La loi isolement et contention

Publié le 27 May 2022 à 08:01

7 points à retenir. Depuis le 1er janvier 2022 :
• Mesure de contention : durée maximale de 24 heures.
• Mesure d’isolement : durée maximale de 48 heures.
• Délai de 48 heures entre 2 mesures obligatoire.
• Mesures d’isolement : suivi par un psychiatre toutes les 12 heures.
• Mesures de contention : suivi par un psychiatre toutes les 6 heures.
• Le juge des libertés et de la détention ne pourra pas être saisi par le patient ou son proche.
• Le juge des libertés et de la détention n’aura pas à être saisi par le médecin psychiatre ou la direction hospitalière.

Que dit le nouveau texte de Loi contention et libertés ?
L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique est ainsi modifié.

1° Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés : « La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures. La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures. ».

2° Le II est ainsi rédigé : « II. – À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin.

Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient, dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. « Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées. Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II. Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure. Si les conditions prévues au I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues au même I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient, dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention. Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent. Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits alinéas. Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1.

Les conseils d’application par le SPH
Le Syndicats des Psychiatres des Hôpitaux conseille :
• Les mesures d’isolement doivent faire l’objet d’un suivi par un psychiatre toutes les 12 heures.
• Les mesures de contention doivent faire l’objet d’un suivi par un psychiatre toutes les 6 heures.
• Les mesures d’isolement ont une durée maximale légale de 48 heures. Aucun dépassement de cette durée légale ne sera possible.
• Les mesures de contention ont une durée maximale légale de 24 heures. Aucun dépassement de cette durée légale ne sera possible.

• Aucune nouvelle mesure ne pourra être prise dans un délai inférieur à 48 heures après la fin de la dernière mesure.
• Le juge des libertés et de la détention ne pourra pas être saisi par le patient ou son proche, il pourra en revanche, se saisir d’office à tout moment.
• Le juge des libertés et de la détention n’aura pas à être saisi par le médecin psychiatre ou la direction hospitalière.

Et la sécurité des patients ?
La priorité des centres hospitaliers demeure la sécurité des patients et la réponse à leurs besoins (non-assistance à personne en danger), ainsi que la sécurité des professionnels de santé. Ainsi, tout renouvellement exceptionnel d’une mesure d’isolement ou de contention au-delà des durées légales, toute nouvelle mesure intervenant dans un délai inférieur à 48 heures à la levée d’une mesure précédente devra, dans un souci de protection juridique, continuer d’être motivés dans le dossier patient comme une mesure de dernier recours, visant à prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

La DGOS a précisé aux établissements, par une fiche diffusée le 27 décembre 2021, que si l’illégalité de la prolongation d’une mesure d’isolement ou de contention au-delà des durées légales susmentionnées devait être constatée par un juge des libertés et de la détention, la responsabilité qui pourrait être éventuellement recherchée à ce titre, par un patient, serait celle de l’établissement dans lequel ce dernier est accueilli et non la responsabilité personnelle du psychiatre.

Les 3 limites à cette loi 
• La charge administrative pour les psychiatres : chronophage dans la journée de travail et des gardes, passées à renouveler ces mesures et à calculer les durées de contentions et isolements cumulées. Il est plus important de disposer de temps auprès des patients.
• Les juges des libertés et le législateur ont souligné qu’il est compliqué pour eux aussi d’ajouter cette charge de travail sur des services déjà débordés.
• Malgré des conseils de différents syndicats professionnels de psychiatres, tous les textes depuis 2020 ont été censurés. Il serait donc logique d’appliquer le texte de loi datant de 2016, mais celui-ci a été signalé comme non constitutionnel par les Sages (Conseil constitutionnel).

Conflit entre droits fondamentaux des patients et charge de travail
Nous pouvons nous demander si le constat principal du rapport de la Contrôleur des lieux de privation de liberté n’était pas un manque d’uniformité en lien avec un manque de moyens des différents centres hospitaliers. Lorsque le temps est disponible, les locaux adaptés, les soignants écoutés et soutenus et tous les intervenants formés, la prise en charge gagne en humanité pour les patients. L’idée d’un contrôle plus intensif par le législateur est perçue comme une critique sur des fonctionnements difficiles à améliorer à moyens constants. Lorsque les conséquences de ce constat conduisent à plus de travail administratif, on peut comprendre l’énervement des psychiatres et des juges. Le contexte d’ajout de cet article comme “cavalier législatif” questionne sur la place donnée à la réflexion sur les moyens d’accueil des patients dans un contexte de privation de liberté. 

Nous attendons les prochaines avancées sur la loi contention et isolement.

Historique chaotique et cavalier législatif
Depuis 2020 et suite à un rapport de la Contrôleur générale des lieux de privation de liberté1 , Mme Adeline Hazan « Soins sans consentement et droits fondamentaux », la législation concernant les isolements et contentions en psychiatrie a été modifiée à plusieurs reprises.

• Juin 2020. Le Conseil Constitutionnel demande une révision de la loi sur les isolements et contentions avant décembre 2020.  Le premier article voté suite à cette décision a été intégré à la LFSS, la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2021 voté en décembre 2020. Cette loi était censée encadrer davantage les durées et modalités d’isolement et contention par le juge.

Beaucoup de problèmes ont été soulevés par le vote de cette loi :
• Les conditions de vote de cette loi intégrée dans une loi de financement est un "cavalier législatif", c’est-à-dire sans rapport avec l’objet de la loi qui l’abrite.
• La limite aux durées d’isolement à 48h et de contention à 24h, avec nécessité de signaler aux juges des libertés tout dépassement de ces durées avant prolongation, dans le contexte d’hospitalisation complète sans consentement. Les patients pouvaient alors saisir le juge des libertés dans les 24h, ainsi que son entourage et le procureur de la république…

• 4 juin 2021. Une nouvelle Question prioritaire de constitutionnalité et une censure sont déposées devant les conditions de vote de cette loi et les constats sur le terrain. En effet l’objectif de ce nouvel article était de permettre un meilleur contrôle aux juges des conditions de privation de liberté lors des isolements et contentions. Or il est toujours possible de renouveler une mesure sans contrôle par le juge. Un nouveau texte doit être rédigé avant décembre 2021, lui aussi intégré à la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2022 voté le 29 novembre 2021.

• 16 décembre 2021. Censure du nouveau texte. Nouveau vote le 16 janvier 2022.

Ilia HUMBERT
Interne en Psychiatrie

Présidente de l'AFFEP
Vanessa PAGEOT
Pour l'AFFEP

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°29

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Publié le 1653631284000