L’obligation de fusion des IRP vise à proteger les employeurs les moins scrupuleux

Publié le 27 May 2022 à 15:12


Un journal en ligne des Editions Législatives

Anciennement expert au service des CE et des CHSCT, Olivier Sévéon forme aujourd'hui les représentants du personnel et a publié aux Editions GERESO trois "guides de bonnes pratiques" qui leur sont consacrés.

Dans ce point de vue, Olivier Sévéon, formateur auprès des élus CE et CHSCT et anciennement expert auprès des IRP, vilipende le choix du gouvernement d’une fusion autoritaire des IRP. « A partir du moment où la loi ne lui laisse pas le choix, un chef d’entreprise ne pourra jamais se voir reprocher par un juge d’avoir négligé ses obligations de sécurité en supprimant son CHSCT », soutient-il.


Olivier SÉVÉON

En juin dernier, le gouvernement nous expliquait que la fusion des instances de représentation du personnel (IRP) avait pour but de simplifier le dialogue social. À l’a une des ordonnances publiées le 22 septembre, il est clair que la simplification n’est pas l’objectif recherché.

La fusion donne certes naissance à une instance unique, mais l’employeur reste face à plusieurs niveaux d’interlocuteurs, avec :

  • Les « représentants de proximité », nouvelle catégorie de représentants dont la possible mise en place est prévue par l’article L2313-7 du code du travail ;
  • La « commission santé, sécurité et conditions de travail » qui constitue un interlocuteur distinct pour l’employeur : il présidera cette commission, dont le véritable objet est de faire croire que le CHSCT n’a pas disparu.

Loin d’un souci de simplification, voire d’économies, ce qui est avant tout recherché à tout prix ici, c’est la disparition du CHSCT : la fusion des IRP est obligatoire et il est interdit de conserver un CHSCT autonome. Le paradoxe est de taille : le gouvernement ne reconnaît pas aux acteurs sociaux le droit de négocier la configuration de leurs IRP, alors qu’il prône les vertus de l’accord d’entreprise !

Pourquoi un tel autoritarisme s’agissant d’un sujet sur lequel employeur et élus du personnel devraient naturellement avoir les coudées franches pour négocier ? L’équipe gouvernementale fournit peu d’explications, ce qui ne doit pas étonner. Ses motivations sont en effet peu avouables : à partir du moment où la loi ne lui laisse pas le choix, un chef d’entreprise ne pourra jamais se voir reprocher par un juge d’avoir négligé ses obligations de sécurité en supprimant son CHSCT.

Dans le cas d’une fusion facultative au contraire, un employeur peu scrupuleux qui supprimerait son CHSCT, en dépit de la dangerosité particulière à son activité, pourrait engager sa responsabilité au plan pénal.

Cette problématique n’est pas nouvelle. Nous avions en son temps signalé, dans une chronique parue le 13 octobre 2016, que les représentants du personnel n’étaient pas démunis pour contester la DUP (délégation unique du personnel) instaurée par la loi Rebsamen, lorsque leur établissement était chroniquement confronté à des risques graves. Ils pouvaient en effet renvoyer l’employeur à son obligation de sécurité et exiger qu’il maintienne un CHSCT à part entière, doté de tous ses moyens.

L’article mentionnait un exemple de motion votée par les élus pour, d’une part, constater les faits incriminés (accidents graves, incidents répétés, augmentation des arrêtsmaladies, etc.) et, d’autre part, rappeler à l’employeur que la DUP est une faculté qui lui est offerte, ce choix engageant sa responsabilité. Une motion de ce type représentait un moyen de pression non négligeable, car elle pouvait constituer un élément à charge si la responsabilité de la direction était mise en cause à l’occasion d’un accident.

Les ordonnances Macron sont décidément très novatrices : elles privent les élus du moyen de pression précité, mais dans le même temps elles empêchent les directions qui le souhaiteraient de bénéficier du concours d’un CHSCT. Et il ne faut pas croire que ces dernières soient en quantité négligeable ainsi que l’a démontré la première visite d’entreprise du Premier ministre et de la ministre du Travail, le 13 juin dernier : la direction de l’entreprise visitée, a contrario de ce que l’on attendait d’elle, s’est déclarée favorable à un CHSCT autonome !

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°56

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