L’ESC 2019 en coronaire : « étude mitra-fr 2 ans »

Publié le 24 May 2022 à 17:37

Toujours pas de supériorité du Mitraclip sur le traitement médical dans le traitement de l’insuffisance mitrale fonctionnelle sévère symptomatique

Auteur
Flavien VINCENT
Cardiologue au CHU de Lille

Retour sur les résultats de cette étude à 2 ans présentés par le Pr Jean François Obadia du CHU de Lyon lors du congrès.

Principe de l’étude MITRA-FR
Il y a tout juste 1 an, l’étude multicentrique randomisée française MITRA-FR comparant la réparation mitrale par Mitraclip au traitement médical dans l’insuffisance mitrale (IM) fonctionnelle sévère chez 304 patients, était publiée dans le NEJM, en démontrant l’absence de différence entre les deux traitements sur le critère composite primaire : décès toute cause et hospitalisation pour insuffisance cardiaque à 1 an (54.6 % vs. 51.3 % ; p= 0.53) (Obadia et al, NEJM 2018).

Principe de l’étude COAPT
Coup de tonnerre quelques semaines plus tard avec l’étude jumelle américaine COAPT incluant 614 patients (Stone et al, NEJM 2018). Même design, même journal et des résultats extrêmement différents avec une supériorité du Mitraclip sur le traitement médical optimal avec une réduction du taux annuel de réhospitalisations (67,9 vs 35,8 % ; p < 0.001) et une impressionnante réduction de la mortalité à 2 ans (29,1 % vs 46,1 %).

Comment expliquer la divergence des résultats entre MITRA-FR et COAP ?
Depuis, de nombreuses explications ont été données pour expliquer une telle différence entre deux études au design en apparence identique et évaluant la même thérapie sur la même pathologie.

La principale explication est une différence certaine dans la méthode de sélection des patients auxquels le clip a été implanté. COAPT a inclus des patients avec des IM plus sévères (critères américains de sévérité : SOR > 30 mm2 et un VR > 45 mL) que MITRA-FR (critères européens : SOR > 20 mm2 et/ou un VR > 30 mL) ; avec une pathologie moins évoluée (FEVG ≥ 20 % et DTDVG < 70 mm) ; et mieux traités et optimisés sur le plan médicamenteux et de la resynchronisation cardiaque.

Quels résultats retenir de cette analyse de l’étude MITRA-FR à 2 ans de suivi ?
Beaucoup s’accordaient sur la faible probabilité que les courbes de survie divergent significativement au-delà de 1 an au vu du taux d’événement élevé déjà présent lors du suivi à 1 an. Pas de surprise donc lorsque le Professeur Obadia a présenté les résultats à 2 ans de MITRA-FR confirmant l’absence de supériorité du Mitraclip sur le traitement médical optimal dans cette population après 2 ans de suivi avec respectivement 63,8 % et 67,1 % d’évènements pour le critère composite mortalité toute cause et hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR : 1.01 ; [IC]95 % : 0.77 à 1.34) (Figure 1).


Figure 1 : Courbes de Kaplan-Meier : Pas de différence entre les 2 groupes sur le critère composite mortalité toute cause et hospitalisation pour insuffisance cardiaque

Par ailleurs, aucune différence entre les deux groupes n’était retrouvée sur l’ensemble des autres critères secondaires, mais une tendance vers moins de réhospitalisations cumulées pour insuffisance cardiaque était observée dans le groupe de patient traités par Mitraclip sans qu’aucune conclusion ne puisse être tirée de cette analyse post-hoc d’un critère secondaire (HR : 0,87 ; IC 95 % 0,56 – 1,35) (Figure 2).


Figure 2 : Courbes d’incidence cumulée : Comparaison du taux de réhospitalisations cumulées pour insuffisance cardiaque entre sur les 2 groupes.

Conclusion
MITRA-FR fait donc partie des études « négatives » mais qui sont d’une importance scientifique majeure, car elle permet de comprendre que le Mitraclip n’est pas pour le moment une thérapie à généraliser à tous nos patients insuffisants cardiaques à FEVG altérée présentant une IM sévère.
Elle met également en avant l’importance d’une évaluation spécialisée et collégiale de ces patients afin de sélectionner les nombreux bons répondeurs potentiels qui doivent pour le moment répondre au cahier des charges de l’étude COAPT.
Les prochaines études et notamment la métaanalyse avec COAPT devront s’attacher à mieux préciser le profil de ces patients et à faciliter leur sélection afin que le Mitraclip rejoigne en routine l’arsenal thérapeutique des patients souffrant d’une IM fonctionnelle sévère symptomatique.

Référence de l’étude
Lung et al. Percutaneous Repair or Medical Treatment for Secondary Mitral Regurgitation: Outcomes at 2 years, publication simultanée dans Eur Hear Journal : Heart Failure.

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°9

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