La tétralogie de fallot : partie 1

Publié le 24 May 2022 à 11:10


State of the art : tout comprendre du diagnostic et de la prise en charge de la Tétralogie de Fallot

La malformation initiale
La Tétralogie de Fallot (TF) est la cardiopathie congénitale cyanogène la plus fréquente touchant 3 à 5 % des nouveaux-nés avec cardiopathie congénitale(1). Décrite pour la première fois en 1888 par Etienne-Arthur Louis Fallot(2), cette cardiopathie conotroncale est liée à une anomalie de migration des cellules de la crête neurale, responsable d’une bascule antéro-droite du septum conal. C’est ce défaut d’alignement du septum conal qui va entraîner :

  • Une dextroposition de l’aorte < 50 %.
  • Une communication inter-ventriculaire (CIV) dite de l’outlet ou conoventriculaire par mal-alignement septal.
  • Une sténose de la voie pulmonaire (qui peut être infundibulaire, valvulaire ou communément les deux).
  • Et une hypertrophie ventriculaire droite secondaire à l’obstacle de la voie d’éjection droite (Figure 1-3).


Figure 1. Configuration anatomique de la TF. Notez la bascule antéro-droite du septum conal entraînant la dextroposition de l’aorte, la CIV, la sténose de la voie pulmonaire et l’HVD. SVC, veine cave supérieure ; RA, oreillette droite ; TV, valve tricuspide ; RV, ventricule droit ; PV, valve pulmonaire ; MPA, artère pulmonaire moyenne ; Ao, aorte ; AoV, valve aortique ; LV, ventricule gauche ; MV, valve mitrale ; * septum conal.

 
Figure 2. Vue anatomique par le VD des anomalies constituant la TF. Aorta, aorte ; Pulmonary trunk, tronc de l’artère pulmonaire ; VSD, CIV ; Right atrium,

D’autres anomalies peuvent y être associées, des CIV multiples, des sténoses des branches pulmonaires, des anomalies coronaires, une crosse aortique droite, une communication inter-auriculaire ou une veine cave supérieure gauche. La TF est fréquemment associée à des anomalies chromosomiques et génétiques notamment au syndrome de Di-Georges ou syndrome vélo-cardio-facial (délétion 22q1.1) dans 25 % des cas et à la Trisomie 21(1).

L’évolution naturelle est variable selon la sévérité de la sténose pulmonaire, allant de la persistance à l’aggravation de la cyanose jusqu’au malaise anoxique si l’obstacle VD-AP est serré. En l’absence de correction chirurgicale, le décès survient pour 25 % des patients à 1 an et 70 % des patients à 10 ans, principalement lié aux complications de la cyanose chronique (thrombophlébites, accidents vasculaires cérébraux, infections).


Figure 3. Coupes échographiques de TF. 

A, coupe parasternale grand axe, notez la CIV (flèche) et la dextroposition de l’aorte.
B, coupe parasternale petit axe, notez la CIV (flèche) conoventriculaire et la sténose de l’infundibulum par déviation antéro-droite du septum conal (*).
C, coupe parasternale petit axe et doppler couleur, aliasing au niveau de l’infundibulum représentant l’accélération du flux secondaire à l’obstacle créé par la déviation du septum conal.
D, coupe parasternale petit axe sur les artères pulmonaires RV, ventricule droit ; LV, ventricule gauche ; Aorta, aorte ; RVOT, infundibulum ; PA, tronc pulmonaire ; RPA, artère pulmonaire droite ; LPA, artère pulmonaire gauche ; VSD, CIV.

Physiopathologie
La communication inter-ventriculaire (CIV) est généralement large et non restrictive assurant une égalisation de pression entre les deux ventricules. Le sens du shunt à travers la CIV dépend de la sévérité de l’obstacle pulmonaire. Une sténose pulmonaire serrée va être responsable d’une surcharge barométrique du ventricule droit (VD) et d’un shunt droit-gauche à travers la CIV entraînant ainsi une cyanose. L’hypertrophie ventriculaire droite est secondaire à l’obstacle de la voie de sortie d’éjection droite.

La réparation chirurgicale
L’évolution de la méthode
Technique historique
C’est en 1954 que la première réparation chirurgicale complète de la TF est réalisée par Lillehei et Varco(5). Initialement, l’abord chirurgical se faisait par une large ventriculotomie verticale droite permettant dans un premier temps de fermer la CIV par un patch prothétique ou péricardique, puis dans un second temps de réséquer l’obstacle pulmonaire. Une infundibulotomie d’élargissement était réalisée, complétée par la mise en place d’un patch. L’anneau pulmonaire était ensuite calibré, et si sa taille était inférieure à la valeur limite (abaques en fonction de la surface corporelle) un patch trans-annulaire était mis en place (Figure 4 A).

Cette technique avait pour avantage de traiter correctement la sténose pulmonaire mais présentait deux principaux écueils :

  • Apparition d’une fuite pulmonaire (surtout en cas de patch trans-annulaire).
  • Création d’un substrat arythmogène par le biais des cicatrices et/ou des patchs constituant des zones de bloc de conduction et favorisant l’apparition de tachycardies ventriculaires par réentrée.

Technique actuelle
Aujourd’hui, si les objectifs de la réparation restent inchangés (fermeture de la CIV et levée de l’obstacle à l’éjection du VD), les techniques chirurgicales se sont modifiées. Les incisions ventriculaires de petite taille et transverses ont été introduites pour préserver la fonction ventriculaire et diminuer le substrat arythmogène, puis les ventriculotomies ont été abandonnées au profit d’approches trans-atriales et trans-pulmonaires réduisant le risque potentiel d’arythmies ventriculaires. (Figure 4 B).

Dietl et al ont montré que la voie trans-atriale diminuait l’incidence des arythmies ventriculaires, de la fuite pulmonaire et de la dysfonction ventriculaire droite en comparaison avec la voie trans-ventriculaire(6).

Les chirurgiens préfèrent désormais préserver la valve pulmonaire, y compris au prix d’une sténose résiduelle modérée, plutôt que de mettre en place un patch trans-annulaire avec la fuite pulmonaire libre qui en résulte(7).

Quand réaliser la cure complète ?
Initialement faite après l’âge de 5 ans, désormais la réparation chirurgicale est réalisée lors de la première année de vie, entre 3 et 6 mois(8). Le pronostic à court terme est excellent avec une mortalité péri-opératoire proche de 1 % pour les chirurgies de correction complète( 9,10).

Références

  • Apitz C, Webb GD, Redington AN. Tetralogy of Fallot. Lancet. 2009;374(9699):1462-71.
  • Fallot A. Contribution à l’anatomie pathologique de la maladie bleue. Marseille-Méd. 1888;(25):77-93.
  • 3. Kaguelidou F, Fermont L, Boudjemline Y. Foetal echocardiographic assessment of tetralogy of Fallot and post-natal outcome. Eur Heart J. 2008;29(11):1432-8.
  • Taussig HB, Blalock A. The tetralogy of Fallot; diagnosis and indications for operation; the surgical treatment of the tetralogy of Fallot. Surgery. 1947;21(1):145.
  • Lillehei CW, Cohen M, Warden HE. Direct vision intracardiac surgical correction of the tetralogy of Fallot, pentalogy of Fallot, and pulmonary atresia defects; report of first ten cases. Ann Surg. 1955;142(3):418-42.
  • Les autres références sont disponibles en ligne sur notre site internet : www.blog-du-gcf.fr

    Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°4

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