Connaissez-vous Angélique Marguerite Le Boursier Du Coudray ?
Il s'agit d'une sage-femme parisienne (1712-1792), d'origine auvergnate qui mit au point une méthode pratique et originale pour enseigner l'art de l'accouchement. Elle fut une des premières en Europe à se servir de machines de son invention, reproduisant de façon fidèle l'anatomie du petit bassin féminin et assorties d'une série d'accessoires sophistiqués imitant les viscères et le contenu de l'utérus gravide, de façon à pouvoir démontrer le mécanisme de l'accouchement et effectuer les manœuvres obstétricales applicables aux diverses dystocies.
Madame Du Coudray s'était rendu compte que les cours dispensés par les accoucheurs de l'époque n'étaient souvent que trop théoriques et difficilement compréhensibles et utiles aux sages-femmes de terrain. Elle s'appliqua donc à mettre au point une méthode alliant étroitement le minimum de théorie nécessaire à une pratique intensive sur le mannequin et utilisant, par ailleurs, un langage simple accessibles à toutes.
« C'était à leurs yeux et à leurs mains qu'il fallait parler, en y ajoutant de la patience et de la douceur » disait-elle très justement. La « machine », protégée par un « brevet royal » déposée en 1767, lui permet alors de se voir mandatée auprès des autorités provinciales pour organiser des cours d'accouchement dans tout le pays.
Aujourd'hui, il ne reste qu'un unique exemplaire conservé et exposé au musée Flaubert et d’histoire de la Médecine, à Rouen parmi d'autres curiosités, dont un lit pour six personnes, une collection de deux cents céramiques médicales, des trousses militaires chirurgicales de campagne, des grilles en fer forgé de 1775, ou encore les têtes momifiées par Laumonier de Bordier et Jourdain
Le mannequin de démonstration
L’ensemble de confection artisanale est fait en toile et en peau, de couleur rose, rembourré de coton. Le mannequin de démonstration est représenté en grandeur nature et repose sur une armature en fer, en position gynécologique. Il s’ouvre dans sa partie supérieure pour positionner la poupée dans le ventre maternel. Il porte des orifices où coulisse tout un jeu de ficelles et de lanières permettant de simuler l’ampliation vaginale et la dilatation du périnée lors du passage de l’enfant et contribuant à montrer la dynamique de l’accouchement. La radiographie a révélé que sous les étoffes, la soie et les rubans se cache une véritable structure osseuse : le bassin d’une jeune femme.
L'anatomie de la femme selon Madame Du Coudray
Cette reproduction de l’appareil génital de la femme, représenté en dehors de la grossesse, est remarquable par sa fidélité au modèle anatomique. Cette pièce porte 21 petites étiquettes cousues qui permettaient aux élèves d’identifier les différents organes de la reproduction, notamment l’utérus, les ovaires, les trompes de Fallope et de les situer par rapport à l’intestin et la vessie. En tenant la pièce comme une marionnette, l’élève pouvait pratiquer le toucher du col utérin.
Le nouveau-né
L’ensemble est flexible en particulier la tête afin de pouvoir mettre la poupée dans toutes sortes de positions pour expliquer les différentes présentations. Les parties dures, sensibles à la palpation, sont le crâne avec la présence de la fontanelle, la colonne vertébrale portant le nombre exact de vertèbres, le thorax, les coudes, les genoux et même les talons.
Pieds et mains sont bien individualisés car il est important pour la sage-femme qui travaille en aveugle de repérer le membre droit et le membre gauche lors de l’extraction de l’enfant.
La tête, dont le nez est modelé, les oreilles cousues et les cheveux dessinés à l’encre, a la bouche ouverte. On peut y introduire le doigt jusqu’à une profondeur de 5 cm et apercevoir la langue. Ce détail est important car il permet à la sage-femme d’introduire deux doigts dans la bouche pour faciliter le passage de la tête lors d’une présentation de l’enfant par le siège. Ainsi l’élève pouvait répéter sur la machine ce que l’on appelle la manœuvre de Mauriceau.
Le fœtus de sept mois dans sa matrice
Parmi les nombreux accessoires permettant de montrer les différentes phases de la grossesse figure la représentation d’une matrice et d’un fœtus de sept mois.
La matrice est de forme arrondie, d’un diamètre de 24 cm. Elle porte une étiquette en parchemin écrite à la plume d’oie. Elle est en tissu rembourré de coton, ouverte dans sa hauteur. L’intérieur est entièrement doublé de peau de couleur chair. L’ouverture permet de voir le placenta. La face fœtale du placenta est brodée de fils rouges et bleus représentant les artères et les veines rayonnant autour du cordon ombilical. Le cordon mesure environ 50 cm et est relié à l’ombilic du fœtus. Le fœtus entièrement rembourré de coton est en taffetas de soie de couleur rose très clair. La tête est penchée vers l’avant. Les cheveux et les yeux sont peints à l’encre, le nez est modelé.
Les oreilles sont faites de morceaux de cuir cousu. Les jambes sont repliées et retenues par les bras croisés. Les doigts et les orteils sont bien individualisés (détail important pour les manœuvres d’extraction, la sagefemme travaillant en aveugle). On peut estimer la taille du fœtus à 36 cm ce qui correspond à la taille réelle.
Les jumeaux
La naissance de jumeaux fait partie des accouchements à risque car à l’époque de Madame Du Coudray, on ne pratique pas de césarienne.
Les fœtus des jumeaux sont représentés d’une façon plus sommaire, ainsi les doigts et les orteils ne sont pas individualisés. Cet accessoire n’était pas destiné au toucher mais à la vue pour expliquer le cas des jumeaux. Ils mesurent 25 cm ce qui correspond à une grossesse de cinq mois. Ils sont reliés par leur cordon ombilical à un seul placenta d’un diamètre de 10 cm mais séparé en deux par une membrane de voile de coton. Chaque fœtus a une circulation individualisée et la face maternelle du placenta est constituée de deux demi-éponges.
Nicolas NOCART
CHU Bordeaux
Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°07