
Entretien avec le Professeur Gabriel Rahmi

Vous êtes engagé dans l'association la Chaîne de l'Espoir, qui est une ONG médicale internationale fondée en 1994.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l'association ?
Présidée par le Docteur Eric Cheysson, La Chaîne de l'Espoir, association française fondée en 1994 par le Professeur Alain Deloche, est un réseau d'excellence et d'expertise médico-chirurgicales, un acteur de santé engagé dans des actions pérennes visant à donner accès aux soins et à l'éducation aux enfants et aux adultes les plus pauvres dans les pays économiquement faibles. Résolument tournée à l'international, La Chaîne de l'Espoir intervient aujourd'hui dans 28 pays. L'association dispose d'un vaste réseau de partenaires médicaux principalement en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud.
Comment avez-vous découvert l'association et pourquoi avez-vous décidé de rejoindre l'association ?
Je suis né à Dakar au Sénégal et j'y ai vécu 18 ans avant de venir faire mes études de médecine en France. C'est assez naturellement qu'il m'est venu l'envie d'aider mes collègues sénégalais à développer ce qui était devenu mon domaine d'expertise, l'endoscopie digestive. En eff et, il existe au Sénégal environ 20 millions d'habitants, et aucune CPRE n'était réalisée faute d'équipement disponible et de formation des hépato-gastroentérologues avant notre action avec la Chaîne de l'Espoir.
J'ai découvert cette ONG grâce à ma rencontre avec le Pr Alain Deloche, chirurgien cardiaque ayant exercé à l'Hôpital Européen Georges Pompidou, qui m'a toujours encouragé et soutenu dans mon programme de soutien au développement de l'endoscopie au Sénégal, le programme SENENDO.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre rôle et le(s) projet(s) mené(s) au sein de la Chaîne de l'Espoir ?
Je suis membre du Conseil d'Administration de la Chaîne de l'Espoir et j'ai ainsi pu avoir une vision globale des actions humanitaires menées dans le monde et particulièrement en Afrique. Je coordonne le programme SENENDO qui a pour objectif de soutenir le développement de l'endoscopie digestive au Sénégal et dans la sous-région.

Au laboratoire de simulation de la Faculté de Médecine
Ce programme comprend plusieurs volets correspondant chacun à des défis majeurs : la disponibilité des équipements (colonnes d'endoscopie, endoscopes, bistouris, amplificateur de brillance) et leur maintenance, l'accessibilité à un coût raisonnable aux dispositifs endoscopiques (clips, anses, pinces, prothèses, etc.) et la formation des endoscopistes.
Le programme SENENDO a débuté en septembre 2021 grâce à un soutien financier significatif de plusieurs industriels impliqués en endoscopie. Ce programme a permis de créer un centre de référence à l'hôpital Principal de Dakar où l'endoscopie digestive thérapeutique de niveau 3 (comme notamment la CPRE) est maintenant possible en routine. Les missionnaires endoscopistes et infi rmières viennent de services d'endoscopie référents en France et au Canada. La formation a été un axe majeur du programme avec trois collègues sénégalais qui sont venus en France se former en endoscopie interventionnelle pendant au minimum 6 mois chacun et en mettant en place des masterclasses d'endoscopie à la Faculté de médecine Cheikh Anta Diop de Dakar. Un gros travail de formation des aides endoscopistes a également été accompli. En parallèle, des projets de recherche en endoscopie coordonnés par nos collègues universitaires sénégalais ont pu être initiés.
En quoi est-ce important de développer l'endoscopie digestive dans le monde et pourquoi en particulier en Afrique Subsaharienne ?
L'endoscopie digestive permet d'offrir pour de nombreuses indications des traitements mini-invasifs associés à une très faible morbi-mortalité. La durée d'hospitalisation est ainsi diminuée et l'ambulatoire favorisée. Dans les hôpitaux des pays à faibles ressources, il me semble donc important de développer ces techniques.
En Afrique sub-saharienne, l'infection par le virus de l'hépatite B est particulièrement préoccupante avec un nombre de décès en augmentation continue selon l'OMS. L'évolution vers une cirrhose est responsable d'une hypertension portale avec un risque élevé de rupture de varices œsophagiennes et de mortalité. L'endoscopie est un outil thérapeutique incontournable dans cette situation et permet de sauver des vies grâce à la ligature de ces varices.
D'autre part, il existe une augmentation de l'incidence des cancers digestifs en Afrique avec la nécessité d'organiser des campagnes de prévention par endoscopie, comme pour le cancer colorectal.
Bien d'autres exemples de pathologies dans cette région du monde me font penser que le développement de l'endoscopie digestive est nécessaire et incontournable.
Quel serait votre conseil pour les jeunes gastro-entérologues qui souhaitent s'engager dans un projet humanitaire ?
Une fois leur formation terminée, c'est d'abord un choix personnel et cela nécessite un engagement fort qui sera toujours récompensé. C'est au fond la volonté de partager son savoir qui sera le moteur initial et qui provoquera immanquablement des rencontres amicales et durables. Concrètement, je leur conseille de travailler en équipe et de se rapprocher d'une ONG comme la Chaîne de l'Espoir qui permet d'assurer un cadre juridique pour les missions. En effet, chaque missionnaire est préparé, suivi et assuré pour toutes ses missions.
Chaque fin de mission est marquée par une fatigue intense, mais est toujours associée à la grande satisfaction d'avoir vécu une véritable aventure humaine.

Au laboratoire de simulation de la Faculté de Médecine

Adèle PAYER
