La réforme : la place des médecins est a redéfinir

Publié le 30 May 2022 à 12:58


Le secrétaire général du COCT a-t-il vendu la mèche en faisant cette déclaration au colloque de l’AFISST (Association française des IPRP de SSTI) !
 Comme à chaque fois dans ce colloque les intervenants se libèrent de la tutelle des médecins du travail par de nombreuses déclarations négatives à leur sujet, c’était déjà le cas lors d’un précédent colloque où j’avais pu remarquer la présence de représentants des directeurs de services.
Lors de ce dernier colloque tel que rapporté par l’actualité actuEL HSE :
« Les intervenants ont regretté leur manque d’engagement en matière de prévention ».
« Pour certains, que les médecins animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire comme le prévoit l’article L. 4622- 8 du code du travail n’a plus de sens aujourd’hui, avec la montée en compétences des autres membres de l’équipe. Surtout, ils pointent le manque de temps des médecins pour remplir leurs missions ».
Philippe Garabiol, secrétaire général du COCT, invité au colloque, a déclaré que « la place des médecins est à redéfinir »
« Ce n’est pas à moi de le dire, mais dans le système actuel a-t-il ajouté le médecin est posé, si ce n’est au sommet, juste à côté de la pyramide ». Il a également mis en cause la formation des médecins, qui aurait très peu évoluée, contrairement au métier !

Cette déclaration d’un éminent fonctionnaire responsable de l’instance de concertation préparatoire des partenaires sociaux serait-elle prémonitoire de l’évolution des textes ? Ce qui est significatif c’est qu’elle interpelle la formation initiale des médecins du travail que reçoivent les médecins dans ce milieu éthéré qu’est l’université bien trop éloigné du terrain et des entreprises.

Cette déclaration interpelle également les autorités déconcentrées du ministère qui ne peuvent (faute d’outil juridique, l’agrément ayant la même force qu’un pistolet à eau) faire appliquer les prescriptions et l’esprit des textes du code du travail.

Cette déclaration interpelle également les directions de service mais également les administrateurs patronaux et salariés qui ont encore une vision de la santé au travail uniquement fondé sur la priorisation de l’acte médical, indiscutablement il faudrait que nos dirigeants, tout comme les directeurs d’hôpitaux ou de centres de sécurité sociale, aient une labélisation par une formation minimale adaptée à leur mission, cela fait défaut !

On pourrait croire que de toute façon les carottes sont cuites compte tenu de la démographie et de la volonté La Place des médecins est à redéfinir patronale de cantonner ces acteurs au fond de leur cabinet médical, cependant des pistes d’amélioration existent :

C’est d’abord reconnaître que le médecin du travail bénéficie de caractéristiques très intéressantes en rapport avec sa mission.

  • Sa formation : il a appris l’anatomie, l’histologie, la biochimie, la biophysique, la physiologie, la physiopathologie, les pathologies, la psychologie et la psychiatrie et j’en oublie certainement : il a les meilleures bases pour faire un excellent ergonome.
  • Et sa mission telle qu’écrite par le code du travail (éviter l’altération de la santé) il correspond tout à fait à la démarche de l’ergonomie. Suivant la définition de l’ANACT, l’ergonomie rassemble les connaissances sur le fonctionnement de l’homme en activité afin de l’appliquer à la conception des tâches, des machines, des bâtiments et des systèmes de production. Pour les connaissances sur le fonctionnement de l’homme en activité, qui mieux que le médecin et pour la suite l’ingénieur, l’architecte ou le manager.

Ainsi on peut dire que le médecin du travail dans son activité prescrite par le code du travail et les attentes des partenaires sociaux (cf le PST3) doit faire de l’ergonomie comme M. Jourdain faisait de la prose !

Il faut aussi reconnaître que le médecin du travail est un ergonome qui bénéficie d’avantages certains pour le service de la santé des salariés sans crainte : en effet, il est le seul acteur dont la mission soit prescrite de telle façon que l’on ne puisse craindre que l’utilisation de la connaissance soit utilisée plus pour améliorer la production que la prévention, le code du travail ne laisse aucune ambiguïté à son sujet, ce n’est pas le cas de nombreux autres acteurs !

De plus, il est contraint par le secret médical qui permet une garantie de confiance dont il est le seul porteur, enfin il est le seul acteur qui ait une garantie d’indépendance technique ce qui fait de lui, de fait, un salarié protégé, ce qui est une garantie nécessaire lorsque l’on doit informer un employeur que sa méthode de travail n’est pas la bonne !

Ce sont ces dernières caractéristiques qui le rendent incontournables si l’on veut faire une prévention mais qui pourraient expliquer que l’on ne veuille pas le voir se développer !

Cependant il est indispensable d’introduire quelques modifications qui relèvent de la prise de conscience politique. Il faut d’abord que la formation du médecin du travail se fasse comme pour les autres spécialités « au lit du malade » et en l’occurrence au plus près du terrain et non enfermé dans les universités. En particulier, ce qu’il manque au médecin du travail, c’est l’apprentissage de la méthodologie ergonomique.

Il faut également faciliter les reconversions de médecins vers la médecine du travail, le délai de 5 ans d’attente avant le droit de se reconvertir et le délai de 4 ans pour se reconvertir amènent un cout de reconversion de 9 ans est-ce raisonnable lorsque dans toute la société on prône l’agilité et la mobilité, ces délais doivent être raccourcis ils ne servent qu’à protéger inutilement des filières. Il faut également permettre de communiquer sur l’intérêt de cette profession auprès des jeunes étudiants et les efforts de réalisation video de l’ANIMT (association des internes en médecine du travail) sont particulièrement intéressants à cet égard.

Dr B. Salengro
Médecin du travail formé en ergonomie

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°60

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