Alors que la sonnette d’alarme a été tirée depuis bien longtemps par la profession, son attractivité n’a jamais été aussi mauvaise. Les reconversions se multiplient, les conditions de travail et de prise en charge se dégradent jour après jour… Rien de concret n’a pourtant été acté : ni révision des effectifs et des statuts, ni revalorisation salariale à la hauteur de nos responsabilités.
L’été chez les sages-femmes s’annonce caniculaire.
Alors que nous arrivons au terme des derniers mois de formation en ayant l’espoir de voir naître quantité de nouveaux maïeuticiens et maïeuticiennes pleins d’énergie, force est de constater que la profession ne verra probablement pas ses souhaits exaucés. Dans le meilleur des cas, la promotion de sages-femmes 2022 comptera 850 nouveaux praticien-ne-s (sur un numerus clausus de 1000 places à la rentrée 2017), c’est-à-dire moins que les postes déjà vacants en ce printemps dans les établissements de santé, publics et privés (enquête ONSSF 2022 - postes vacants en maternité) (1).
Le problème est d’ailleurs le même pour tous les modes d’exercice (hôpital public, privé, libéral, territorial, enseignant…). En effet, les offres d’emploi pullulent sur toutes les plateformes existantes, mais trouvent rarement preneur...
La sonnette d’alarme a pourtant été tirée depuis bien longtemps par l’ensemble des instances représentatives de la profession.
Les causes ont, elles aussi, été clairement identifiées, mais aucune avancée concrète n’a permis d’améliorer l’attractivité de notre profession.
On peut par exemple évoquer l’absence de révision des décrets de périnatalité de 1998 : ces décrets, qui datent d’avant le passage aux 35 heures et l’extension de nos compétences en gynécologie, établissent les effectifs sages-femmes nécessaires en salle de naissance en fonction du nombre d’accouchements par établissement. Mais les sages-femmes n'accueillent pas que des femmes sur le point d’accoucher, et les prises en charge actuelles en obstétrique et pédiatrie ne sont plus les mêmes que celles du siècle dernier. Après des années de médicalisation intensive, nous avons dû nous adapter aux souhaits des patientes, plus demandeuses de physiologie. L’avancée de l'âge des premières grossesses, corrélé à une augmentation des pathologies maternelles, va de pair avec des naissances prématurées plus nombreuses et plus précoces. Tout cela demande des moyens humains, dans un domaine où la majorité de l’activité n’est pas programmable. L’impression de ne pas accompagner correctement nos patientes est unanime et est devenue intolérable pour les sages-femmes qui quittent l'hôpital, voire même la profession.
Bien que profession médicale selon le Code de la Santé Publique, notre statut hospitalier hybride parmi les fonctionnaires empêche l’exercice mixte, l’accès aux postes de recherche et d’enseignement, l’accès adapté à la formation continue, et évidemment une revalorisation salariale. Si on rajoute à cela des conditions de travail éprouvantes (alternance de jours et de nuits lors de gardes de 12h, avec au minimum 2 week-ends travaillés par mois), notre si beau métier ne fait plus beaucoup rêver.
À ce jour, aucune avancée vers le statut de praticien hospitalier en maïeutique n’est actée, malgré la mobilisation de l’ensemble de la profession.
Après des mois de protestation, nous avons obtenu une revalorisation salariale, négociée pour nous par les organisations syndicales :
• Une augmentation indiciaire qui nous permet un gain net de 78€ mensuels,
• Une prime d’exercice médical de 240€ nets, non garantie en cas d'arrêt maladie ou maternité et n'entrant pas dans le calcul de la retraite, qui ne concerne ni les enseignants, ni les territoriales,
• La “prime Ségur" de 183€, commune à tous les fonctionnaires hospitaliers.
Ainsi, hors primes, donc pérenne, c'est bien 78€ nets de revalorisation (2) qu'a obtenu notre profession et non 500€ comme se plaît à claironner le gouvernement. Et l’on apprend que par défaut d’une mise à jour du logiciel informatique, certains établissements n’appliqueraient pas cette augmentation avant l’automne !
Bien sûr “c’est mieux que rien”, mais qui pourrait s’en contenter lorsque la question de la qualité de vie au travail n’est désespérément pas abordée ?
Dans ce contexte de manque d’attractivité alarmant de notre profession, nous nous demandons à ce jour comment vont fonctionner les maternités cet été.
Plutôt que de subir des fermetures de lits et de maternités en l’absence d’effectifs suffisants, les organiser serait-elle la solution ? Lorsque nous avons posé la question au Ministère, il nous a été répondu que les ARS géreraient la situation... Ce qui nous inquiète au vu de la gestion de l’année passée.
Faudra-t-il encore réduire la durée des séjours hospitaliers ? Mais qui prendra en charge les patientes à leur retour à domicile, étant donné que les sages-femmes libérales ne trouvent pas, elles non plus, de remplaçants pour l’été, ni de collaborateurs le reste de l’année ?
Après l’épuisement conséquent de cette période de pandémie, certains établissements empêchent les équipes de prendre leurs congés estivaux. De quoi favoriser le burn-out qui touche déjà la majorité de la profession depuis plusieurs années (3).
Faudra-il envisager des “modes dégradés” tout l’été ? Les moyens humains accordés à nos patientes sont déjà très limités, mais qu’en sera-t-il pendant la période estivale ?
Rendez-vous à la rentrée pour un état des lieux après l’été…
(1) Enquête toujours en cours : à ce jour, 165 maternités ont répondu (sur 461 recensées par la DREES en 2019), 830 postes sont à pourvoir. Ce n’est pas une problématique ponctuelle pour 80% de ces structures.
(2) https://www.emploi-collectivites.fr/grille-indiciaire-hospitaliere-sage-femme-hopitaux-sfh/1/6274.htm
(3) https://www.cnsf.asso.fr/le-burn-out-chez-les-sages-femmes-un-fleau-pour-la-perinatalite-francaise/
Pauline BARBIER
Sage-femme
Administratrice de l'ONSSF
Camille DUMORTIER
Sage-femme
Présidente de l'ONSSF
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°24