La prise en charge Gynécologique en Nouvelle-aquitaine par les professionnels libéraux

Publié le 14 May 2022 à 02:43

Les entretiens réalisés dans le cadre de cette étude traduisent l’expression globale d’inquiétudes chez de nombreux professionnels rencontrés quant aux transformations qui sont actuellement en cours dans le domaine de la gynécologie.

Les médecins gynécologues sont les acteurs les mieux identifiés par les femmes pour assurer le suivi gynécologique, d’autant plus qu’ils demeurent en « accès libre ».

Cependant la diminution du nombre de gynécologues médicaux soulève des interrogations de la part des professionnels de la santé, posant en toile de fond le problème de l’accès aux soins en gynécologie.

Une étude sur le rôle de chacun et la perception des transformations
Par ailleurs, l’offre plurielle des soins en gynécologie observée à travers les données de l’Assurance Maladie vient questionner tout d’abord les rôles de chacun, mais aussi les coopérations interprofessionnelles autour de la prise en charge gynécologique des patientes (Voir graphique 1).

A ce jour, quatre catégories de professionnels de santé peuvent ainsi assurer le suivi gynécologique : les gynécologues médicaux, les gynécologues obstétriciens, les médecins généralistes, les sage-femmes. Dans ce contexte, la commission « Organisation des soins en gynécologie médicale » de l’URPS Médecins Libéraux de Nouvelle-Aquitaine a conduit une étude sur la prise en charge gynécologique par les professionnels de santé libéraux en Nouvelle-Aquitaine.

L’objectif de cette étude est d’identifier les perceptions des professionnels quant aux transformations de la prise en charge gynécologique. Les résultats permettront à l’URPS des Médecin Libéraux de Nouvelle-Aquitaine de définir et de proposer de manière concertée des pistes d’évolution qui répondent aux enjeux de la santé des femmes et à la réalité des territoires

  • Une diminution du nombre de gynécologues médicaux, d’autres professionnels qui participent également au suivi gynécologique.
  • 3 millions de femmes de Nouvelle-Aquitaine qui doivent avoir un égal accès aux soins gynécologiques...

Une approche croisée par questionnaire et entretien
L’étude s’appuie sur le croisement d’une approche quantitative réalisée par questionnaire et d’une approche qualitative réalisée par entretien. L’enquête par questionnaire a été réalisée en 2017 auprès de gynécologues et de médecins généralistes exerçant en médecine libérale en Nouvelle-Aquitaine.
Des entretiens individuels et collectifs ont été conduits entre novembre 2018 et janvier 2019 auprès des quatre catégories d’acteurs libéraux de la gynécologie : gynécologues médicaux, gynécologues obstétriciens, médecins généralistes et sage-femmes. 32 professionnels ont été rencontrés en entretiens individuels et 21 dans le cadre de trois focus groups, soit 53 professionnels en tout, issus des différents territoires de la région.

Les rôles de chacun dans la prise en charge gynécologique
Les entretiens réalisés ont tout d’abord permis de souligner que la pratique gynécologique traduit, pour toutes les catégories d’acteurs libéraux interrogés, un engagement spécifique, voire militant, au service de la santé des femmes.

Gynécologues médicaux et Gynécologues obstétriciens
Les gynécologues médicaux et obstétriciens se consacrent par nature à cette activité. Les gynécologues médicaux sont formés pour prendre en charge la physiologie, la pathologie et la prévention. Ils se positionnent comme les spécialistes de l’intime féminin tout au long de la vie des femmes.

Les gynécologues obstétriciens se déclarent comme les référents en obstétrique et certains en chirurgie gynécologique. Ils sont considérés comme les experts de la pathologie des grossesses, des accouchements et de la gestion du risque.

Médecins généralistes
Trois grands types de pratique gynécologique ont été identifiés chez les médecins généralistes :
• une pratique gynécologique « partielle et occasionnelle » généralement liée au déficit d’offre sur le territoire ;
• une pratique gynécologique « complète » pour laquelle le médecin généraliste considère la gynécologie comme partie intégrante de son activité ;
• une pratique gynécologique « totale et absolue », concernant des médecins généralistes qui font choix de se spécialiser dans le domaine.
Les médecins généralistes interviennent principalement sur la contraception, la ménopause, le dépistage et dans une moindre mesure dans le suivi des grossesses.

Sage-femmes
Les sage-femmes considèrent que la gynécologie s’inscrit dans la continuité de la prise en charge que propose leur métier. En vertu des nouvelles compétences qui leur ont été attribuées en 2009, elles réalisent des consultations gynécologiques notamment pour répondre aux besoins de la patientèle.

Elles sont ainsi maintenant formées au suivi gynécologique dans le domaine physiologique et aussi à la détection de pathologies pour orienter les femmes vers un médecin.

Quelle répartition des actes en gynécologie selon le type de professionnel ?
L’offre de soins en gynécologie revêt aujourd’hui une dimension plurielle. Si la majorité des actes est réalisée par un gynécologue médical ou un gynécologue obstétricien, pour certains actes, l’intervention des médecins généralistes et des sage-femmes peut être importante (voir graphique 1).Cette répartition des actes entre professionnels peut par ailleurs varier selon les territoires, comme cela peut être constaté pour le « prélèvement cervico-vaginal / frottis » (voir graphique 2).

Perceptions des transformations de la prise en charge gynécologique
L’analyse des entretiens réalisés auprès des professionnels a mis en évidence l’ampleur des transformations qui sont actuellement en cours dans le domaine de la gynécologie et qui questionnent fortement l’ensemble des professionnels. Ces interrogations, qui ne sont pas récentes, traduisent l’expression globale d’inquiétudes chez de nombreux professionnels rencontrés.

Si les sage-femmes et les médecins généralistes s’efforcent de pallier les insuffisances de l’offre de soins gynécologiques sur les territoires, ils disent être eux mêmes limités, soit par leurs compétences et leurs formations, soit par leur propre manque de temps face à l’engorgement de leurs consultations (s’agissant notamment des médecins). Tous les professionnels rencontrés, quel que soit leur métier, pointent de toute évidence une confusion des rôles dans la prise en charge gynécologique, cette confusion pouvant être encore plus marquée dans les territoires rencontrant de fortes problématiques de démographie médicale.

Les évolutions en cours ne semblent pas dessner à l’heure actuelle une organisation stabilisée de la prise en charge gynécologique des femmes. Les professionnels indiquent que cela favorise au contraire une confusion des champs professionnels, qui participe au manque de lisibilité de l’offre de soins.

Ils remarquent que sont apparues des tensions peu propices à la coopération entre ces différentes professions notamment entre gynécologues médicaux et sage-femmes – même si ces attitudes tendent à s’atténuer. Au final, cela crée un contexte socioprofessionnel assez pesant, accentué par les changements plus généraux qui traversent le système de santé (place grandissante de la technique par rapport à la clinique, pression médico-légale, mises en cause fortement médiatisées de certains traitements et pratiques...).

Des inquiétudes parmi les 4 catégories de professionnels

  • La diminution du nombre de gynécologues médicaux.
  • La crainte d’une dégradation du suivi gynécologique des femmes.
  • L’absence d’une véritable vision de la prise en charge gynécologique de demain.
  • La confusion des rôles de chacun.

Comme pour toute discipline, les professionnels reconnaissent que la gynécologie doit évoluer. Deux visions se confrontent concernant cette évolution, l’une attachée à l’approche globale et au suivi au long cours, telle que la gynécologie médicale a pu la pratiquer jusqu’ici, l’autre plus segmentée, plus technique, partagée entre les différentes catégories d’acteurs qui devront pour cela redéfinir leurs champs de compétences et d’interventions respectifs.

Les jeunes générations de médecins (gynécologues médicaux, obstétriciens et généralistes) semblent davantage adhérer à ces transformations. Elles sont perçues comme des moyens pour revaloriser la gynécologie médicale et repenser l’avenir du métier autour d’une plus grande coordination, d’une hyperspécialisation.

2 visions sur l’évolution de la prise en charge gynécologique

  • Maintien de l’approche globale et du suivi au long cours.
  • Ouverture vers une approche plus segmentée, plus technique, entre plusieurs professionnels

Perspectives d’actions
Cette étude permet de mettre en évidence les enjeux organisationnels et territoriaux auxquels sont confrontés au quotidien les professionnels de santé, pour assurer leur mission auprès des femmes. Face aux évolutions importantes qui s’annoncent les professionnels sont en attente d’anticipation et d’accompagnement.

A la suite de cette étude, l’URPS des Médecins Libéraux de

Nouvelle-Aquitaine poursuivra ainsi ses travaux. Il s’agira, dans un cadre concerté, de préciser le rôle de chacun, les éventuels besoins en formation, mais aussi de nouveaux protocoles et outils d’échange interprofessionnel, tout en prenant compte les spécificités territoriales.

Si une redéfinition des champs professionnels devait se mettre en place, elle devrait en effet s’appuyer préalablement sur une organisation repensée de manière concertée entre l’ensemble des acteurs de la gynécologie, respectant la place et les compétences de chacun, favorisant une réelle coordination et une continuité dans la prise en charge.

La prise en charge gynécologique semble avant tout aujourd’hui avoir besoin d’une nouvelle vision partagée et d’une organisation clarifiée, au service de la santé des femmes.

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°118

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