La femme est-elle l’avenir de la médecine hospitalière et hospitalo-universitaire ?

Publié le 31 May 2022 à 16:20


Avant de parler de l’avenir, rappelons-nous le passé : il a été dur pour nos collègues femmes qui ont dû batailler pour accéder au titre de docteur en médecine. Ce ne fut qu’en 1875 que la première femme française (Madeleine Brès) a obtenu l’autorisation de faire des études de médecine mais sans pouvoir accéder ni au concours de l’externat, ni à celui de l’internat. La première femme à être admise et à réussir ce concours fut Marthe Francillon-Lobre en 1900.

Ces pionnières ont ouvert la voie à de nombreuses médecins femmes depuis. Mais après 120 ans d’accès aux études médicales, les femmes ont-elles atteint l’égalité avec leurs confrères masculins ?

Le bilan est en demi-teinte tant à l’international qu’en France, et quelles que soient les spécialités. Certes en 2020, il y avait 52,5 % de femmes médecins dans les hôpitaux français. En médecine interne, elles représentent 48 % des internistes. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, les postes qu’elles occupent sont majoritairement des postes de PH avec peu de responsabilités institutionnelles. Les femmes sont aussi majoritaires dans les postes précaires (praticiens contractuels…). Le plafond de verre n’est pas un mythe, il est bien là, et il fait mal.

La carrière hospitalo-universitaire reste problématique pour les femmes. Une étude publiée cette année dans PLOs One, fait le constat que dans les hôpitaux français, 48,6 % des MCU-PH sont des femmes et seulement 22 % PU-PH. Le goulot d’étranglement se situe entre le poste de MCU-PH et de PU-PH. Ainsi une étude faite à la pitié Salpetrière en 2016, montre que les femmes représentent 49 % des MCU-PH tous âges confondus, mais 69 % chez les MCU-PH de plus de 50 ans. Plus inquiétant, dans une étude publiée dans le NEJM en 2020, il y a moitié moins de femmes professeurs que d’hommes aux USA. Malgré l’augmentation de la proportion de femmes médecins diplômées aux USA, ces 35 dernières années, la proportion de femmes à des postes de responsabilité et de professeur n’a pas suivi la même pente. Cela va contre les arguments des anti discrimination positive qui soutiennent que l’équilibre va être atteint naturellement puisque de plus en plus de femmes font une carrière médicale.

Outre les postes HU, l’absence des femmes se remarque aussi au niveau des postes à responsabilité au sein de nos hôpitaux. Au CHU de Grenoble Alpes, 54 % des responsables d’UF sont des femmes, mais 22 % seulement des chefs de service et 23 % des chefs de pôle. Là encore, le plafond de verre est indéniable.

Les explications sont nombreuses. Il est de bon ton, de dire que c’est parce que les femmes s’autocensurent, ou veulent privilégier leur vie de famille. Là encore, il s’agit du poids de notre société historiquement patriarcale qui bride les femmes. On dit aux femmes depuis la maternelle que réussir dans la vie, c’est d’épouser le prince charmant et de faire des enfants. On leur dit encore trop rarement que c’est aussi de faire une carrière professionnelle épanouissante. De nombreux collègues masculins nous disent : je ne trouve pas de femmes qui veulent faire un parcours HU ou prendre un poste à responsabilité. La réponse doit être : qu’as-tu fait pour donner envie à ces femmes de faire ces carrières et de prendre des postes à responsabilité ?

On dit aux femmes depuis la maternelle que réussir dans la vie, c’est d’épouser le prince charmant et de faire des enfants. On leur dit encore trop rarement que c’est aussi de faire une carrière professionnelle épanouissante.

Les solutions : outre un mentoring actif de nos jeunes collègues, il faut passer par le respect de l’équité hommes/femmes dans TOUTES les instances et postes à responsabilité. Même si cette sélection positive n’est pas idéale, elle fait ses preuves actuellement dans le monde des entreprises. Il faut aussi mener des actions pédagogiques tout au long des études de médecine afin de sensibiliser/éduquer TOUS nos médecins de demain à cette problématique. Oui, le plafond de verre peut se briser si nous le décidons tous et toutes ensembles, femmes et hommes réunies.


Laurence BOUILLET
Chef de service de médecine
interne au CHU de Grenoble,
Secrétaire du CNP de
médecine interne.


Anne BOURGARIT-DURAND
Pr Anne Bourgarit, Bondy (93),
Présidente du CNP de
Médecine Interne

A LA RECHERCHE DU BIEN-ETRE DANS LE BIEN NAÎTRE OU NE PAS NAÎTRE

Les Sages-Femmes accompagnent le projet de la vie
Quand on parle de qualité de vie, impossible de ne pas penser à l’instant où cette vie émerge, de la conception à la naissance. Que cette vie soit ardemment attendue et désirée ou, au contraire, redoutée et malvenue, les sage-femmes sont là.

Pour veiller au bon déroulement médical et psychique de la grossesse, pour préparer les femmes et les couples à la naissance, pour accompagner les jeunes parents, les sage-femmes sont là. 

A l’émergence de tout nouvel Être, à chaque naissance, une sage-femme est présente. Le plus souvent en toute autonomie ; parfois avec le concours d’une médecin en cas de pathologie. Quoi qu’il en soit, préserver la qualité de la mise au monde est une priorité des sage-femmes. Faire en sorte que la femme et le couple se sentent en sécurité, écoutés, reconnus en tant que futurs parents, autonomes dans leurs choix, éclairés, entre autres par les professionnels de santé que nous sommes, c’est déjà assurer la qualité du début de vie de l’enfant.

Grâce à ses compétences multiples, de l’orthogénie à l’obstétrique, de la pédiatrie à la gynécologie, la sage-femme est un professionnel référent de la périnatalité. Véritable pivot du suivi pré-, per- et post-natal. 

Nous entendons souvent que nous faisons “le plus beau métier du monde”. Il est aussi affaire de deuil, mais cela n’enlève rien à sa beauté. Interruption Volontaire de Grossesse, Interruption Médicale de Grossesse, Mort Foetale In Utero, décès néonatal, quand la vie réserve aux parents ce qu’elle a de moins joyeux, les sage-femmes sont, encore une fois présentes. 

D’un bout à l’autre du chemin.

Mais comment accompagner la vie, souvent de la naissance mais parfois jusqu’à la mort, de façon qualitative quand on souffre soi-même de sa qualité de vie au travail ?

Difficultés de recrutement, décrets de périnatalité antédiluviens en décalage avec la réalité actuelle des maternités, sous-effectifs, les conditions de travail des sage-femmes dans les établissements de soin sont très dégradées. Faudra-t-il que, là où on attendait de découvrir le visage de la vie, il n’y ait que la mort, à cause d’une organisation du travail insoluble, pour réaliser qu’une sage-femme par femme qui accouche, ce n’est pas du luxe ? Faudra-t-il que d’autres soignants ne trouvent que la mort comme alternative pour enfin acter que la qualité des soins ne se trouve pas dans les formules d’une calculette ?

Les sage-femmes, et avec elles eux, tous les professionnels intervenants en maternité, écopent un navire qui prend inexorablement l’eau, tout en jouant leur partition pour les femmes et les futurs parents, tels l’orchestre du Titanic. Jusqu’à quand ?


Charlotte BAUDET-BENZITOUN
Secrétaire générale adjointe
de l'ONSSF

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°22

Publié le 1654006821000