La radiologie libérale : qualité, le même coup qu'à la bio

Publié le 16 May 2022 à 12:36


Médecin radiologue libéral à Saint-Dizier (52). Secrétaire général de la FNMR. Vice-président de la SFR en charge des bonnes pratiques. Président de la commission de normalisation a l’AFNOR « qualité en imagerie médicale »



Pour vous quel est l’intérêt aujourd’hui pour un jeune radiologue de s’installer en libéral ?

L’exercice libéral a suivi les mutations de notre profession. Les regroupements ont abouti à la constitution de groupes structurés permettant une spécialisation par organe, ce que recherchent naturellement nos jeunes confrères. La radiologie interventionnelle se développe particulièrement également en structure libérale et n’est plus l’apanage des structures publiques. Depuis très longtemps la généralisation de l’utilisation de Ris et de Pacs, déployé sur les différents sites d’une même structure, permet le travail en équipe. La structuration des centres a permis également aux radiologues de se centrer sur leur métier de radiologues avec l’appui de personnel administratif : certaines taches sont déléguées mais restent sous le contrôle du médecin radiologues et bien entendu les orientations stratégiques sont définies par les médecins radiologues.

Un des intérêts de l’exercice libéral est aussi que le médecin radiologue est maitre de son outil de travail et est décisionnaire : il choisit les examens qu’il souhaite réaliser et choisit les équipements pour mener à bien ses projets. Il ne dépend pas d’un directeur d’un centre hospitalier ou d’un ingénieur biomédical pour choisir son nouveau Pacs ou sa nouvelle IRM... Pour cela bien évidement il faut que le capital des structures libérales restent aux mains des médecins sinon nous perdrons notre indépendance. Attention donc aux rachats récents de groupes libéraux par des fonds de pension…

La généralisation des terrains de stage en structure libérale pour les internes permet également pour ceux qui le souhaitent de poursuivre les activités d’enseignement.

En termes de temps de travail et d’investissement financier nécessaire pour intégrer une structure libérale, le modèle des SELARL permet beaucoup de facilité et de souplesse.

Pour résumer, l’exercice libéral en groupe permet aujourd’hui d’avoir une activité professionnelle passionnante, tout en restant indépendant et pleinement libre de ses choix.

Pour vous, comment voyez-vous l’avenir de notre profession ?

Il est fondamental de ne pas perdre de vue que nous sommes des médecins et ne pas nous limiter à l’interprétation des images. Nous devons nous intégrer dans le parcours de soin du patient avec en amont de la réalisation de l’acte, la validation et l’évaluation de la pertinence des demandes d’examen : il faut pour cela développer les liens avec les cliniciens, quitte à régulièrement organiser des réunions avec eux et échanger sur les bonnes pratiques. N’oublions pas que c’est au médecin radiologue de choisir le bon examen à réaliser pour le patient en fonction de la situation clinique posée. A la suite de cette optimisation, nous devons ensuite voir et expliquer au patient sa pathologie. Cela prend du temps mais nous ne pouvons nous limiter à ‘linterpretation des images, au risque de devenir invisible ! on peut imaginer un scénario où la demande d’examen est dématérialisée, le patient se rendant dans un centre lambda pour réaliser l’examen, celui-ci étant interprété en téléradiologie (et avec de l’intelligence artificielle) on ne sait pas trop où puis le résultat étant rendu par le clinicien…

Justement quelle est votre vision de la téléradiologie ?

Bien évidement la téléradiologie est utile et permet l’accès à l’imagerie sur des territoires où la démographie radiologique est insuffisante notamment dans certains centres hospitaliers. Elle est aussi particulièrement utile pour la permanence des soins. Mais je pense que la téléradiologie doit être organisée par territoire, les radiologues libéraux de ce territoire pouvant prendre en charge les examens réalisés dans les centres hospitaliers à proximité. Ils connaissent en effet les équipes et se rendent physiquement régulièrement aussi sur place. La pratique exclusive de la téléradiologie ne me semble pas non plus souhaitable et il faut garder un lien avec la pratique quotidienne en présentiel. Tous ces éléments sont repris dans la charte de la téléradiologie dont la nouvelle version est en cours de validation par le CNOM et dont le contenu sera rendu opposable par l’accréditation en imagerie médicale.

Qu’entendez-vous par accréditation ?

Une directive européenne (EURATOM 2013/59) transposée dans le droit français va amener des changements majeurs: le premier est déjà en application par une décision ASN (autorité de sureté nucléaire) : tout centre d’imagerie doit mettre en place un système de management de la qualité pour les examens utilisant les rayons x, ce depuis le 1er juillet 2019. Cela implique notamment de formaliser la justification des demandes et l’optimisation des examens, la déclaration des évènements indésirables, leur analyse par des Crex (comité de retour d’expérience), intègre une notion d’habilitation par poste,… Les centres ayant déjà une « culture qualité » notamment ceux engagé dans la démarche qualité de labélisation Labelix n’auront pas de difficulté pour se mettre en conformité. Pour les autres,le travail sera plus important. Le deuxième élément que contient cette directive est l’obligation de réaliser des audits par les pairs. Notre profession via le conseil professionnel est particulièrement impliquée. D’importants travaux sont actuellement en cours avec la rédaction d’une norme française décrivant les bonnes pratiques. D’ici quelques années des radiologues formés à l’audit se rendront dans les structures d’imagerie pour vérifier la conformité des bonnes pratiques à la norme. L’objectif étant bien entendu d’améliorer la prise en charge de nos patients mais sans tomber dans les travers de l’accréditation en biologie médicale par le COFRAC (comité français d’accréditation) qui a abouti à une véritable usine à gaz ,particulièrement difficile à mettre en oeuvre…

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°39

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