentelles : « Quoi que je voie ou entende dans la société pendant l’exercice ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas »16.

    Changement d’époque. La discrétion, un terme obscène

  • http://www.ouest-france.fr/justice-declare-fou-durant-dix-ans-il-sera-juge-aux-assises-rennes-3133841 http://www.rennes.maville.com/actu/actudet_-rennes-declare-fou-durant-dix-ans-il-sera-juge-aux-assises_54135-2713209_actu.Htm http://www.ouest-france.fr/meurtre-rennes-le-marin-pecheur-condamne-dix-ans-de-reclusion-3187409
  • Assemblée nationale. Rapport d’information n° 1162. Santé mentale : quand la démocratie soigne. Commission des affaires sociales. Président : Jean-Pierre Barbier. Rapporteur : Denys Robiliard. Décembre 2013. Documents d’information. www.assemblee-nationale.fr
  • D’où une tentative dans la réforme pénale, non adoptée finalement, de communiquer des expertises psychiatriques, dans la société civile à la libération de personnes détenues.
  • Tout particulièrement dans l’univers carcéral infiltré de « paranoïa » et d’absence d’intimité.
  • L’absence de capacité à faire psychiquement des corrélations entre ce qu’expérimente le personnel politique dans sa vie professionnelle et politique et les dispositions qu’il adopte est déroutante : l’intrusion dans la vie privée leur est plutôt désagréable.
  • Serment d’Hippocrate. Traduction Émile Littré. Hippocrate, Œuvres complètes. Tome II, association médicale d’action culturelle et artistique, 1983.
  • Article paru dans la revue “Le Syndical des Psychiatres des Hôpitaux” / SPH n°09

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