La téléexpertise, un outil pertinent pour répondre au problème de démographie médicale et améliorer la prise en charge des patients

Publié le 14 May 2022 à 00:05

Depuis janvier dernier, dans les cas où ils estiment nécessaire de recueillir l’avis d’un confrère, les médecins peuvent recourir à des téléexpertises par messagerie sécurisée et avec le consentement du patient.


E. du ROUCHET*
propos recueillis par E. PAGANELLI **

E. P : La téléexpertise fait-elle partie du parcours de soin ?
E. du R :
La téleexpertise figure aux côtés des 4 autres actes de télémédecine définis par le décret du 19 octobre 2010 : la téléconsultation, la télésurveillance, la téléassistance et la régulation médicale. Ces derniers doivent reposer sur un projet médical répondant à des priorités et aux besoins de la population d’un territoire et des professionnels de santé. C’est en ce sens que la téleexpertise s’intègre au sein d’un parcours de soins.

E. P : Dans quel cas peut-on pratiquer une téléexpertise ?
E. du R :
Actuellement, les téléexpertises concernent les soins nécessaires dans le cadre d’une affection de longue durée (ALD), les patients atteints de maladies rares, résidant dans des zones dites sousdenses où les médecins sont peu nombreux, dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou dans une structure médico-sociale, ainsi que les personnes détenues. Cette possibilité sera élargie à toute la population à partir de 2020. C’est pour répondre à une faible densité de médecins généralistes et de médecins spécialistes en région Centre-Val de Loire que l’ARS régionale a pu mettre en place la téléexpertise.

E. P : Comment fonctionnez-vous, gynécologue de ville, pour répondre à la demande de la téléexpertise ?
E. du R :
Un professionnel de santé fait ap-pel à l’expertise d’un médecin spécialiste dans une procédure encadrée nommée ‘téléexpertise’. Concrètement, le médecin requérant envoie par message-rie sécurisée un dossier pré-rempli au format pdf au médecin requis, en posant la problématique (compte rendu d'échographie, photo de vulve..) appelant son expertise. L’échange se fait par exemple entre un médecin généraliste et un gynécologue (obstétricien installé en ville ou gynécologue médical) ou entre un gynécologue et un endocrinologue et peut porter surun bilan biologique, un diagnostic, les examens complémentaires utiles à proposer...

Le médecin requis donne sa réponse ou peut refuser de répondre s’il estime que les pièces du dossier ne sont pas suffisamment qualifiées. Il peut également demander un complément d’information ou estimer que sa réponse requiert une consultation présentielle.

A noter que la téléexpertise requiert au préalable l’accord du patient de la patiente. Le compte rendu du médecin requis sera inscrit dans le dossier médical du patient et pourra lui être transmis.

E. P : Doit-on entreprendre des démarches spécifiques pour effectuer des téléexpertises ?
E. du R :
Tout à fait car la téléexpertise est une procédure encadrée. Les médecins requérants et requis doivent être équipés d’un logiciel spécifique. Il m’a été fourni par l’ARS Centre-Val de Loire. Les équipements permettent la mise en place de l’échange sécurisé et son archivage. Le médecin spécialiste signe une convention avec la maison de santé ou les professionnels de santé requérants, qui définit les droits et les devoirs de chacun. Cette convention doit être transmise au Conseil de l’Ordre des Médecins et à l’assurance RCP (qui toutefois ne s’en trouve pas modifiée).

E. P : La téléexpertise est-elle rémunérée au même titre qu’une consultation ?
E. du R : Depuis le 10 février 2019, la téléexpertise est rémunérée. Il existe 2 niveaux : le tarif pour le médecin requis est de 12 euros pour la téléexpertise simple dite de niveau I (TE1) dans la limite de 4 par an et par patient, et de 20 euros pour la téléexpertise complexe dite de niveau 2 (TE2) dans la limite de 2 par an et par médecin pour un même patient. La rémunération ne peut donner lieu à aucun dépassement et cet acte fait l’objet d’une facturation directement entre l’assurance maladie et les professionnels de santé.

E. P : Le médecin ou la sage-femme qui sollicite le médecin expert est-il aussi rémunéré ?
E. du R : Oui car il favorise la coordination des soins autour du patient. Il est rémunéré 5 euros pour la téléexpertise de niveau I et 10 euros par acte de téléexpertise complexe.

E. P : Quels sont les bénéfices apportés à la population et au professionnel de santé ?
E. du R : Cette coordination est une manière intelligente de répondre au problème de démographie médicale et à l’isolement de certains médecins en permettant une meilleure prise en charge des patientes. C’est aussi clairement un outil d’amélioration de la pratique, et ce à plusieurs niveaux :
Tout d’abord, la sécurisation des échanges et leur archivage apportent une sécurité médico-légale à une procédure qui auparavant se faisait le plus souvent oralement.
La téléexpertise pose également les bases d’une meilleure coordination entre les professionnels de santé qui interviennent dans le parcours de soins de la patiente. Le champ de compétences de chacun est clairement établi et les relations entre les sages-femmes et les gynécologues en particulier s’en trouvent simplifiées. En outre, cette pratique permet aux professionnels de gagner du temps et de maîtriser leur planning en ayant qualifié un certain nombre de consultations présentielles en amont.

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°116

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