Technique de curiethérapie de prostate par implant permanent de grain d’iode 125 avec live planning Expérience de l’Hôpital Saint Louis (APHP)
La curiethérapie de prostate consiste à implanter de manière permanente ou temporaire des sources radioactives au sein de la prostate. Il s’agit là d’une des techniques de radiothérapie les plus conformationnelles et localisées qui soient. En effet, directement implantées dans la zone tumorale, les sources radioactives délivrent une très forte dose au contact. Elles contribuent ainsi à détruire les cellules cancéreuses de la prostate tout en présentant une décroissance rapide de la dose au fur et à mesure que l’on s’en éloigne. On pourra utiliser alors ce phénomène pour limiter les effets indésirables sur organes à risque avoisinants tels que le rectum, la vessie ou l’urètre, en optimisant l’implantation et la dosimétrie.
La place de la Curiethérapie dans la prise en charge des Cancers de Prostates
La curiethérapie exclusive est un traitement standard des cancers de prostate de bas risque selon la classification NCCN (T1c-T2a; PSA < 10ng/mL et score de Gleason ≤ 6/ISUP 1). Aujourd’hui grâce à un recul important, les indications de la curiethérapie exclusive se sont élargies. En effet, certains patients du groupe intermédiaire favorable de la classification NCCN (1 facteur de risque (T2b/T2c, ISUP 2 ou 3 et PSA 10 à 20) + ISUP 1 ou 2 + < 50% des biopsies positives) ayant une faible charge tumorale et une agressivité modérée peuvent être traités par curiethérapie exclusive. Pour les cancers de risque intermédiaire à haut risque, l’association de la radiothérapie externe avec la curiethérapie est une option thérapeutique de plus en plus proposée, soit, la plupart du temps, sur la totalité de la glande prostatique, soit, plus rarement sur une zone partielle. La curiethérapie va permettre de délivrer un niveau de dose plus élevé dans la prostate que celle que l’on pourrait atteindre avec une radiothérapie externe seule. Les études actuelles sont en faveur d’une amélioration de la probabilité de survie sans récidive clinique et biochimique lorsque le complément de dose est délivré avec une curiethérapie plutôt qu’avec la radiothérapie externe. En plus du stade de la tumeur, le patient ne doit présenter aucune contre-indication à une anesthésie et le volume prostatique ne doit pas dépasser selon les centres 50 à 60 cm3. En effet, pour les volumes au-delà de 50 cm3, des difficultés per-opératoires peuvent apparaître et le taux de complications postopératoires augmente
Les différentes techniques de Curiethérapie de Prostate
Il existe deux techniques de curiethérapie : ¾
• La technique par implants temporaires, réalisée le plus souvent à l’aide d’un projecteur de source d’iridium 192, présentant une très forte activité. On parle de technique à haut débit de dose. Dans ce cas, une fois l’irradiation réalisée, plus aucune source radioactive ne reste dans la prostate. Cette technique ne sera pas abordée ici. ¾
• La technique par implants permanents de grains d’iode 125. Dans ce cas, les grains radioactifs restent définitivement implantés dans la prostate. On la sous-divise en deux modalités : `
• La modalité de curiethérapie avec « pré-planning » ; `
• La modalité de curiethérapie avec « live-planning ».
Lors de la mise en oeuvre d’une curiethérapie avec « pré-planning », le physicien réalise une planification dosimétrique plusieurs jours avant l’implantation sur des images échographiques préopératoires spécifiques, qui doivent être acquises dans des conditions similaires à celles de l’implantation. Cela permet de définir le nombre de grains ainsi que leur emplacement et de commander le juste nécessaire. Cette planification d’implantation sera alors suivie pour la mise en place des aiguilles et des grains au bloc opératoire. La difficulté de cette technique réside dans la reproductibilité du positionnement du patient pour retrouver la morphologie de la prostate obtenue pour la planification.
Pour la technique de « live planning », le nombre de grains et leur activité est commandé à partir du volume prostatique diagnostiqué et selon des estimations propres à chaque centre. La planification dosimétrique est faite en temps réel par le physicien médical au bloc opératoire, juste avant l’implantation. L’avantage de la technique en « live planning » est la souplesse de réalisation de l’implantation grâce à une réactivité immédiate face à l’anatomie de la prostate et la possibilité d’ajuster plus finement la dosimétrie lors de l’implantation. La curiethérapie à bas débit de dose par implants permanents d’iode125 avec dosimétrie en temps réel est la modalité la plus fréquemment utilisée. C’est celle que l’on pratique à l’hôpital Saint Louis
L’expérience de la curiethérapie prostatique à l’hôpital Saint Louis
La source radioactive : l’iode 125
L’iode 125 est un radioélément artificiel d’une demi- vie de 59.46 jours, il a pour caractéristique de se désintégrer par capture électronique. Il s’agit d’un mode de désintégration rare, qui provoque l’émission de neutrino, particule qui ne dépose aucune énergie dans le milieu. Suite à cette désintégration, il y a un réarrangement de l’atome qui provoque l’émission d’électrons (électrons de conversion et électrons Auger) ainsi que des photons. Les électrons sont absorbés par la paroi en titane de l’implant, et ce sont les photons qui sont à l’origine du dépôt d’énergie dans le tissu environnant l’implant (Image 1).
Conditionnement des sources radioactives en dispositif implantable
Ce sont des sources dites « scellées ». L’iode 125 radioactif est enfermé dans une capsule de titane. Ils peuvent également contenir un marqueur fin en or, facilitant la visibilité des grains sur de l’imagerie TDM, ce qui est très utile dans le cadre d’une évaluation dosimétrique post-implantation. Les dimensions des implants d’iode 125 peuvent légèrement différer en fonction du fabricant, nous utilisons ceux fournis par la société BEBIG et la dimension d’un grain est de 4.5 mm x 0.8 mm (Image 2).
Les photons émis ont une énergie moyenne d’environ 30keV. Dans ce domaine d’énergie, le parcours moyens des rayons X dans un milieu équivalent à l’eau n’est que de quelques cm (Image 3). Cette décroissance rapide de la dose va permettre de limiter les effets indésirables sur les tissus sains avoisinants la prostate, notamment la vessie, le rectum et l’urètre, mais également de facilité la radioprotection du personnel. Chaque type d’implant d’iode 125 possède un modèle caractéristique de distribution anisotropique de la dose autour de lui (Image 4). Le physicien doit donc lors de la mise en service de la technique (commissioning) s’assurer que le bon modèle d’implant soit paramétré dans le logiciel de dosimétrie.
Les implants d’iode 125 peuvent être soit « libres », soit « liés ». A l’hôpital Saint Louis nous utilisons des grains liés, ils sont montés en train grâce à un emboîtement de grains et d’espaceurs résorbables. L’ensemble est fourni déjà monté avec un espacement de 1 cm entre les grains, dans une gaine de suture tressée, elle aussi résorbable et enroulée autour d’une bobine, placée dans un fin boitier radioprotégé appelé cassette (Image 5).
Il suffit alors de couper la longueur contenant le nombre de grains nécessaires. Ces trains de sources liées permettent de maintenir l’espacement et l’orientation des grains d’une même aiguille, lors de leur implantation. Les grains se mettent nettement moins de travers, se maintiennent mieux dans l’axe grâce à l’accroche du fil dans les tissus et à la rigidité relative du dispositif. De plus, à moyen terme, le phénomène de migration des grains post-implantation est réduit
L’équipe de curiethérapie prostatique
L’équipe de curiethérapie prostatique est une équipe restreinte et expérimentée, composée d’un curiethérapeute, d’un physicien médicale et d’un manipulateur en électroradiologie médicale. A noter qu’un anesthésiste et un infirmier de bloc s’ajoutent à l’effectif.
Equipement matériel
Nous utilisons le système de la société Eckert & Ziegler BEBIG. L’équipement pour l’implantation est composé d’un échographe avec une sonde endorectale biplan, d’un ordinateur permettant de réaliser la planification dosimétrique (logiciel de calcul VARISEED version 8.2. Société Varian Medical Systems), d’un stepper, d’une grille (stérile à usage unique) indexée pour l’insertion d’aiguille, de cassettes de grains d’I125 et d’une station de découpe et chargement des grains dans les aiguilles.
Le stepper est fixé en bout de table et permet de coupler la sonde échographique avec la grille d’insertion des aiguilles. Il permet également la mobilisation mécanique cranio-caudale de la sonde par pas de 5 mm. (Image 6).
La grille est indexée avec des coordonnées orthonormées (chiffre verticalement et lettre horizontalement) permettant de localiser précisément la zone d’insertion de chaque aiguille planifiée par la dosimétrie (Image 6). Cette grille est incrustée sur les images échographiques en temps réel et modélisée dans le logiciel de calcul dosimétrique. La station de découpe et de chargement des grains permet d’accueillir la cassette de grains d’I125 (Image 7), de dérouler la longueur de chaine avec le nombre de grains désiré, de la couper et de la pousser dans une aiguille bouchée, de manière stérile et radioprotégée. Le nombre de grains désiré par aiguille est fonction de la planification dosimétrique.
Déroulement de l’implantation
Cette curiethérapie est réalisée au bloc opératoire général de l’hôpital, le patient étant sous anesthésie générale ou plus rarement locale. Il est placé sur une table équipée d’étriers permettant d’être en position de lithotomie (Image 8). Une fois le matériel en place, le physicien prélève un ou deux grains des cassettes afin de mesurer et vérifier la conformité de la radioactivité du jour par rapport à celle annoncée par le fournisseur des grains. On accepte un écart de +/- 7 %. Cette activité est ensuite renseignée dans le logiciel de calcul dosimétrique.
La première étape consiste en l’acquisition de coupes échographiques transverses de la prostate, de la base vers l’apex, sur le logiciel de dosimétrie. Sur chaque coupe sont ensuite délinéés la prostate, la face antérieure du rectum, l’urètre et la vessie. Le physicien réalise ensuite la dosimétrie prévisionnelle en positionnant, dans la grille superposée sur les images, des aiguilles et des grains dans la prostate en fonction de sa forme et de la disposition des organes à risque (Image Dosimétrie curiethérapie Prostate). L’objectif est dans le cas d’une curiethérapie exclusive de délivrer une dose d’irradiation de 145Gy dans la totalité de la glande prostatique. Un nombre de 70 à 100 grains est généralement nécessaire pour assurer une irradiation correcte de la prostate, dont 75 % en périphérie et 25 % dans la zone centrale. Ce nombre de grains dépend du volume de la prostate mais également de l’activité avec laquelle on souhaite travailler. Plus l’activité des grains est forte, moins on aura besoin de grains mais plus on devra les positionner précisément. Avec des petites prostates, il est également plus facile de travailler avec des grains de plus faible activité.
Dans le cas d’un complément après radiothérapie externe la dose prescrite sera de 110 Gy soit dans la totalité de la prostate, soit dans la zone à booster mais avec un fort objectif de protection des organes à risque (urètre, vessie, rectum). Nos contraintes et objectifs dosimétriques pour une curiethérapie exclusive à 145Gy sont les suivantes : pour la prostate 99 à 100 % du volume doit recevoir au moins 100 % de la dose prescrite (DP) et la D90 % (dose reçue par 90 % de la prostate) doit être comprise entre 175 et 185Gy. Ne faisant pas de PTV autour de la prostate, nous faisons dépasser si possible de 5 mm l’isodose 100 % au-delà du volume « prostate ». 75 % du volume prostatique doit recevoir 150 % de la DP. Pour la paroi antérieure du rectum, le V100 % (volume qui reçoit 100 % de la DP) doit être inférieure à 2 cm3. Nous travaillons aussi sur la forme de l’isodose 100 % pour suivre l’arrondi du rectum si la prostate a tendance à tomber un peu de part et d’autre du rectum. Pour l’urètre, on évite autant que possible qu’elle soit couverte même partiellement par l’isodose 150 % de la DP et on tolère V150 % (le volume qui reçoit 150 % de la DP) inferieur à 20 %. Pour information les contraintes recommandées par le Groupe européen de curiethérapie de l’European Society on Therapeutic Radiology and Oncology (Gec-ESTRO), pour une prescription de 145Gy sont les suivantes : pour le volume cible le V100 % supérieur ou égal à 95 %, le V150 % inférieur ou égale à 50 % et la D90 % supérieure ou égale à 145 Gy. Pour le rectum la D2cc inférieure à 145 Gy et la D0.1cc inférieure à 200 Gy. Pour l’urètre la D10 % inférieure à 150 % de la DP et la D30 % inférieure à 130 % de la DP.
De cette dosimétrie validée par le radiothérapeute, en résulte un plan d’implantation dans lequel est précisé : le nombre d’aiguilles vectrices nécessaires à préparer avec, pour chacune leur nombre de grains ainsi que leur coordonnées orthonormées d’insertion dans la grille d’implantation. Il est également précisé pour chacune la distance séparant le grain distale de la base prostatique, on parle de plan de rétraction. La base prostatique étant le plan de référence (la coupe z=0).
Préparation des aiguilles et implantation des grains
La préparation des aiguilles et leur chargement est réalisé par le manipulateur. Lorsque les premières aiguilles sont prêtes, l’implantation peut débuter, le reste des aiguilles est préparé en parallèle de l’implantation.
Les aiguilles sont implantées les unes après les autres par le curiethérapeute, avec l’assistance du physicien médicale qui lui indique pour chaque aiguille le nombre de grains, la position d’insertion dans la grille ainsi que le plan de rétraction. La localisation du largage des grains dans la prostate est assurée par assistance d’images échographiques en continue. Grâce à la sonde biplan le curiethérapeute visualise, sur les images échographiques en temps réel, l’aiguille implantée dans le plan sagittal et longitudinal de la prostate (Image Dosimétrie curiethérapie Prostate). Une fois l’aiguille à la position attendue les grains sont largués dans la prostate par rétraction de l’aiguille sur le mandrin maintenu fermement.
L’expérience du curiethérapeute joue grandement pour être au plus proche de la dosimétrie planifiée. Le physicien peut néanmoins à tout moment réajuster si nécessaire la position de largage réel des grains sur le logiciel de calcul, la dosimétrie est alors actualisée en temps réel. À la fin de l’implantation il est généralement nécessaire d’ajouter quelques grains supplémentaires pour atteindre les objectifs dosimétriques de couverture du volume cible.
Dosimétrie post-curiethérapie
L’évaluation du résultat dosimétrique est effectuée environ un mois après la curiethérapie. Elle est réalisée cette fois-ci à partir d’images scanner, avec une épaisseur de coupe de 2mm de la base à l’apex, afin d’avoir la meilleure résolution sagittale possible pour l’identification des grains et englobant la vessie et le rectum. Le logiciel de dosimétrie (VARISEED version 8.2. Société Varian Medical Systems) permet d’analyser les images et d’identifier automatiquement les grains. Cependant quelques ajustements manuels sont parfois nécessaire pour retrouver le bon nombre de grains implantés. Cette dosimétrie post-implantation va nous permettre de vérifier la qualité d’implantation en estimant la dose délivrée à la prostate (D90 %, le V100 % et le V150 %) ainsi que celle aux organes à risques, à savoir le rectum et la vessie sur cette nouvelle modalité.
Références
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• PMID: 23173620 PMCID: PMC3540010 DOI: 10.1186/1748-717X-7-196.
EL MOUQADDEM Abdellah Physicien médical Chef de Projet
Relecture : MICHAUD Sophie - Physicienne Médicale Correspondance
Hôpital Saint-Louis Service de Radiothérapie 1 Avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris [email protected]
Article paru dans la revue “Société Française des Jeunes Radiothérapeutes Oncologues” / SFJRO n°01