L’interview d’un senior - L’exercice de l’HGE en libéral

Publié le 21 Mar 2024 à 14:50
Article paru dans la revue « AFIHGE - Le journal des Jeunes gastro » / JJG N°4


Les Drs Léa Perron et Julienne Grillot exercent dans un cabinet de 4 associés situé au sein de l’Hôpital Privé Sainte Marie (HPSM) à Chalon-sur-Saône (71). Leur activité est mixte et s’organise en consultations (avec une activité d’échographie), activité hospitalière (visite des patients hospitalisés, HDJ, avis) et endoscopique, avec un planning d’astreintes les soirs et les week-ends. L’HPSM est divisé en services de médecine (où peuvent être hospitalisés les patients qui le nécessitent), chirurgie (où sont accueillis les patients en pré/post endoscopie si besoin), unité de soins intensifs, HDJ (médecine classique et nutrition), SSR, unités de soins palliatifs et ANP (Accueil Non Programmé, système d’accès à des médecins généralistes sans RDV pour le tout-venant).

Les lits sont partagés avec des oncologues médicaux et des chirurgiens (principalement digestifs et urologues, mais aussi gynécologues, plasticiens, …). Des pneumologues et des cardiologues sont présents de façon fixe dans l’hôpital, ce qui permet de les solliciter facilement pour des gestes et/ou avis. Pour les spécialités non présentes physiquement à l’HPSM, les praticiens collaborent à proximité avec l’hôpital public William Morey et des collègues en libéral et parfois avec les CHU de Dijon et/ou de Lyon si nécessaire.

De gauche à droite : Drs Olivier Ruget, Julienne Grillot, Léa Perron et Philippe Derreveaux

À quoi ressemble une semaine/journée type ?

Cela dépend du choix de chacun et du mode d’exercice (en groupe, seul ou en duo). Dans notre cabinet nous avons un mode d’exercice « collectif » avec 4 praticiens et 1 docteur junior et avec une partie hospitalisation (sur place). Ainsi, une semaine type se divise habituellement en :

  • 1 journée de “visite” en hospitalisation / aux urgences.
  • 2 à 3 demi-journées de bloc AG.
  • 1 demi-journée de bloc AL.
  • 4 demi-journées de consultation.
  • 1 à 2 demi-journée(s) off selon les praticiens.

C’est différent des cabinets qui ne fonctionnent qu’en consultation / ambulatoire.

Quel est votre salaire moyen ?

Le salaire dépend du volume d’actes bien sûr… En gros, pour un praticien à « temps plein », ce sera entre 5000 et 15000€ par mois.

L’élément principal à comprendre c’est la séquence :

1) Honoraires des actes réalisés Sur lesquels seront déduites les charges de fonctionnement du cabinet (secrétariat, locaux…) correspondant à environ 30 % des honoraires.

2) BNC résultant qui correspond à un salaire « brut » Sur lequel sont ensuite déduites des charges professionnelles individuelles (URSAFF, CARMRF, Sécurité sociale..) et correspondant encore environ à 30 % du BNC.

3) Revenu qui correspond à un salaire « net » Donc le revenu final correspond à 50 % environ des actes réalisés.

Quel est votre temps de travail moyen ?

Le temps de travail hebdomadaire est très dépendant du choix d’organisation de chaque praticien.

Les journées sont plus condensées que dans un système public, car les moments « d’attente » sont réduits au minimum. Les structures hospitalières privées démarrent également souvent tôt le matin, 7h30 pour le bloc sous AG chez nous par exemple.

Pour le temps administratif, l’informatisation et les accès à distance ont permis de pouvoir gérer un certain nombre de choses (classement des biologies, courriers, anapath, planifications, etc.), de manière plus souple dans la semaine, ou depuis la maison ou même d’ailleurs !

Quelles sont les possibilités de flexibilité dans les horaires et entre différentes semaines, selon les emplois du temps personnels ?

Dans les limites du cadre convenu entre associés (nombre de jours de congés et période) et la règle contractuelle de prévenir le bloc en avance des absences) la flexibilité, c’est l’avantage majeur du libéral. On peut déterminer ses périodes de travail, et tout aussi bien ralentir sur une période qu’augmenter son volume si on le souhaite.

Quel est votre ressenti général sur ce mode d'exercice ?

Ce qui est vraiment très appréciable c’est le service rendu au patient et la fluidité d’organisation au cabinet, avec la structure hospitalière et les autres spécialités.

Ce qui est vraiment très appréciable c’est le service rendu au patient et la fluidité d’organisation au cabinet, avec la structure hospitalière et les autres spécialités.

Saviez-vous dès l'internat que c'était le type d'exercice que vous choisiriez ?

Pas du tout ! Sans exemple autour de moi d’installation libérale, j’ai fait des remplacements en fin d’internat/ clinicat dans 3 cabinets différents, chacun avec ses spécificités. J’y ai trouvé une organisation rodée et souple et un exercice très varié. On pratique l’hépato-gastroentérologie dans tous ses aspects, tel qu’on a pu le faire lors de notre internat et post-internat. La pratique est possible en consultation, en HdJ, en ambulatoire et en hospitalisation. Ce à quoi on peut ajouter l’endoscopie, y compris interventionnelle pour ma part (écho-endoscopie, CPRE, dissection,…), l’oncologie et la nutrition selon les spécificités de chacun. Ce mode d’exercice m’apporte aussi une fluidité essentielle dans l’articulation avec la vie familiale.

Faire des remplacements ponctuels suffit-il pour se faire une bonne idée de ce que c’est de travailler en tant que libéral ?

Les remplacements sont un bon moyen, surtout s’ils sont effectués en semaine, pour avoir un bon aperçu. Le stage d’interne en libéral permet d’en voir vraiment les contours, que ce soit de la pratique médicale mais aussi de la gestion du cabinet et des relations avec l’établissement.

Comment fonctionne l’entreprenariat, notamment sur le versant administratif qui n'est pas bien connu ?

La gestion du cabinet n’est pas un souci au quotidien qui est vraiment axé sur le côté médical. Il y a des points ponctuels dans l’année, comme la période du bilan comptable, où nous sommes accompagnés et conseillés par un cabinet spécialisé. Les nouveaux contrats (nouvelle installation, avenants) sont étudiés par des juristes qui connaissent bien le cabinet. En ce qui concerne la relation à l’établissement de santé, c’est une relation contractuelle et non hiérarchisante, où l’objectif est de faire concorder les intérêts des deux parties.

Quelles sont les démarches à suivre lorsque l’on veut s’installer ?

  • À choisir, éviter l’installation en plein été, avec les congés les délais s’allongent !
  • 3 mois avant installation : Inscription à l’Ordre des Médecins du département où l’on va exercer (dossier à remplir accessible sur le site de l’Ordre / diplômes). Après l’inscription on reçoit une attestation d’inscription à l’Ordre et la nouvelle carte CPS est envoyée à l’adresse donnée automatiquement.
  • Parallèlement on modifie sa RCP avec mise à jour du statut.
  • 1 à 2 mois avant l’installation : Inscription à la CPAM via le site https://installation-medecin.ameli.fr/ installation-medecin/ on y dépose son RIB, sa pièce d’identité et son justificatif pour secteur 2 si besoin (attestation de 2 ans de clinicat ou d’assistant ou docteur junior + 1 an) et on choisit une date de rendez-vous ou on demande à se faire appeler par la CPAM, au choix.
  • Immatriculation auprès du centre de formalité des entreprises (CFE) jusqu’à 8 jours après le début de l’activité: https://www.cfe.urssaf.fr/saisiepl/CFE_Declaration ou sur https://formalites.entreprises.gouv.fr/. Si vous faisiez des remplacements avant, ne pas hésiter à prendre rendez-vous avec l’URSSAF pour faire les modifications et donc la modification de SIRET.
  • Il est important avant de faire cela, de faire le point avec votre futur comptable et/ou avocat (demander à vos futurs associés) du type d’activité EIRL, SELARL… et faire les papiers en fonction notamment si installation en SELARL.
  • Demande d’affiliation à la CARMF (caisse de retraite) jusqu’à 1 mois après le début de l’activité : http://www.carmf.fr/page.php?page=doc/formulaires/ cotisants/affiliation2.htm et le formulaire (disponible ici : http://www.carmf.fr/doc/formulaires/cotisants/ declaration-en-vue.pdf) doit être signé par votre Ordre des Médecins.
  • Ne pas oublier de prendre une prévoyance.
  • Revoir avec vos associés le contrat d’association, et la reprise de part si besoin. Prévoir un rendez-vous avec l’avocat des affaires pour ces informations.
  • Démarches avec la ou les cliniques où vous allez effectuer les gestes et hospitalisations (demande de plage de bloc, information type RPPS et ADELI).
  • Au cabinet : demande ordonnancier (site améli), tampon et petit matériel suivant les besoins.
  • Vérifier si vous ne faites pas partie d’une zone sous tension médicale car il peut y avoir des aides à l’installation (revoir avec la CPAM) : https://www.ameli.fr/ medecin/exercice-liberal/vie-cabinet/aides-financieres/ pratique-zones-sous-dotees.

Plus besoin d’adhérer à une AGA (plus de baisse d’impôt si adhésion, depuis 2023).

Les différents groupes de clinique font bien souvent des webinaires sur l’installation en libérale avec une TO DO LIST bien pratique et à jour.

Quelles sont les possibilités d'accès à la recherche en libéral ?

La recherche est plus axée recherche clinique et souvent moins fondamentale… quoique. La recherche clinique est accessible mais dépendante de la volonté de chaque praticien. On peut intégrer des études nationales ou loco-régionales voire monter son propre protocole de recherche (prospectif, rétrospectif, etc.). Les groupes libéraux ont souvent des plateformes dédiées à la recherche et l’enseignement et proposent des bourses pour “fellow” et “appel à projet” annuellement. Les groupes de cliniques investissent car cela permet de faire rayonner le groupe.

L’accès aux formations est-il plus difficile en libéral ?

Aucunement, cela dépend de l’organisation de son groupe. Pour notre part, on se partage 2 et 2 entre JFHOD et VideoDigest et on tourne tous les ans. Et si l’un de nous veut faire d’autre congrès, il n’y a pas de souci, il faut simplement que cela soit dit en amont pour l’organisation (blocs, gardes...). Par exemple, l’année dernière, j’ai réalisé le CV de bariatrique (2 sessions de 2 jours en présentiels), videodigest (2 jours), le congrès européen de nutrition (ESPEN, 3 jours) et le congrès français de nutrition (JFN, 3 jours).

Quels sont les principaux points forts du libéral par rapport au CHU ? Et à contrario les points forts au CHU qui peuvent manquer en libéral ?

Les principaux point forts libéral selon moi sont :

  • La flexibilité et adaptabilité de l’emploi du temps permettant un meilleur équilibre avec la vie personnelle ;
  • La relation aux patients avec un suivi particulier (consultations, endoscopies, hospitalisations), au CH-CHU on ne fait pas forcément les endoscopies de ses propres malades par exemple ;
  • La discussion plus facile avec la direction et la mise en place de projets plus aisée/rapide.

Les points forts du CHU :

  • Accès à des examens non disponibles ou non pris en charge en libéral (certains examens biologiques comme le dosage de certaines vitamines et oligoéléments) ;
  • Prise en charge de certaines pathologies nécessitant un centre expert comme pour la nutrition parentérale à domicile de longue durée par exemple, mais rien n’empêche d’être attaché à un CHU pour garder cette valence hyperspécialisée !

Note des internes Nous avons la chance dans la subdivision de Dijon que ce terrain de stage en libéral soit ouvert et facilement accessible aux internes, ce qui est actuellement une exception plus que la règle au niveau national. Il s’agit en général de l’un de nos stages préférés de l’internat grâce à la diversité de pratique (propres plages de consultation, d’avis, d’HDJ, d’endoscopie, possibilité de se former à l’échographie), des pathologies (et oui, nous rencontrons enfin les patients de la pratique quotidienne, hors CHU !) et l’autonomie (réellement !) supervisée qui s’installe de façon progressive.

Enfin, si jamais vous êtes intéressés par une activité de remplacement ou d’installation en collaboration ou pour des informations, n’hésitez pas à contacter le cabinet : [email protected] ou 03.85.57.61.82

Car bien que la situation géographique, les modalités d’exercice et les collègues soient idéaux… Comme partout, le nombre de médecins dans la région est insuffisant pour la population !

 


Johanna POKOSSY EPÉE

L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

Publié le 1711029032000