L’icono du jour

Publié le 05 Mar 2024 à 14:38
Article paru dans la revue « AJMER / AJMERAMA » / AJMERAMA N°5


Le Charcot rachis

La neuro-arthropathie rachidienne de Charcot, plus communément appelée Charcot rachis (Charcot Spine en anglais), est une maladie dégénérative progressive des articulations vertébrales liée le plus souvent à une atteinte médullaire.

De façon générale, les neuro-arthropathies ont été décrites avant Charcot chez des patients présentant une atteinte médullaire tabétique dans le cadre d’une syphilis tertiaire. Cependant, c’est le Dr Jean-Martin Charcot (1825-1893), en 1868, qui, sous le nom «  d’arthropathie des ataxiques  », fait le lien de causalité entre l’atteinte neurologique et l’atteinte ostéo-articulaire. Dans son traité Sur quelques arthropathies qui apparaissent dépendre d’une lésion du cerveau ou de la moelle épinière1, il insistait sur plusieurs points concernant ces arthropathies. «  Le début [est]   brusque. Il [n’existe] ni douleur ni rougeur des parties tuméfiées. Les symptômes généraux [font] complètement défaut. Cependant la mobilité anormale des extrémités osseuses, la déformation particulière de l’articulation, les craquements intenses qui se produisent aujourd’hui sous l’influence des moindres mouvements, attestent suffisamment, même à défaut du contrôle anatomique, que les ligaments et les cartilages diarthrodiaux ont subi à la longue des altérations profondes.  ». Il a décrit ces arthropathies au niveau des genoux et des hanches notamment. La première description de ce type d’atteinte dégénérative au niveau du rachis aurait été faite par le médecin allemand Kronig en 18842. Il décrivait un cas de spondylolisthésis chez un patient diabétique. Ce patient s’était blessé la colonne vertébrale et avait développé en quelques mois une grave déformation de la colonne vertébrale avec une mobilité anormale.

Actuellement la principale étiologie des neuro-arthropathies et donc de Charcot rachis, est la lésion médullaire traumatique. Cette pathologie est une complication tardive chez les blessés médullaires3 et est à connaître du fait de l’augmentation de l’espérance de vie de ces patients, de la perte d’autonomie que le Charcot rachis peut entraîner et de l’évolution des techniques chirurgicales orthopédiques qui permettent de le traiter4.

Physiopathologie

La physiopathologie du Charcot rachis n’est pas encore complètement élucidée. Il est admis que la perte de la nociception et de la proprioception, du fait d’un déficit d’innervation de l’articulation, entraîne une perte des mécanismes de défense de l’articulation. Par conséquent, les articulations peuvent être sursollicitées avec une concentration anormale et répétée des contraintes mécaniques et un risque de traumatismes majoré. Une altération de la capsule synoviale et de la synoviale ont lieu, entraînant à terme des épanchements chroniques puis une subluxation progressive de l’articulation (comme décrit par Charcot). L’instabilité secondaire engendre la formation de volumineuses ostéophytoses périarticulaires4. Les zones les plus touchées sont donc les zones de contraintes plus marquées au niveau de la jonction thoraco-lombaire ou encore les zones de laminectomie ou adjacentes à une fusion. Ces contraintes répétées sur l’articulation vont entraîner une forte accélération de l’usure des structures ostéoarticulaires avec à terme une destruction et une dislocation conduisant alors au Charcot rachis4.

Il est intéressant de souligner que le Charcot rachis est plus présent chez des patients actifs du fait de l’augmentation de ces contraintes répétées5. Le Charcot rachis est donc dû à une hyeprsollicitation mécanique en zone sous lésionnelle.

Clinique

L’étude de Barrey et al en 20104, de nombreuses fois cités dans cet article, a effectué une revue de la littérature de 109 cas cliniques retrouvant les principaux éléments cliniques suivants  :

  • Au niveau articulaire  : instabilité et déséquilibre en position assise, déformation rachidienne, gibbosité au niveau de la région thoraco-lombaire le plus souvent, craquement audible, parfois douleurs rachidiennes mécaniques ou inflammatoires.
  • Évolution et aggravation du tableau neurologique  : évolution de la spasticité avec soit une exagération soit une diminution selon la localisation de l’atteinte, hyperreflexitivité autonome (HRA) lors de mouvements du rachis, modification des troubles vésico-sphinctériens.

Schéma sur la création et l'évolution du Charcot rachis4

Radiologie

Toute évolution clinique chez le patient atteint d’une lésion médullaire traumatique doit entraîner la réalisation d’une IRM médullaire et lombo-sacrée ainsi que de radiographies du rachis pour diagnostiquer un potentiel Charcot rachis.

Dans les aspects radiographiques, il est le plus communément retrouvé4  :

  • Une dégénérescence discale ;
  • Une destruction du corps vertébral, une ostéosclérose ou une ostéolyse avec la présence de débris correspondant à la fragmentation de l’os sous-chondral ;
  • Des ostéophytoses ;
  • Une atteinte précoce des facettes articulaires.

Traitements

Le traitement du Charcot Rachis est le plus souvent chirurgical avec pour but de stabiliser le rachis. La chirurgie consiste à effectuer un débridement des tissus inflammatoires, un recalibrage canalaire et une stabilisation du rachis avec une greffe osseuse et une arthrodèse4. Ces chirurgies sont délicates du fait de l’étendue des lésions et nécessitent donc la pose de matériels souvent étendus. Le risque de développer une neuro-arthropathie rachidienne au-dessus et en-dessous du matériel nouvellement posé est possible. Par conséquent certaines équipes chirurgicales effectuent des montages descendant jusqu’au niveau du bassin pour éviter toute nouvelle localisation en dessous de l’instrumentation. Avant toute chirurgie, il est nécessaire d’évaluer l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’autonomie du patient notamment sur la réalisation des transferts et des autosondages (si fixation au niveau du bassin notamment).

Chez les patients trop fragilisés et ne pouvant être opérés ou chez ceux jugeant cette lésion opportune du fait d’un gain de mobilité et ne voulant donc pas se faire opérer6, le port d’un corset est proposé. Cette prise en charge orthopédique permet de stabiliser le Charcot rachis et n’est pas un traitement curatif.

En conclusion, le Charcot rachis est important à évoquer et à rechercher devant toute modification clinique chez le blessé médullaire. Une surveillance clinique et radiologique du rachis chez le blessé médullaire est indispensable et doit être effectuée régulièrement et bien sûr à long terme.

Bibliographie

  • M CJ. Sur quelques arthropathies qui paraissent dependre d’une lesion du cerveau ou de la moelle epiniere. Arch, physiol norm et pathol. 1868;1:161-78.
  • Gupta R. A short history of neuropathic arthropathy. Clin Orthop Relat Res. nov 1993;(296):43-9.
  • Standaert C, Cardenas DD, Anderson P. Charcot spine as a late complication of traumatic spinal cord injury. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation. 1 févr 1997;78(2):221-5.
  • Barrey C, Massourides H, Cotton F, Perrin G, Rode G. Charcot spine: Two new case reports and a systematic review of 109 clinical cases from the literature. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine. 1 avr 2010;53(3):200-20.
  • Crim JR, Bassett LW, Gold RH, Mirra JM, Mikulics M, Eckhardt JJ. Spinal neuroarthropathy after traumatic paraplegia.
  • Moreau S, Lonjon G, Jameson R, Judet T, Garreau de Loubresse C. Do all Charcot Spine require surgery? Orthop Traumatol Surg Res. nov 2014;100(7):779-84.
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    Dr Camille NOËL

     

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    Publié le 1709645903000