L’histoire de la pilule contraceptive

Publié le 02 Feb 2023 à 16:17

 

L’histoire de la pilule contraceptiveDe tout temps, les Hommes ont essayé de maîtriser leur contraception. Dès l’antiquité, De les manuscrits romains ou égyptiens décrivaient déjà des méthodes abortives mais aussi contraceptives tels que les « tampons de fibres » à base d’épines d’acacia, de dattes et de miel placés dans le vagin (1). Revenons alors sur la pilule en quelques dates !

1920 : L’Assemblée Nationale a voté une loi « Réprimant la provocation à l’avortement et à la propagande anticonceptionnelle ».

1956 : Le médecin américain Gregory Pincus, après plusieurs années de travail sur les hormones féminines, est à l’origine de la première pilule contraceptive qui est uniquement progestative (2). Sous couvert d’une surpopulation, le médicament est rapidement testé à grande échelle sur les femmes haïtiennes et portoricaines.

1958 : Lors de sa dernière année de pontificat, le pape Pie XII condamne et juge immoral l’emploi de la pilule à des fins contraceptives.

1960 : La première pilule œstroprogestative (Enovid™) quant à elle, est commercialisée en 1960 aux États-Unis (3). Grâce à sa simplicité d'utilisation et de prescription, elle connaît un succès immense aux États-Unis. En Europe, elle est rapidement importée massive- ment de façon illégale. Mais Les années 60 seront les années du militantisme, et cela comprendra le combat pour avoir accès à la contraception.

1963 : Le Dr John Rock, un des gynécologues ayant participé à la conception d’Enovid, publie le livre « The Time Has Come: A Catholic Doctor's Proposals to End the Battle over Birth Control », un traité détaillant les arguments pour et contre l’utilisation de la pilule contraceptive d’un point de vue scientifique et religieux. Il a pour espoir d’obtenir l’accord du Pape. Il a tenté de faire valoir l'idée que la pilule était compatible avec les valeurs de l'église catholique, puisqu'elle respectait le cycle menstruel naturel des femmes, avec l'aide d'hormones naturellement produites par elles en temps normal. Pour certains, le Dr Rock est à blâmer pour l’ajout de la fameuse pause de 7 jours entre les plaquettes, jugée inutile en termes d’efficacité ; ajouté afin d’obtenir les faveurs de l’église. Selon d’autres, comme Jane Dickson de la RCOG l’explique dans une interview (4), cette pause – en plus d’apaiser l’église – permet de créer une période de récupération sans hormone et de réassurer sur l’absence de grossesse en cas de règles (même si elles ne sont pas « réelles »).

1965 : L’église réunit un comité de 51 membres, comprenant 20 théologiens, 19 démographes, sociologues et économistes, 12 médecins et trois couples (français, américain et canadien).

Les laïcs étant majoritaires, la commission rend un avis en faveur de l'acceptation de la pilule par la religion. Soumis à l'avis final des théologiens seuls, la conclusion en 1966 est finalement en faveur également de la contraception, dont "il appartient (aux couples) de décider ensemble" la méthode (5). Mais après deux ans de silence, le Pape Paul VI publia en 1968 son encyclique « Humanae vitae », qui réaffirmait la désapprobation de l'église catholique face à la contraception : "Est (…) à exclure, comme le Magistère de L'Église l'a plusieurs fois déclaré, la stérilisation directe, qu'elle soit perpétuelle ou temporaire, tant chez l'homme que chez la femme".

1967 : La pilule devient légale en France. Lucien Neurwith réussit, malgré des débats parlementaires très violents, à faire adopter un texte de loi autorisant la contraception et abrogeant la loi du 31 juillet 1920. Et ceci après plusieurs propositions de loi repoussées : onze propositions en 10 ans ! Ce n’est que le 3 février 1969 qu’un décret réglementant la fabrication et la prescription des contraceptifs (décret 69-104 sur les médicaments et produits contraceptifs) fut publié. La pilule est délivrée sur ordonnance uniquement en pharmacie et avec autorisation parentale pour les mineurs.

1974 : Les lois Veil défendues par Lucien Neuwirth et Simone Veil alors ministre de la Santé, la loi de 1974 outrepasse celle de 1967. Le recours à la pilule comme méthode de contraception se généralise parmi toutes les classes sociales. La contraception est remboursée par la Sécurité sociale. Pour les mineurs, l’anonymat et la gratuité de la contraception sont assurés grâce aux centres de planification.

Années 80/90 : La recherche dans le domaine de la contraception hormonale s’est poursuivie avec comme objectif majeur, une meilleure tolérance clinique et métabolique.

Ainsi, le choix contraceptif a été fortement élargi avec l’apparition du DIU hormonal, de l’anneau ou du patch. Les doses d’estrogènes des pilules ont fortement diminué et les progestatifs possibles sont plus nombreux. Toutefois, aucune de ces innovations n’a permis d’aboutir à une absence de risque, notamment sur le plan vasculaire, ou à une meilleure efficacité contraceptive (6). Plusieurs crises médiatiques ont émaillé cette évolution avec des retentissements très différents. La crise du milieu des années 1990 liée à l’impact plus délétère des contraceptions dites de 3e génération n’a d’abord eu qu’une portée limitée. En effet, l’utilisation de ces contraceptifs n’a cessé d’augmenter jusqu’en 2013, au détriment des contraceptions dites de 2e génération alors même que des études épidémiologiques montraient déjà des différences de risque sur le plan vasculaire (7).

2008 : Benoît XVI célèbre les 40 ans de l’en- cyclique « Humanae vitae » sans l’ajuster, car l’unique contraception demeure “l’observation des rythmes naturels de la fertilité de la femme”. L’actuel pape François soutient qu’éviter une grossesse n’est pas un mal absolu en comparai- son à l’avortement qui reste un crime au regard de l’Église catholique.

 2012 : L’affaire Larat entraînera un véritable tsunami et un immense changement de comporte- ment des femmes. Marion Larat est la première française à porter plainte pour « atteinte involontaire à l’intégrité de la personne » à la suite de son accident vasculaire cérébral survenu à ses 18 ans. Elle réclame la reconnaissance des liens de causalité entre son accident et la prise de la pilule 3e génération, Meliane. Elle sera reconnue par la justice en 2018 comme victime d’un accident médical non fautif et une indemnisation sera octroyée.

2013 : L’année sera marquée par le scandale Diane 35, ce contraceptif de 3ème génération très largement prescrit comme anti acnéique sera retiré de la vente pendant trois mois avant d’être de nouveau autorisé.

 2018 : Selon un sondage de l’Institut français d’opinion publique, 32 % des femmes utilisent la pilule comme moyen de contraception contre 40 % en 2010. Ce changement peut être expliqué de différentes manières : par le développement des réseaux sociaux et de l’information à grande vitesse, par le recours plus fréquent à des procédures juridiques, par les mesures des autorités de santé prises (diffusées plus rapidement) et par l’intérêt plus profond de la population pour l’écologie (l’impact écologique des hormones pour notre planète). On observe donc un retour aux méthodes non hormonales.

2019 : La première phase d’essai clinique pour le contraceptif masculin “11-beta-MNTDC” est passée avec succès. En 2022, aucune pilule contraceptive masculine n’est présente sur le marché. La maîtrise de la contraception est toujours principalement assumée par les femmes. L’histoire de la contraception s’écrit donc encore.

Références

1- Sullivan R. Divine and rational: the reproductive health of women in ancient Egypt. Obstet Gynecol Surv 1997 ; 52 : 635-42.
2- Geneviève Plu-Bureau, Brigitte Raccah-Tebeka. L’histoire de la contraception s’écrit encore ! Médecine/sciences  2020 ; 36 : 687-8.
3-  Junod SW, Marks L (2002). "Women's trials: the approval of the first oral contraceptive pill in the United States and
      Great Britain". J Hist Med Allied Sci. 57 (2): 117–60. doi:10.1093/jhmas/57.2.117. PMID 11995593. S2CID 36533080.
4-  Ewens, Hannah; Hollenbeck, Corissa (January 22, 2019). "The Truth About the 'Pope Rule' and the Seven Day
      Contraceptive Pill Gap".
6-  Esprit Presse (10 févriers 2010) « La décision dans l'Église. Contraception, procréation assistée, avortement : trois
      moments clés ».
7-  Plu-Bureau G, Sabbagh E, Hugon-Rodin J. Hormonal contraception and vascular risk: CNGOF contraception guidelines.
      Gynecol Obstet Fertil Senol 2018 ; 46 : 823-33.
8- Bloemenkamp KW, Rosendaal FR, Helmerhorst FM, et al. Enhancement by factor V Leiden mutation of risk of deep- vein thrombosis        associated with oral contraceptives containing a third-generation progestagen. Lancet 1995

Alexane TOURNIER

Article parue dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / AGOF n°24

Publié le 1675351079000