Il existe plusieurs types d’amylose résumés dans la figure 1. On retient principalement :
- L’amylose à chaînes légères (AL) dans le cadre de gammapathies monoclonales.
- L’amylose à transthyrétine (TTR, transporteur protéique produit par le foie) qui peut être génétique suite à une mutation du gène TTR sur le chromosome 18 (ATTRh) ou sauvage (aussi appelée sénile ou wild type, ATTRwt).
- L’amylose AA, plus rare, associée à une maladie inflammatoire chronique.
L’article résumé ici s’intéresse à l’atteinte cardiaque de l’amylose à transthyrétine sauvage (ATTRwt) qui est
aujourd’hui une étiologie reconnue d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG)
préservée (ICFEP) et qui touche principalement les patients âgés. Cet article présente les signes cliniques
devant faire suspecter une amylose, l’arbre diagnostique recommandé et les thérapeutiques désormais disponibles.
Epidémiologie
La moitié des insuffisances cardiaques sont à FEVG préservée. L’ATTRwt est largement sous-diagnostiquée ; chez les plus de 80 ans, elle pourrait représenter 25 % des patients (3). Sa pénétrance augmente avec l’âge.
Les signes évocateurs d’une amylose
L’atteinte cardiaque est la plus fréquente dans l’ATTRwt (4). Elle se manifeste au niveau clinique par des signes de surcharge dans un contexte d’insuffisance cardiaque. Il faut savoir l’évoquer devant une syncope ou une bradycardie. Sur l’électrocardiogramme, on recherche des troubles de conduction, une arythmie supra-ventriculaire ou un microvoltage discordant avec une hypertrophie ventriculaire à l’échographie transthoracique (ETT). Au niveau échographique, l’ETT retrouve classiquement une cardiomyopathie hypertrophique avec un septum d’aspect « brillant », des oreillettes dilatées, un épanchement péricardique de faible abondance, une dysfonction diastolique, des valves épaissies avec notamment un rétrécissement aortique ou une altération de la contraction longitudinale prédominante aux bases (Strain global longitudinal avec un aspect typique en « cocarde ») (5). Ces signes ne sont cependant pas spécifiques de l’amylose et restent fréquents chez le patient âgé (6).
Au niveau biologique, une troponine en plateau, en discordance avec l’absence de douleur thoracique ou d’autre argument pour une origine ischémique peut évoquer une amylose.
Les autres organes touchés provoquent différents symptômes. Les atteintes rhumatologiques se manifestent par un canal carpien bilatéral, un canal lombaire étroit, une rupture des tendons bicipitaux. L’atteinte neurologique avec des neuropathies sensitives, une dysautonomie. L’atteinte rénale avec une protéinurie. Sur le plan cutané, il peut être observé une macroglossie ou des ecchymoses périorbitaires (plutôt dans l’amylose AL).
La démarche diagnostique
La suspicion d’amylose cardiaque s’appuie sur un faisceau d’arguments cliniques, électriques et échographiques. Les nouvelles recommandations permettent de poser le diagnostic d’amylose à TTR sans avoir recours à une biopsie (7). La figure 2 présente l’arbre diagnostique qui repose sur l’exclusion d’une amylose AL par une électrophorèse et immunofixation des protéines sériques et urinaires et un dosage des chaînes légères libres sériques, associée à une scintigraphie osseuse (99mTc-DPD) positive (Score Perugini 2 ou 3) (cf. figure 3) (8). L’IRM cardiaque peut également apporter des éléments diagnostiques quand elle est disponible.
Il est conseillé d’orienter le patient vers un centre expert où il pourra bénéficier d’une consultation cardio-génétique pour différencier l’amylose TTTR sauvage de l’amylose TTR héréditaire.
Le traitement
Le traitement de l’amylose à TTR a longtemps reposé sur un simple traitement symptomatique pour maintenir l’euvolémie. Les traitements cardio-protecteurs classiques utilisés dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite n’ont pas démontré d’efficacité. Les béta-bloquants et les inhibiteurs calciques sont même déconseillés (9): l’effet bradycardisant est délétère en contexte de dysfonction diastolique, en plus des troubles conductifs potentiels. Une aggravation clinique à l’introduction de ses traitements peut même être une orientation diagnostique.
Depuis 2019, il existe un traitement oral ciblé ayant montré une réduction de la mortalité à 30 mois, une diminution des réhospitalisations et une amélioration de la qualité de vie dans l’amylose à TTR : il s’agit du TAFAMIDIS (10). Il agit comme stabilisateur du tétramère de transthyrétine et réduit ainsi les dépôts extracellulaires fibrillaires responsables de la maladie. Il doit être initié par un médecin spécialisé. La posologie est d’un comprimé de 61mg par jour : il est recommandé chez les patients ayant une espérance de vie supérieure à 1 an et une estimation de la fonction rénale par le DFG > à 25ml/min, calculé par la formule de Cockcroft et Gault. Il est d’autant plus efficace au stade précoce de la maladie, chez les patients avec une FEVG préservée. D’autres thérapies ciblées sont à l’étude.
Conclusion
L’amylose à TTR sauvage est une maladie touchant exclusivement les patients âgés. Grandement sous-diagnostiquée, elle est une des principales causes d’insuffisance cardiaque à FEVG préservée. Le diagnostic n’est pas aisé devant les présentations cliniques variées et parfois aspécifiques, mais un faisceau d’arguments permet d’orienter le clinicien. Il est important d’éliminer l’amylose AL, qui est une urgence thérapeutique, en réalisant une électrophorèse, une immunofixation sérique et urinaire et un dosage des chaînes légères libres. La scintigraphie osseuse est désormais un atout majeur pour poser le diagnostic sans biopsie. Un diagnostic précoce est d’autant plus pertinent depuis l’apparition de nouveaux traitements ciblés efficaces, en prise orale, chez les patients avec une espérance de vie supérieure à 1 an.
Dr Mathilde FAILLÉ
Pôle gérontologie clinique, CHU de Bordeaux
[email protected]
Pour l’Association des Jeunes Gériatres
Références
Article paru dans la revue « La Gazette du Jeune Gériatre » / AJG N°33