La journée des formateurs : 2ème rencontre des formateurs en kinésithérapie 5 et 6 avril 2013, Vichy

Publié le 27 May 2022 à 14:37

Après un premier épisode à Rennes en 2012, une quarantaine de formateurs issus d’une vingtaine d’IFMK se sont retrouvés les 5 et 6 avril pour la 2ème rencontre des formateurs en kinésithérapie à l’IFMK de Vichy. La thématique centrale de cette rencontre était axée sur la technologie de base de première année, et s’est déroulée en deux actes.

Premier acte : conférences plénières : Retour d’expérience
Cinq restitutions ont été l’occasion de retracer les expériences de divers IFMK.

Premièrement, Fabrice Cercleron, de l’IFM3R de Nantes, est venu présenter l’intention pédagogique développée à l’Institut de Nantes pour amener l’étudiant à se questionner par rapport à ses connaissances et ses représentations, et à progresser dans l’analyse du fonctionnement des structures anatomiques à partir de ses pré-requis (cours d’anatomie, palpation et morphologie) dans le cadre du module 1. En effet, la représentation et la schématisation d’un muscle, d’une articulation n’est pas évidente d’autant plus qu’elle est bien souvent en deux dimensions. Pour parvenir à cet objectif, une vingtaine d’heures d’Enseignements Dirigés (ED) sont effectuées pour couvrir toutes les régions du corps humain en partant du pied jusqu’à la hanche, puis des doigts à l’épaule, pour finir par le rachis et le thorax.

La singularité de ces ED repose sur le matériel manipulé par les étudiants, en dehors des habituelles pièces anatomiques et autres radiographies, il y a du matériel de bricolage (ficelle, élastique, bouton, papier …). Ainsi, un trinôme d’étudiants construit, à partir du matériel et des instructions mis à disposition, un objet représentant la cinématique de la région étudiée. Ci-contre, une schématisation de la coulisse des tendons fléchisseurs des doigts est illustrée.

Tous les éléments (capsules, ligaments, …) nécessaires au mouvement sont matérialisés. Ensuite, l’orientation des muscles et leurs fonctions sont visualisés par l’étudiant en trois dimensions. Peu à peu l’étudiant s’approprie l’anatomie fonctionnelle en passant de la chaîne cinétique ouverte à celle fermée. A titre d’exemples, le paradoxe de Lombard est symbolisé par des ficelles, ou encore une articulation en selle, qui est complexe à dessiner, est modélisée pour assimiler les mouvements de glissements. Ce type d’enseignement est chronophage au début ; mais donne des résultats probants lorsque les montages sont pré-faits.

Deuxièmement, Gaël Piette, de l’IFPEK de Rennes, a exposé la méthode employée pour enseigner la Thérapie Manuelle (TM). Ce concept de TM désigne les techniques qui visent à reproduire des mouvements annexes de petites amplitudes que le patient ne produit pas lui-même, exemple : la latéralité du coude. La TM est associée à des méthodes diverses où nous retrouvons parfois un faible niveau de preuves scientifiques. De ce fait, pour aider l’étudiant à comprendre le pourquoi et le comment de la technique qu’il utilise, des cours préalables aux Travaux Pratiques (TP) de TM, sont prodigués pour qu’il acquière l’histoire des méthodes, les notions de mobilisation physiologique, d’Evidence Base Practice, des reds flags… ainsi l’étudiant est amené à se distancier et adopte une démarche réflexive et zététique pour savoir quelle technique peut être utilisée. Par exemple, nous citerons le test de Gillet pour tester la mobilité de la sacro-iliaque avec son Kappa allant de 0,02 à 0,31 selon littérature, il est donc inexploitable d’après l’Evidence Base Practice. Par ailleurs, la très grande majorité des tests faisant appel aux sensations du thérapeute ne sont pas fiables. Donc l’observation clinique n’est en rien un élément pour valider une technique à la différence de l’étude clinique. Ces enseignements de TM se construisent principalement autour des concepts suivants : Maitland, Mulligan. Pour cadrer les techniques à acquérir à l’issue de leur formation initiale, un livret des techniques fondamentales leur est remis. A titre d’exemples, les techniques suivantes y sont mentionnées : Mulligan en décompression de hanche en flexion, Chicago pour la sacro-iliaque, … Pour parfaire cet enseignement, des supports vidéo et autres diaporamas électroniques sont créés par des groupes de quatre étudiants puis validés par le formateur. Ces supports tendent à démontrer le comment et le pourquoi de la technique présentée. Par ailleurs, comme il n’y a pas de feed-back visuel et que le patient est peu fiable pour évaluer cette pratique, il est mis à disposition des étudiants une liste de critères d’évaluation et d’auto-évaluation. Ces critères recensent des éléments gestuels comme le positionnement des avant-bras dans le sens du vecteur force, ou encore le cœur à la hauteur de la zone à mobiliser. En conséquence, si l’étudiant respecte ces critères c’est que la technique est correctement exécutée. D’autres approches sont également développées à savoir les techniques neuro-méningées selon Buttler, le myofascial selon Busquet, Mezières.

Troisièmement, Violette Bruyneel de l’IFMK de Vichy a présenté une revue de littérature du Bilan-Diagnostic Kinésithérapique (BDK). Depuis sa création en 1996, le BDK a évolué et y consacrer seulement quelques lignes au sein d’un article n’est pas suffisant quand nous connaissons toute son importance dans la décision thérapeutique du kinésithérapeute au quotidien, et également sa nécessité dans la construction identitaire professionnelle de l’étudiant. Par conséquent, vous trouverez un article complet par Mme Bruyneel dans les pages de ce numéro de l’Institulien.

Quatrièmement, Laurent Kostur, de l’IFPEK de Rennes, est intervenu sur le thème de l’ « Application de la technologie fondamentale basée sur les preuves ». Avant de former l’étudiant à l’application de la technologie fondamentale dans le cadre d’une démarche de soins, il y a des pré-requis incontournables comme les cours magistraux sur l’Evidence Base Practice, le raisonnement hypothéticodéductif, ... Ces éléments sont incontournables pour l’élaboration des liens par l’étudiant entre les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de participation. La technologie fondamentale de première année est abordée par région lors des TP. Par conséquent, pour chaque région, il est listé : l’interrogatoire (exemple : mécanismes lésionnels méniscaux, …), les bilans d’activités, les bilans des fonctions, les techniques de la zone en question (mobilisations passives globales et analytiques, renforcement musculaire, étirements musculaires, marche en cannes anglaises, …) qui seront pratiquées par l’étudiant. A chaque fois, la reproductibilité des tests employés ou encore le niveau de preuve des techniques est précisé. Dans ce but, la principale référence bibliographique utilisée est l’ouvrage de Joshua Clealand et Shane Koppenhaver intitulé Examen clinique de l’appareil locomoteur, aux Éditions Elsevier-Masson. Sur ces savoirs et savoir-faire technologiques viennent se greffer la démarche de soins qui est présentée aux étudiants selon cinq étapes : Collecter les données, Analyser et interpréter les données recueillies, Définir des objectifs, Traiter, Ré-évaluer. Ces étapes impliquent, de la part de l’étudiant, qu’il exploite et synthétise : l’interrogatoire, l’observation, les tests, les mesures, les attentes du patient pour construire sa démarche. La stratégie pédagogique mise en place dans ces TP, en demi-promotion, repose notamment sur le principe de la résolution de problèmes et de l’étude de cas clinique, par exemple : un formateur vient en TP avec une attelle de Zimmer et les étudiants le questionnent pour comprendre la situation, ainsi ils sont participatifs. Les problèmes traités en première année sont : les caractéristiques

Anthropométriques, les déficiences de mobilité articulaire et d’intégrité articulaire (cartilage, fibrocartilage, capsule, ligament), puis les déficiences posturales, les déficiences de la performance aérobie et de la performance musculaire, et enfin les déficiences tégumentaires et osseuses. En deuxième et troisième année, la même démarche de soins et d’identification de problème est reprise avec en plus le contexte pathologique du patient.

Cinquièmement, Philippe Deat de l’IFMK de Vichy a proposé une synthèse des questionnaires qui ont été adressés à l’ensemble des IFMK de France. L’Arrêté du 5 septembre 1989 relatif aux études préparatoires et au diplôme d’État de masseurkinésithérapeute et ses modifications ultérieures avec notamment le Décret du 23 mai 2011 donnent un cadre légal en termes de contenu et de volume horaires à la formation initiale, mais comment les Instituts cadencent les enseignements au travers de leur projet pédagogique ? C’est pourquoi, ce questionnaire vise à recenser les contenus, les répartitions horaires et les modalités d’évaluation du module 4 de technologie de la première année de formation. L’outil d’enquête est un questionnaire comportant treize questions réparties en trois items : tout d’abord une partie pour comprendre la démarche pédagogique (nombre d’étudiants par TP, moyens techniques employés, …) mise en pace au sein de l’Institut via des questions à réponses multiples, ensuite une deuxième partie appréhendant la répartition des enseignements de technologie sous la forme de CROC, et enfin une partie portant sur les modalités d’évaluation de la technologie sous la forme de CROC et d’une question ouverte d’expression libre. Ce questionnaire a été testé auprès d’un IFMK avant sa diffusion nationale. Cette enquête s’est déroulée sur la période de janvier à mars 2013. Avec un taux de retour de 19,02 % et une difficulté pour déterminer exactement le nombre d’heures attribué à chaque technique quand l’abord se fait par région, ou encore le fait que certains enseignements se poursuivent sur la deuxième année, cette synthèse ne prétend pas être le reflet exact de ce qui est dispensé au sein des Instituts, mais elle donne une tendance. Conscient de ces limites, les résultats de ce questionnaire nous révèlent que les groupes de TP se composent d’environ 18 étudiants ±7 et que la prégnance des nouvelles technologies de l’information est de plus en plus forte lors des TP. Le volume moyen pour les CM est de 58 heures ±3 [0;20], et pour les TP 290 heures ±9 [0;80]. La répartition du nombre d’heures de TP en fonction des diverses techniques fondamentales de première année est présentée dans le graphique ci-dessous

Lorsque nous observons les valeurs minimales et maximales de chaque technique, nous constatons d’une part une grande disparité avec certains enseignements, comme le massage et la kinésithérapie passive, et d’autre part des enseignements qui sont peu développés comme la pouliethérapie ou le strapping. Par ailleurs, il existe des spécificités locales, au sein de ce module 4, où chaque institut consacre en moyenne 6 heures de TP par étudiant sur des techniques particulières comme le trigger point, les résistances élastiques progressives, la recherche documentaire, la démarche scientifique, la relaxation… Enfin, pour évaluer le module 4, il y a une moyenne de 6 épreuves de pratiques (±3 [2;12]) avec une durée oscillant entre 10 et 30 minutes. Cette photographie du module 4 en première année nous illustre les ajustements mis en place, et il est intéressant de les observer pour mieux préparer l’avenir.

À l’instar des cours magistraux, les conférences plénières ne trouvent leur application qu’au travers d’applications pratiques via des ateliers.

Deuxième acte : Ateliers pratiques : Échanges d’expériences
Les ateliers ont été le lieu d’échanges et de comparaison des expériences de chacun où des pistes de travail se sont dessinées. L’atelier sur la stratégie pédagogique utilisée lors des TP de technologie de base a mis en exergue la complexité de réguler un geste appris. Pelletier en 19941 et Argyris - Schön en 1974 et 19782 l’avaient évoquée en montrant l’existence de l’écart entre les gestes que nous pensons faire et ceux que nous croyons avoir réalisé, et c’est là où réside toute la difficulté pour l’étudiant qui ne se rend pas compte de cet écart. Parfois même, l’étudiant a déjà réalisé ce geste erroné sur un patient sans que ce dernier en soit pénalisé ce qui contribue à renforcer le sentiment que le geste était bon. Par ailleurs, pour apprendre un geste, l’étudiant possède trois entrées : l’une kinesthésique (il fait le geste), une autre visuelle (il voit l’autre faire le geste) et une auditive (il entend les consignes pour réaliser le geste). Chacun de nous a une entrée privilégiée, et donc pour développer au mieux les habiletés motrices de l’étudiant il est primordial de l’identifier. Par conséquent, si nous enseignons un geste, il faut également se demander au préalable si ce geste est pertinent. Aussi, cette notion de pertinence était l’objet de l’atelier portant sur la technologie à l’épreuve de l’Evidence Base Practice. Cet atelier a souligné la nécessité actuelle de proposer aux étudiants des outils de bilan ou des techniques de rééducation validés. En effet, l’essor de nouvelles techniques telle que les ondes de choc, le tapping, ... avec en parallèle des publications de plus en plus abondantes dans ce domaine de la technologie fondamentale, doit nous amener à chercher. A l’heure d’Internet, des sites comme Cochrane, Pubmed, Pedro, Haute Autorité en Santé, Refdoc, Kinédoc… constituent un atout car pour bon nombre d’entre eux, ils mettent en avant le niveau de preuve des articles publiés. Cela doit nous inciter dans nos enseignements à proposer des outils qualitatifs et quantitatifs fiables appuyés de références bibliographiques, comme nous leur demandons lors des travaux de fin d’études. Cependant, il s’avère quelquefois, que malgré les recherches dans la littérature, des difficultés sont identifiées au décours de la pratique. Ainsi, l’atelier sur l’ « évaluation articulaire : Quel référentiel utiliser ? » a été le théâtre de riches débats autour de la détermination du zéro afin d’être le plus reproductible possible et ce problème se pose tout particulièrement au niveau de l’articulation de l’épaule. Généralement, l’abduction de la gléno-humérale se mesure dans le plan de la scapula en raison de l’influence du positionnement thoracique sur la mobilité scapulaire. Or, cette même scapula est placée dans un plan compris entre 30 et 50° par rapport au plan frontal de référence. Néanmoins, pour les autres mouvements ce plan de la scapula n’est pas habituellement utilisé. Au cours d’un soin, le kinésithérapeute est amené à libérer les tensions des muscles de l’enroulement et de la bascule antérieure du moignon de l’épaule, cela implique que le zéro de référence n’est plus le même que lors de l’examen initial. Donc, il devient nécessaire d’adopter un référentiel segmentaire et non plus spatial. Quel référentiel prendre ? La question est ouverte…

Après ces approches pédagogiques axées sur l’aspect pratique de la technologie, un autre atelier a permis d’aborder l’aspect réflexif de la technologie avec l’Apprentissage du Raisonnement Clinique (ARC) dans le but de donner du sens à la pratique. Les discussions ont permis de dégager un consensus dans la manière d’aborder la formation de cet apprentissage. Ainsi, il faut déstabiliser les savoirs des étudiants en enlevant des données à un bilan par exemple, l’étudiant doit acquérir un esprit de synthèse du dossier médical du patient : c’est un élément déterminant. En première année sa réflexion repose sur un modèle hypothético-déductif, puis en deuxième année sur un modèle analogique exploitant le vécu de l’expérience du soin réalisée en stage. Des simulations de cas cliniques ou de situations cliniques sont à proposer sur des durées courtes de une à une heure et demie pour avoir des débats riches entre étudiants et formateur. Ces cas cliniques doivent reposer sur des situations cliniques « classiques » vues fréquemment en pratique courante et non sur des cas exceptionnels. Néanmoins, les connaissances des étudiants peuvent parasiter les questions et enlèvent de la spontanéité à la réflexion. En raison du programme et des examens, l’étudiant a une pensée qui est très modulaire en cloisonnant, par exemple, l’anatomie, la physiologie de la cinésiologie ; l’inter-modulaire est donc difficile ce qui rend le transfert de savoirs entre les différents champs disciplinaires moins aisé. De ce fait, l’accompagnement et la guidance de l’étudiant dans sa construction des savoirs devient incontournable. Cela nous mène directement au thème de l’atelier intitulé « Suivi individuel des étudiants ». Il existe un point commun, à savoir, la nécessité de préparer les étudiants aux épreuves pratiques car jusqu’à présent ils ont peu été confrontés à ce type d’examens dans leur « carrière scolaire », et il en va de même pour l’expression en public. Cependant, ce suivi revêt diverses formes selon les Instituts. Certains utilisent le système du tutorat pour faire des entraînements aux épreuves pratiques, où les étudiants de promotions supérieures, voire des jeunes diplômés, font passer des examens blancs aux plus jeunes. Mais une formalisation, une supervision et une structuration de ces TP, entre étudiants, doit être opérée pour ne pas devenir qu’une réunion d’étudiants. L’hypothèse d’une évaluation de l’apprenti-formateur est évoquée. D’autres établissements mettent en place des séances de training ou de répétitions technologiques où un formateur régule par petits groupes des techniques déjà vues en TP mais sur lesquelles l’expérience montre qu’ils butent systématiquement. Pour d’autres, un formateur est nommé référent pour un groupe d’une dizaine d’étudiants en fonction des affinités de chacun, et ils se réunissent plusieurs fois par an pour effectuer un soutien technologique ou d’anatomie. Hélas, bien souvent, seuls les bons éléments sont demandeurs. Toujours dans cette volonté d’accompagner l’étudiant, un atelier a débattu des supports de cours en passant du e-learning au support papier et de la place des supports vidéos dans les TP. Nous retrouvons de nombreuses études qui ont évalué ces supports de cours et tout particulièrement le e-learning, mais bien souvent le temps de constitution de ce type de support reste un obstacle.

Par cet article, l’occasion est offerte pour remercier les animateurs de ces ateliers : Mme Violette Bruyneel, Mrs Alban Plantin, Armand Fernandes et Philippe Deat.

Pelletier G. De l’apprentissage à l’action... Une question de style : Le questionnaire. Université de Sherbrooke et de Montréal;1994. 2 Argyris, C, Schön, DA. Theory in Practice : Increasing Professionnal Effectiveness. San Francisco : Jossey-Bass;1974. Argyris, C, Schön, DA. Organizational Learning : A Theory of Action Perspective. Mass. : Addison Wesley Reading;1978.

Épilogue
De ces deux journées, il en ressort un moment d’échanges, de rencontres ayant permis à chacun de repartir auprès de ses étudiants avec de nouvelles idées pédagogiques. De plus, cette rencontre a permis de comprendre tout l’intérêt de développer l’entraide et le partage entre formateurs pour améliorer les enseignements en formation initiale dans le respect du projet mis en place dans chaque Institut. Afin de s’organiser pour poursuivre ces rencontres, la nécessité de créer une association de formateurs en IFMK tend à s’imposer. Pour ceux qui seraient intéressés le courriel suivant a été créé [email protected] pour faciliter les échanges et essayer de structurer cette association qui dans l’avenir pourrait tisser des liens avec le SNIFMK.

L’aventure continuera à Dax, les 4 et 5 avril 2014, pour la 3ème rencontre des formateurs. Diverses thématiques de conférences commencent à émerger, à titre d’exemples, nous citrons :

  • Pédagogie et Nouvelles technologies de l’information (E-learning, visioconférence, …).
  • Premier cycle

La relation thérapeutique appréhendée par des jeux de rôles ;

Le sport obligatoire : encadrer la pratique versus développer la pédagogie.

  • Deuxième cycle :

L’évaluation des pratiques : Pourquoi ? Comment ?

Le tutorat en stage : Quel partenariat ? Quelle régulation ?

Le suivi du travail de mémoire : RDV imposés ou proposés ? Quel accompagnement ?

Pour tout complément d’informations ou de propositions d’interventions, Isabelle Sibille de l’IFMK de Dax est joignable au 05 58 35 66 52 ou par courriel : [email protected].

Pour conclure, laissons le dernier mot à l’essayiste Joseph Joubert « Enseigner, c’est apprendre deux fois » (Extrait des Pensées, 1909).

Philippe Deat, Vichy
Laurent Kostur, Rennes

Bilan Diagnostic Kinésithérapique : une approche très contextuelle…
Article tiré d’une présentation réalisée lors des Journée des formateurs IFMK Vichy 2013 (5 et 6 avril 2013)

Le bilan diagnostic kinésithérapique (BDK) est directement associé aux notions de démarche kinésithérapique, raisonnement clinique, réflexion hypothético-déductive et à la classification internationale du handicap. En questionnant les formateurs des différents IFMK, il nous est apparu que malgré un consensus sur ces différents pré-requis, l’approche du BDK dans l’enseignement était assez diversifiée. C’est pourquoi, nous proposons ici une recherche bibliographique francophone et anglophone afin de mieux comprendre les enjeux et l’aspect contextuel de cette démarche qui est fondamentale dans l’exercice kinésithérapique des futurs professionnels.

Méthodologie de la recherche documentaire
La démarche de recherche documentaire repose initialement sur trois questions :

  • Pourquoi cherchons-nous ? Pour obtenir une idée précise des différentes approches du BDK et pour les confronter avec la réalité de terrain.
  • Que cherchons-nous ? Des documents issus de la littérature scientifique, professionnelle et des instances de santé.
  • Pour en faire quoi ? Pour identifier les différences contextuelles de l’approche du BDK, ses avantages et ses limites. Pour construire la recherche bibliographique, nous avons utilisé le modèle de Martin Gomez [1] :

Suite à l’identification des mots clés, nous avons interrogés les bases de données suivantes : PubMed, EMPremium, Alexandrie (base interne de l’IFMK) et Google Scholar. L’étendue temporelle des recherches était de 30 ans. Nous avons sélectionné les articles selon leur date de publication, la cohérence du contenu par rapport à la question initiale, la profession des auteurs (uniquement des kinésithérapeutes) et la pertinence de l’article. Nous avons finalement inclus 20 documents, 6 en anglais et 14 en français.

Vision francophone du BDK
En France, l’obligation de réaliser un bilan écrit figure dans l’article 2 du décret de compétence de 1996 : « Dans le cadre de la prescription médicale, le kinésithérapeute établit un bilan qui comprend le diagnostic kinésithérapique et les objectifs de soins, ainsi que le choix des actes et des techniques qui lui paraissent le plus appropriés » [2]. Cette approche est donc déjà évoquée dans le rôle du kinésithérapeute depuis fort longtemps, mais, elle reste relativement peu appliquée en pratique. En effet, seuls 30 % des confrères facturent le bilan en 2007 [3]. La nomenclature générale des actes professionnels des masseurs-kinésithérapeutes précise quant à elle le contenu du BDK, les modalités d’envoi aux médecins prescripteurs et enfin les modalités de rémunération [4].

Avant de définir précisément le BDK, il est nécessaire de s’intéresser à deux notions. Le « bilan » est la somme des observations, qualitatives ou quantitatives établissant l’état d’un patient déterminé, à un jour et une heure donnés, dans le but de préciser les actes à effectuer [5]. L’aspect quantitatif mais également qualitatif reste bien mis en évidence ainsi que le fait que le bilan correspond à une donnée temporelle précise et qu’il n’est donc valable que pour le moment où il a été réalisé. Le « diagnostic » est selon l’Afnor, la mise en évidence des points forts et des points faibles, d’éléments observables pour formuler des objectifs d’évolution. Le diagnostic est donc basé sur le bilan mais il permet d’interpréter la situation du patient au service de la mise en place d’objectifs cohérents.

Le DK est basé sur une analyse kinésithérapique issue de nombreux paramètres associés aux connaissances du kinésithérapeute, au patient et enfin à l’équipe médicale. Ainsi, l’analyse doit prendre en considération les champs d’action du professionnel, les connaissances associées à la pathologie et à son pronostic, la connaissance des tests reconnus et l’examen clinique réalisé lors du bilan, le projet et les attentes du patient et la prescription médicale ainsi que les attentes de l’équipe médicale [6]. L’analyse permet ensuite de construire le DK et de planifier la stratégie thérapeutique.

Le BDK est structuré selon 4 niveaux : l’anamnèse, le bilan, l’interprétation et le diagnostic kinésithérapique [7]. Il peut être défini comme un processus d’analyse des déficiences, et incapacités observées et/ou mesurées [8]. C’est un processus d’évaluation du pronostic fonctionnel dont les déductions permettent d’établir un programme de traitement et de choisir les actes de kinésithérapie. Cette définition, reprise par l’AFREK montre la relation importante entre le BDK et la pratique du kinésithérapeute. Toutefois, il est notable que la reconnaissance des dysfonctionnements permet de justifier des objectifs réalistes dans le cadre d’un projet thérapeutique [9] ce qui montre l’importance de l’individualisation du BDK au patient et au contexte de soins.

La définition de Orly [10] ajoute un objectif fonctionnel du BDK pour le soignant mais également pour le soigné ce qui signifie que le choix des termes utilisés est primordial pour obtenir une bonne compréhension du BDK. Cette approche souligne l’importance de la relation soignant / soigné et de la coopération entre les différents acteurs de soins.

Concernant les informations attendues dans le BDK, une étude [11] montre que ce sont les indicateurs d’état initial, les indicateurs d’évolution, les objectifs de rééducation et la compliance du patient qui correspondent aux critères espérés par les kinésithérapeutes mais également par les médecins. Il faut toutefois préciser que 85 % des médecins attendent des informations sur les techniques de kinésithérapie utilisées alors que 69 % des kinésithérapeutes ont cette même demande. La nomenclature précise également que le BDK est le reflet des examens successifs réalisés par le masseur-kinésithérapeute et qu’il est enrichi au fil des traitements (techniques, nombre de séances, événements, résultats du traitement, conseils et propositions consécutives).

Outre ces aspects de communication, le BDK qui s’inscrit dans l’Evidence Based Practice permet d’améliorer les soins dispensés, d’harmoniser les pratiques, de responsabiliser les kinésithérapeutes tout en assurant une traçabilité des actions [12]. C’est certainement une démarche nécessaire à l’évolution de notre profession dans un objectif d’autonomisation de la profession. Cependant, depuis la mise en place du BDK, cette approche est encore relativement peu suivie par les professionnels [3]. C’est pourquoi une sensibilisation précoce auprès des étudiants devrait progressivement permettre de changer les pratiques.

Vision anglo-saxonne du BDK
Le BDK a initialement été défini à la fin des années 80 [13, 14]. La démarche est plus ancienne qu’en France et est directement liée à la prise en charge des soins par les assurances. Très tôt, il était nécessaire d’avoir un BDK et des écrits pour statuer de l’évolution des patients et argumenter l’approche kinésithérapique. En Angleterre, l’accès direct a nécessité la mise en place du BDK dès 1979 [15].

Les travaux initiaux de Sahrmann désignaient le BDK comme « le terme qui nomme le dysfonctionnement principal vers lequel le kinésithérapeute dirige son traitement » [13].

Les auteurs dissocient « l’évaluation » qui détermine la valeur de la situation, et « le diagnostic » qui est réalisé à partir des valeurs obtenues par l’évaluation dans un contexte spécifique. Il y a donc un lien fort qui est établi entre le diagnostic et l’organisation du traitement.

La définition actuelle du BDK issue du Guide og Physical Thérapy désigne « un processus et le résultat final de l’évaluation par lequel le kinésithérapeute organise des groupes définis, de syndromes ou catégories pour l’aider à déterminer le pronostic et la stratégie d’intervention la plus appropriée » [16]. L’évaluation permet de recueillir des données qui doivent être organisées avant de pouvoir établir un pronostic et une stratégie thérapeutique. Cette approche est en relation directe avec la modélisation de la prise en charge établie par Fritz où le patient est au centre de l’action [15]. Il est tout d’abord examiné avant d’être évalué. Le kinésithérapeute pourra ensuite établir un diagnostic et un plan de soins qui incluent le pronostic dans les stratégies de prises en charge. Les résultats de ces dernières sont testés grâce à une nouvelle examination et évaluation. Le BDK a donc un rôle d’aide au diagnostic médical, de communication, de classification pour identifier l’efficacité du traitement et le pronostic et enfin il a un rôle de groupement des conditions vers lesquelles la recherche peut être adressée. La vision anglophone du BDK intègre donc directement l’aspect recherche pour améliorer les pratiques.

L’ensemble des documents anglophones abordant le BDK met en évidence l’obligation de voir des tests de qualité et reproductibles (EBP) pour obtenir des valeurs de qualité et donc une interprétation la plus juste possible.

Comparaison
Il semble qu’il y ait un consensus sur la notion de risques à inclure dans le BDK [17, 18, 19]. Ainsi, les drapeaux rouges correspondent à un danger de vie, les drapeaux jaunes à un risque de chronicité, les drapeaux bleus à la perception du patient de sa situation professionnelle et enfin les drapeaux noirs qui sont liés aux risques professionnels. Seul le drapeau rouge est lié au diagnostic différentiel à risques, les autres drapeaux sont simplement des facteurs limitant des résultats de la prise en charge kinésithérapique.

Nous avons pu voir précédemment des différences de définition et d’approche entre la vision française et anglophone du DK. Les différences sont résumées dans le tableau page suivante.

Conclusion
Cette analyse du BDK au travers de la littérature montre que les attentes et les objectifs sont très différents d’un pays à l’autre. Cependant, la reconnaissance croissante de la nécessité d’intégrer la recherche dans notre pratique et de baser nos choix sur l’evidence based practice devrait à l’avenir nourrir la réflexion autour du BDK et aller dans le sens d’un consensus international. La particularité française est de laisser une place importante à l’observation du clinicien et à la relation soignant / soigné. Cet aspect est fondamental pour garder un BDK qui soit bien relation avec le contexte clinique du patient et en fonction des connaissances des kinésithérapeutes. En revanche, les anglo-saxons ont une avance notable sur nos pratiques au niveau de la qualité des tests choisis (reproductibilité, fiabilité). Dès lors, cet aspect mérite d’être mieux intégrer à l’avenir pour améliorer la qualité et la crédibilité du BDK dans un contexte où celui-ci est directement lié à la notion de responsabilité et d’autonomisation des kinésithérapeutes [20].

Violette Bruyneel
Docteur en Sciences du Mouvement Humain

Kinésithérapeute
Cadre-formatrice IFMK Vichy

Références bibliographiques
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    Publié le 1653655033000