La loi RIST confiance et simplification

Publié le 31 May 2022 à 16:10

ÉTAT DES LIEUX ET ANALYSE CRITIQUE

LOI N° 2021-502 DU 26 AVRIL 2021 PUBLIÉE AU JORF DU 27 AVRIL 2021
Cette Loi a été publiée suite au Ségur de la santé, principalement en réponse aux conclusions de son troisième pilier visant à simplifier et assouplir le système de santé et sa gouvernance. C’est principalement dans cet objectif que l’Assemblée Nationale, par l’intermédiaire de Stéphanie Rist, a proposé cette Loi. Nous avons sélectionné et commenté les articles les plus importants de cette Loi qui vont impacter particulièrement l’hôpital public, son organisation médicale et les praticiens qui y exercent.

Article 17
La loi pose le principe d’une adéquation entre recrutement de PH et poste vacant. Quid de la possibilité de créer un poste ? Le texte (ré) affirme le principe du recrutement sur des postes vacants. La création de poste devient l’affaire de l’établissement support et de ses instances, cf. infra. Se dessine un partage des tâches entre les deux niveaux : au niveau du GHT, le pilotage froid et anonyme du tableau des emplois avec un pouvoir fort du directeur de l’établissement support. Au niveau de l’établissement, le choix des personnes avec expression de la prérogative du PCME dans le cadre de la procédure de co-décision. Par ailleurs, la loi crée un nouvel article de portée législative permettant de réaffirmer et de consolider le rôle du CNG dans le processus National de recrutement et donc de nomination des praticiens hospitalier.

Art. L. 6152-5-3. – La procédure de recrutement en qualité de praticien hospitalier a pour but de pourvoir aux postes vacants dans un pôle d’activité d’un établissement public de santé, déclarés par le directeur général du Centre national de gestion, en utilisant toutes voies de simplification définies par voie réglementaire permettant que les postes soient pourvus dans les meilleurs délais.

Article 18
Par cet article, qui n’a pas de traduction dans le code de la santé publique, à titre expérimental et pendant une durée de 3 ans, la création de poste devient une prérogative du directeur de l’établissement support. Certes les autorités de l’établissement du GHT sont impliquées mais uniquement comme force de proposition conjointement entre directeur et PCME. Cette procédure permet de s’affranchir de l’accord préalable de l’ARS en matière de création de poste. Il n’en demeure pas moins que l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) des établissements de santé restera soumis à l’approbation des ARS, en vertu de l’article R. 6145-29 du code de la santé publique. On peut s’attendre à ce que cette disposition expérimentale soit généralisée à l’avenir.

À compter de la publication de la présente loi, pour une durée de trois ans, le directeur de l’établissement support du groupement hospitalier de territoire, sur proposition conjointe du directeur et du président de la commission médicale d’établissement de l’établissement partie et après avis de la commission médicale de groupement, peut décider de la création de postes de praticien hospitalier au sein de cet établissement partie. L’avis de la commission médicale de groupement évalue la conformité de cette création de postes au projet médical partagé du groupement hospitalier de territoire

Article 19
La loi entérine la possibilité de l’exercice médical à titre bénévole. Néanmoins cet exercice n’est pas autorisé en substitution de postes de titulaires laissés vacants.

Article 20
Renforcement du dispositif de contrôle des cumuls irréguliers d’activité. Ne règle pas le problème structurel de la pénurie de médecins dans certaines spécialités.

Art. L. 1451-5. – En vue de contrôler le cumul irrégulier d’activités défini à l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, l’autorité investie du pouvoir de nomination au sein des établissements publics de santé peut, sans préjudice de l’article L. 8271-1 du code du travail, consulter le fichier national de déclaration à l’embauche, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Article 22
Repositionnement du service comme entité fondamentale de la structure de l’établissement. Nomination du Chef de service sur décision conjointe du DH et du PCME après avis (simple) du chef de pôle. Possibilité pour le chef de pôle de déléguer sa signature au chef de service. Intéressant pour les PUI car le chef de service est concomitamment le pharmacien chargé de gérance. Le gérant délégataire du chef de pôle disposerait d’une capacité managériale plus étendue qu’actuellement. Mais il ne faut pas rêver car cette possibilité est dépendante du bon vouloir du chef de pôle et il ne s’agit que d’une délégation de signature qui est très limitée et qui n’entraîne aucune délégation de pouvoir ni d’autorité fonctionnelle en direction des chefs de services.

Art. L. 6146-1-1.Les services mentionnés à l’article L. 6146-1 constituent l’échelon de référence en matière d’organisation, de pertinence, de qualité et de sécurité des soins, d’encadrement de proximité des équipes médicales et paramédicales, d’encadrement des internes et des étudiants en santé ainsi qu’en matière de qualité de vie au travail. Ils sont dirigés par un chef de service, responsable de structure interne, en étroite collaboration avec le cadre de santé. Dans les centres hospitaliers et les centres hospitaliers universitaires, le chef de service est nommé par décision conjointe du directeur d’établissement et du président de la commission médicale d’établissement, après avis du chef de pôle. Lorsque le chef de service est un praticien des armées, la décision de nomination est prise conjointement par le directeur d’établissement, le président de la commission médicale d’établissement et le ministre de la Défense. La durée du mandat des chefs de service est fixée par décret. Leur mandat peut être renouvelé dans les mêmes conditions. Le chef de service et le cadre de santé sont associés au projet d’établissement, au projet de gouvernance et de management participatif et aux projets d’évolution de l’organisation interne de l’établissement. Pour l’application de l’article L. 6146-1, le chef de service est notamment associé par le chef de pôle à la mise en œuvre de la politique de l’établissement afin d’atteindre les objectifs fixés au pôle. Le chef de pôle peut déléguer sa signature au chef de service pour la mise en œuvre du contrat de pôle prévu au même article L. 6146-1. Le chef de service et le cadre de santé organisent la concertation interne et favorisent le dialogue avec l’encadrement et les personnels médicaux et paramédicaux du service. Les modalités d’application du présent article sont définies par décret.

Article 25
Porte sur un droit d’option de fusion des CME et CSIRMT en une commission médico-soignante sur décision du directeur après proposition conjointe des 2 présidents de commission et avis favorables des 2 commissions. Cette nouvelle commission se substitue aux 2 autres "en ce qui concerne les compétences qui leur sont respectivement attribuées". Elle élit son président "parmi les représentants des personnels médicaux, odontologiques, maïeutiques et pharmaceutiques" et le coordonnateur général des soins en est le vice-président. Ces 2 fonctions reprennent les responsabilités respectives des présidents de la CME et de la CSIRMT.

Article 29
Crée la possibilité de déroger aux règles d’organisation en matière de fonctionnement médical et d’organisation des soins. Cette libre organisation du fonctionnement médical et de la gouvernance relève d’une décision du directeur et du PCME sur avis conforme de la CME. La CME dispose donc d’un pouvoir réel en la matière. Son objectif est en particulier de permettre de déroger à l’organisation rigide en pôles, mesure très attendue par la communauté médicale.

Art. L. 6146-1-2. – Par dérogation aux articles L. 6146-1 et L. 6146-1-1, le directeur et le président de la commission médicale d’établissement d’un établissement public de santé peuvent décider d’organiser librement le fonctionnement médical et la dispensation des soins, conformément au projet médical d’établissement approuvé par le directoire. Cette décision est prise sur avis conforme de la commission médicale d’établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques. Le comité technique d’établissement est consulté. Dans le cadre de la dérogation mentionnée au premier alinéa du présent article, le directeur et le président de la commission médicale d’établissement nomment conjointement les responsables des structures médicales et médico-techniques ainsi créées. Le directeur prévoit, après consultation de la commission médicale d’établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques et du comité technique d’établissement, les modalités de participation et d’expression des personnels au fonctionnement de ces structures. Les modalités de cette organisation interne ainsi que ses conséquences sur les actions de coopération dans lesquelles l’établissement est engagé sont précisées dans le règlement intérieur de l’établissement.

Simplification et liberté d’organisation : Art. L. 6149-1. – Par dérogation aux dispositions du présent code relatives au directoire, à la commission médicale d’établissement, à la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques ainsi qu’à l’organisation interne de l’établissement, notamment aux articles L. 6143-7-5, L. 6144-1, L. 6144-2, L. 6146-1, L. 6146-1-1 et L. 6146-9, un établissement peut organiser librement le fonctionnement médical, les soins et la gouvernance en son sein, conformément au projet d’établissement approuvé par le conseil de surveillance. Cette libre organisation est décidée conjointement par le directeur et le président de la commission médicale d’établissement, après avis favorables de cette commission et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques ainsi que, le cas échéant, du comité technique d’établissement et du conseil de surveillance. Le directeur prévoit, après consultation de la commission médicale d’établissement, de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques et du comité technique d’établissement, les modalités de participation des personnels au fonctionnement des structures ainsi créées et les modalités d’expression de ces mêmes personnels en leur sein. Les modalités de cette gouvernance et de cette organisation internes sont précisées dans le règlement intérieur de l’établissement.

Article 30
Crée la possibilité pour certains élus (député ou sénateur) de siéger au conseil de surveillance de l’établissement. Cette disposition pose la question de la politisation partielle de la gouvernance
« Peuvent participer aux réunions du conseil de surveillance avec voix consultative le député de la circonscription où est situé le siège de l’établissement principal de l’établissement public de santé et un sénateur élu dans le département où est situé le siège de l’établissement principal de l’établissement public de santé, désigné par la commission permanente chargée des affaires sociales du Sénat. »

Article 31
Fait passer le directoire de 7 à 9 membres dans les centres hospitaliers (CH) et de 9 à 11 membres dans les CHU. Il impose la nomination au sein du directoire d’un membre du personnel non-médical et il prévoit que le directeur peut, après avis conforme du président de la commission médicale d’établissement et concertation du directoire, désigner aux plus trois personnalités qualifiées qui peuvent notamment être des représentants des usagers ou des étudiants. Ces dernières participent avec voix consultative aux séances du directoire. Le directoire demeure à majorité médicale mais reste néanmoins une instance consultative où la plupart des membres sont soit membres de droit, soit membres désignés et non pas élus. La loi introduit une mesure de transparence en imposant la mise en œuvre, pour chaque séance du directoire, d’un relevé de conclusions rendu accessible à l’ensemble du personnel de l’établissement.

Article 33
Relatif à la lutte contre les abus de l'intérim engage le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) à déférer devant le juge administratif les contrats entre hôpitaux et entreprises de travail temporaire ou praticiens vacataires dont l'irrégularité lui a été signalée par le comptable public. Confère à l’ARS un contrôle de légalité des contrats conclus par les établissements sur le modèle du déféré préfectoral.

Cet article est éthiquement impossible à mettre en œuvre car il met les directeurs d’hôpitaux dans un choix cornélien entre embaucher des médecins mercenaires à des tarifs supérieurs aux montants autorisés pour maintenir une offre hospitalière nécessaire aux besoins populationnels et fermer des pans entiers d’activités de soins mettant ainsi en risque d’absence de soins les patients de leur territoire.

De plus l’analogie avec la pratique du déféré préfectoral mis en œuvre par les préfets est éloquente par anticipation : il est rare que les préfets usent de cette prérogative qui est de nature à heurter les exécutifs territoriaux. Les observateurs n’ont pas manqué de noter que très souvent les exigences de respect de la légalité s’effacent derrière des considérations d’ordre politique.

Nous aurions donc préféré des mesures d’attractivité de nos carrières à la hauteur de nos attentes rendant ainsi inutile ce type de mesure répressive.

En conclusion, même si on peut y trouver quelques points de satisfactions, ce texte de loi comme toutes les mesures prises à la suite du Ségur de la Santé est très insuffisant ; à l’image de l’absence de reconnaissance statutaire et salariale en direction des Sage-femmes alors qu’elles voient leur champ de compétence étendu par les articles 6 à 12 de cette Loi.

Dr Patrick LÉGLISE
Délégué Général de l’INPH

Vice-président du SYNPREFH

Jean POITOU
Pharmacien Juriste

du SYNPREFH

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH21

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