La place de l’IRM cardiaque dans le diagnostic et la stratification du pronostic des myocardites en 2023

Publié le 1683817955000

Introduction

La myocardite est une maladie inflammatoire du myocarde pouvant évoluer de manière aiguë ou chronique. Dans la majorité des cas, l’étiologie est secondaire à une infection virale, une iatrogénie ou à des toxiques. Dans de plus rare cas, elle est l’expression initiale de maladies systémiques, auto-immunes ou inflammatoires, et pourrait être un mode d’expression phénotypique de certaines cardiomyopathies arythmogènes, lui conférant un caractère clinique tout particulièrement hétérogène (1, 2).

En dépit des progrès récents des techniques d’imagerie, le diagnostic, la surveillance et le pronostic de ces patients restent difficiles à établir (3).

Nous allons voir comment l’IRM cardiaque se positionne au cours de la stratégie diagnostique d’une myocardite aiguë, et quels sont les paramètres qui peuvent nous aider à la stratification du risque d’évènements chez nos patients.

Contexte clinique

Après un interrogatoire et un examen clinique, un ECG, une échocardiographie et une biologie comprenant Troponine et CRP doivent être pratiqués à tout patient suspect de myocardite. En fonction de la probabilité pré-test, le bilan initial doit être complété par une coronarographie ou une imagerie anatomique ou fonctionnelle non invasive, dans le but d’exclure une coronaropathie obstructive (1). À ce stade, aucun examen de première ligne ne suffit seul pour faire le diagnostic (4).

La biopsie endomyocardique (BEM) est à ce jour le gold standard pour le diagnostic de myocardite (1). Reposant sur des critères histologiques, immunologiques et immunohistochimiques, elle permet d’identifier de manière direct le substrat pathologique.

Elle met alors en évidence un infiltrat inflammatoire myocardique associé à une dégénérescence myocytaire et une nécrose d’origine non ischémique. Elle permet également de préciser le type d’infiltrat cellulaire (lymphocytaire, éosinophilique, polymorphique, à cellules géantes ou granulomateux) et d’identifier le génome viral par RT-PCR afin de guider la stratégie thérapeutique sur une cible spécifique si nécessaire.

Cependant, en dépit de progrès techniques récent, la BEM reste confrontée à de nombreuses limites : Faux négatifs, technique invasive, nécessité d’une équipe expérimentée (5). De ce fait, son utilisation en routine n’est pas recommandée dans les cas de myocardite à faible risque, qui représentent jusqu’à 75 % des cas rencontrés en pratique clinique (1, 6, 7, 8).

Place de l’IRM cardiaque pour le diagnostic de myocardite

Introduction des critères de Lake Louise

Au cours des quinze dernières années, l’IRM est devenue un outil d’imagerie non invasif de référence pour la quantification des volumes, de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) et de la masse myocardique (8). Grâce à sa capacité unique de caractérisation des tissus myocardiques, elle a rendu le diagnostic de myocardite plus rapide et plus fiable, facilitant les stratégies diagnostiques et thérapeutiques. En fournissant des indices étiologiques précieux sur le myocarde, notamment en différenciant les causes ischémiques des causes non ischémiques, elle a permis d’éviter des procédures invasives chez de nombreux patients, telles que la coronarographie et la BEM (9). Par exemple, quand le tableau initial est celui d’un MINOCA, l’IRM cardiaque permet de redresser le diagnostic dans 33 % des cas (10).

En 2009 un premier consensus d’experts formalise le diagnostic de myocardite aiguë en IRM cardiaque en proposant trois cibles diagnostiques au sein du tissu myocardique (Figure 1) :

  • L’oedème myocardique focal est dérivée de l’évaluation de l’intensité du signal en pondération T2 (séquences STIR) ;
  • L’hyperhémie locale est évaluée par le rehaussement précoce (EGE) 2 minutes après injection de gadolinium ;
  • Et la nécrose tissulaire par l’étude du rehaussement tardif (LGE) 10 minutes après injection de gadolinium.

Une forte probabilité de myocardite aiguë est retenue si deux des trois critères sont présents. La précision du diagnostic était alors estimée à 78 %, avec une sensibilité de 67 % et une spécificité de 91 % (9).


Figure 1 : Exemple de patient avec un diagnostic de myocardite aiguë A. Hypersignal T2-STIR sous épicardique en motte de la paroi latérale du VG B. Réhaussement tardif concordant au sein de la paroi latérale du VG révélant une myocardite aiguë

Les Critères de Lake Louise (LLC) ont par la suite été utilisés et validés par plusieurs études robustes, notamment deux méta-analyses récentes rapportant une précision diagnostique de 83 % pour l’identification des myocardites aiguës (sensibilité de 80 % et spécificité de 87 %) (11, 12).

En 2013, les recommandations de l’ESC suggère l’utilisation de l’IRM en recommandation de classe I pour la confirmation d’une atteinte myocardique (13).

Nouvelles techniques de cartographies et update des LLC Les mesures de l’intensité du signal en pondération T1 et T2 et l’étude du EGE ont toutefois montré certaines limites. Les artefacts d’acquisition liés aux longues apnées répétées et l’analyse visuelle, parfois subjective, de l’intensité du signal peuvent diminuer la capacité diagnostique de l’IRM cardiaque (3).

Les techniques de cartographies T1 et T2 ainsi que la quantification du volume extracellulaire (ECV) fournissent des données quantitatives sur les propriétés magnétiques des tissus. La mesure des temps de relaxation T1 et T2 du myocarde sont fonction de leurs caractéristiques intrinsèques, de leurs environnements, ainsi que du matériel (=hardware) et du logiciel (=software) utilisés pour l’acquisition (4). En éliminant la nécessité de se fier aux intensités relatives des signaux dans les régions d’intérêt d’une part, et en améliorant la qualité des acquisitions en fournissant des séquences en apnée plus courte d’autre part, les cartographies permettent ainsi de dépasser certaines limites des LLC (3).

De plus, les méthodes de cartographie peuvent détecter de manière plus fiable les changements tissulaires homogènes et diffus lors de l’évolution de la myocardite, que la caractérisation semi-quantitative seule. Les valeurs T1 et T2 sont sensibles aux modifications de la teneur en eau libre des tissus.

  • Le temps T1 est augmenté en cas d’oedème ou de fibrose (<950–1150ms à 1,5T) ;
  • Le temps T2 est augmenté en présence d’un oedème myocardique (<45–55ms) ;
  • La cartographie en T2 natif permet une évaluation de l’inflammation aiguë de manière plus sensible par rapport au T2-STIR classiquement utilisé. Certaines études suggèrent que la cartographie T2

pourrait exclure l’inflammation avec une sensibilité allant jusqu’à 89 %, offrant ainsi la possibilité de faire la différence entre une myocardite active et chronique (15),

  • La cartographie T1 avant et après injection, combinée avec la mesure de l’hématocrite, peut également être utilisée pour quantifier l’ECV qui est augmenté en cas d’oedème et de fibrose (<25 %),
  • Un nouveau Consensus d’Expert publié en 2018 (Figure 2) ajoute ainsi ces nouveaux paramètres aux critères de Lake Louise de 2009 (3). Le diagnostic de myocardite aiguë peut désormais être posé sur la présence de :

- Au moins 1 critères de lésion myocardique non ischémique basé sur le T1 (cartographie T1, ECV ou LGE) ;

- ET au moins 1 critère d’oedème myocardique basé

sur le T2 (cartographie T2 ou imagerie pondérée en T2). De plus, l’altération de la FEVG, les anomalies de cinétique et l’épanchement péricardique sont considérés comme des critères ancillaires.


Figure 2 : IRM cardiaque pour le diagnostic de myocardite : Critères de Lake Louise originaux (panel du haut) puis Critères de Lake Louise modifiés en 2018 (panel du bas)

Le protocole d’acquisition d’IRM cardiaque est donc aujourd’hui standardisé (Figure 3).