L’ESC 2017 en Coronaires et Interventionnel

Publié le 23 May 2022 à 06:56

Etude « COMPASS » = Evaluation du Rivaroxaban en association ou non à l’aspirine en prévention secondaire dans la maladie coronaire et périphérique stable

Rivaroxaban with or without aspirine in stable cardiovascular disease

Quelle place pour les anticoagulants oraux directs (AOD) en prévention secondaire cardiovasculaire ?

L’ajout de Rivaroxaban à faible dose à l’Aspirine chez les patients en prévention secondaire d’une maladie athéromateuse stable permet une diminution des événements cardio-vasculaires majeurs et de la mortalité totale !

PRINCIPE DE L’ETUDE
Design
Etude multicentrique internationale (602 centres, 33 pays), contrôlée en double aveugle qui a randomisé 27 395 patients en 3 bras :
• Rivaroxaban 2,5mg x 2 + Aspirine 100 mg.
• Rivaroxaban 5 mg x 2 + Placebo (une prise).
• Aspirine 100 mg + Placebo (2 prises par jour).

Population étudiée
Les patients éligibles devaient présenter un antécédent de maladie coronaire ou artérielle périphérique stables. Pour pouvoir considérer des patients à plus haut risque dans cette étude, ceux de moins de 65 ans devaient avoir au moins 2 facteurs parmi : tabagisme actif, diabète, insuffisance rénale, antécédent d’insuffisance cardiaque ou d’AVC sans séquelle.

Critère de jugement principal
Critère de jugement composite associant : mortalité cardiovasculaire, AVC ou infarctus du myocarde.

Tolérance
Evaluation par la classification hémorragique ISTH modifiée qui définit les saignements majeurs de façon assez large : saignements entraînant un décès, nécessitant une intervention chirurgicale, une transfusion de plus de 2 culots globulaires, ou associés à une perte de plus de 2 points d’hémoglobine, mais aussi tous ceux amenant à une hospitalisation ou une consultation en urgence, pas toujours pris en compte dans ce genre d’études.

RESULTATS PRINCIPAUX
Arrêt prématuré de l’étude après 23 mois de suivi moyen devant une supériorité du bras Rivaroxaban faible dose + Aspirine (arrêt prévu théoriquement à 48 mois) :
• Réduction significative de 24 % d’événements ischémiques dans le bras Rivaroxaban à faible dose + Aspirine par rapport au bras Aspirine seul : 4,1 % vs 5,4 % (HR 0,76 ; p<0,001).
• Réduction de 18 % de la mortalité totale isolée dans le groupe Rivaroxaban à faible dose + Aspirine en comparaison à l’Aspirine seule : 3,4 % vs 4,1 % (HR 0,82 ; p= 0,01).
• Avec néanmoins une augmentation des complications hémorragiques majeures, respectivement 3,1 % vs 1,7 % (HR 1,7 ; p<0,001) sans augmentation des saignements intracrâniens ou des décès liés aux hémorragies.
Différence d’efficacité retrouvée dans tous les sous-groupes de patients prédéfinis en dehors des patients de moins de 60 kg et de plus de 75 ans.
La localisation préférentielle des saignements était digestive (50 % des cas).

En revanche, le Rivaroxaban seul, même étudié à la dose de 5 mg x 2 n’a pas montré de différence d’efficacité en comparaison à l’aspirine seul (4,9 % vs 4,1 % ; HR 0,9 ; p= 0,12), avec néanmoins une augmentation des complications hémorragiques.

Enfin, le bénéfice clinique net défini par l’association des décès, infarctus du myocarde, AVC et complications hémorragiques majeures est significativement meilleur pour les patients traités par Rivaroxaban faible dose + Aspirine en comparaison à ceux traités par Aspirine seul avec respectivement 4,7 % et 5,9 % d’événements (p=0,0005).

LA QUESTION POSÉE
Le Rivaroxaban, un anticoagulant oral direct avec une action anti-Xa, avait montré en association à une double antiagrégation plaquettaire une réduction des événements ischémiques au décours d’un syndrome coronaire aigu dans l’étude ATLAS ACS-2 TIMI 51 (Mega et al. NEJM 2011) au prix d’une augmentation des complications hémorragiques.
L’étude COMPASS correspond au prolongement de cette stratégie et vise à évaluer la balance bénéfices/ risques du Rivaroxaban en prévention secondaire dans la maladie coronaire et périphérique stable en association ou non à l’Aspirine recommandée en pratique.

NOTRE CONCLUSION

L’association de Rivaroxaban à faible dose à l’Aspirine chez des patients en prévention cardiovasculaire secondaire permet une réduction significative des événements ischémiques ainsi que de la mortalité au prix d’une augmentation des complications hémorragiques majeures sans augmentation des saignements intracrâniens ou entraînant un décès.

Cette étude est la première à montrer une baisse de mortalité en prévention secondaire liée à la prescription d’un AOD, et ouvre la voie à d’autres analyses complémentaires indispensables afin de préciser encore la place des AOD en terme de prévention cardiovasculaire secondaire.

FIGURE CLÉ :

RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
Eikelboom et al. Rivaroxaban with or without aspirine in stable cardiovascular disease. NEJM august 2017
Étude sponsorisée par les laboratoires BAYER

Etude « CANTOS » = Efficacité du Canakinumab, traitement anti-inflammatoire dans l’athérosclérose en prévention secondaire cardio-vasculaire

CANTOS – The CANAKINUMAB Anti-inflammatory Thrombosis Outcomes Study 1
Le CANAKINUMAB (150 mg tous les 3 mois), traitement anti-inflammatoire ciblant l’interleukine 1-Beta par l’anticorps monoclonal anti-IL1 permet en prévention cardiovasculaire secondaire de réduire significativement l’incidence des évènements cardio-vasculaires (mais sans effet sur la mortalité totale, au prix d’une augmentation significative du taux d’infections graves).

LA QUESTION POSÉE
La réaction inflammatoire est un déterminant de la déstabilisation des plaques d’athérome, à l’origine des accidents cardiovasculaires. En effet, il a été démontré que la CRP ultra-sensible peut apporter un élément supplémentaire dans la prédiction du risque cardio-vasculaire. Ainsi, cette étude évalue l’effet du Canakinumab, anticorps monoclonal anti-inflammatoire dirigé contre l’interleukine 1ß (anti-IL-1ß) en prévention cardio-vasculaire secondaire.

PRINCIPE DE L’ETUDE
Etude multicentrique, internationale, randomisée, en double aveugle, avec 4 bras suivis : Canakinumab 50 mg, 150 mg, 300 mg tous les 3 mois, Placebo. Les patients inclus avaient un antécédent d’infarctus, sous hypolipémiant, et avaient un taux de CRPus au-dessus de la normale (CRPus > 2 mg/L). Le critère de jugement principal (MACE) était composite : décès de cause cardio-vasculaire, infarctus non fatal, AVC non fatal

RESULTATS PRINCIPAUX
EVENEMENTS CARDIO-VASCULAIRES
10 061 coronariens en post-IDM, âgés de 61 ans en moyenne, ont été étudiés avec un suivi médian de 3,7 ans. L’incidence du critère de jugement principal était de 4.5 évènements pour 100 patients-année dans le groupe placebo, 3,86 évènements pour 100 patients-année dans le groupe 150 mg. Le dosage 150 mg était le seul à être associé à une diminution significative en analyse multivariée sur le critère de jugement principal MACE (HR=0.85, IC95 %[0.74 ;0.98], p=0.021).

MORTALITE TOUTE CAUSE : Aucune différence significative sur la mortalité toute cause, quelle que soit la dose de CANAKIMUNAB (HR=0.94, IC95%[0.83 ;1.06], p=0.31).

MORTALITE PAR CANCER : Diminution de la mortalité par cancer, significative dans le bras 300 mg (réduction de 51 % ; p = 0,0009), alors que l’incidence des cancers ne diffère pas entre les groupes, avec une réduction importante de la mortalité liée au cancer du poumon (réduction de 77 % dans le bras 300 mg ; p = 0,0002).

MORTALITE PAR INFECTION : Augmentation de l’incidence des infections mortelles ou de sepsis (0,31 % dans le groupe 150 mg Vs 0,18 % dans le groupe placebo, p=0.02).

FIGURES CLÉS

NOTRE CONCLUSION
CANTOS est une avancée historique du concept de l’implication de l’inflammation dans la maladie coronaire. Le fameux « Lower is better » semble donc s’appliquer à la fois au LDL-c et à la CRP ultrasensible.

Malgré une réduction des événements ischémiques majeurs dans l’étude CANTOS, il n’a pas été retrouvé de bénéfice sur la mortalité toute cause et le risque infectieux se doit d’être approfondi. D’autre part, le CANAKINUMAB coûterait 200.000 dollars par an aux USA, coût difficilement applicable à une indication aussi large que la prévention secondaire de la maladie coronaire. Ainsi, des analyses complémentaires sont nécessaires pour confirmer la place du CANAKINUMAB en pratique clinique quotidienne.

RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
Ridker PM, Everett BM, Thuren T, et al. Antiinflammatory Therapy with Canakinumab for Atherosclerotic
Disease. N Engl J Med 2017;NEJMoa1707914

Etude « TROPICAL-ACS » = Intérêt d’une stratégie de désescalade du traitement antiplaquettaire guidée par le monitoring plaquettaire chez des patients au décours d’un SCA

Guided de-escalation of antiplatelet treatment in patients with acute coronary syndrome undergoing percutaneous coronary intervention : a randomized, open-label, multicenter trial.

La désescalade précoce du traitement antiplaquettaire – du Prasugrel vers le Clopidogrel – guidée par tests plaquettaires après un infarctus du myocarde est sûre et faisable, mais sans bénéfice par rapport à la stratégie standard recommandée.

Le rationnel scientifique de TROPICAL ACS est le suivant : le risque de récidive ischémique diminue rapidement après un infarctus du myocarde1, 2 , alors que les évènements hémorragiques augmentent avec la durée de la DAPT 3, 4.
Cette problématique est encore plus complexe chez les patients peu répondeurs au Clopidogrel et exposés à un sur-risque ischémique5, 6. Suite aux résultats négatifs des études ARCTIC7 et ANTARCTIC8, l’utilisation des tests d’agrégation plaquettaire dans les suites d’un infarctus du myocarde n’était pas recommandée (classe III, Niveau A recommandation ESC 2014 et 2017).
Les investigateurs de l’étude TROPICAL ACS relevaient ainsi un double défi : celui de réhabiliter la thérapie personnalisée par mesure de la réactivité plaquettaire, et celui de réintroduire le clopidogrel dans les suites d’un infarctus du myocarde

PRINCIPE DE L’ETUDE
Design

33 sites européens ont inclus des patients admis pour SCA avec susdécalage du segment ST ou sans susdécalage du segment ST avec élévation de troponine, traités avec succès par angioplastie, pour lesquels une DAPT de 12 mois était possible.

Interventions
Les patients étaient randomisés en 2 groupes avec :
• Bras « contrôle » : sous Prasugrel pour une durée de 12 mois.
• Bras « intervention » : avec 7 jours de Prasugrel, puis 7 jours de Clopidogrel suivi d’un test plaquettaire
Multiplate à J14. Le résultat guidait la stratégie de ce groupe : une inhibition plaquettaire satisfaisante entraînait le maintien du Clopidogrel pendant 1 an, alors qu’une hyperréactivité plaquettaire guidait la réintroduction du Prasugrel (voir figure).

Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal était un critère composite évalué à 1 an de suivi associant : décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde, AVC ischémique ou saignement ≥ stade BARC 2, selon une analyse en intention de traiter.

LA QUESTION POSÉE
Alors que les récidives ischémiques surviennent précocement après un infarctus du myocarde, la prescription d’inhibiteurs puissants du P2Y12 est recommandée pendant 1 an, au prix d’un risque hémorragique accru.
La désescalade précoce vers le Clopidogrel, guidée par les tests plaquettaires, est-elle une alternative sûre et faisable ?

RESULTATS PRINCIPAUX
Sur la population

2610 patients ont été inclus, 1306 patients dans le bras contrôle et 1304 patients dans le bras désescalade guidée entre 2013 et 2016.
L’âge moyen était de 59 ans, et 20 % étaient des femmes.
La moitié des patients se sont présentés avec un SCA ST+. Un stent actif était implanté chez 77 % d’entre eux et la voie radiale était utilisée dans 57 % des cas.
Parmi les 1304 patients du groupe désescalade, l’analyse par Multiplate a dé- pisté une hyperréactivité plaquettaire sous Clopidogrel chez 511 patients (39 %), dont 509 ont été remis sous Prasugrel.
Dans le groupe Prasugrel, 188 patients (14 %) avaient une hyperréactivité plaquettaire.

Sur le critère de jugement principal
A 1 an, il n’existait pas de différence entre les 2 groupes sur le critère de jugement composite, avec 7 % d’évènements cardiovasculaires dans le groupe désescalade contre 9 % dans le groupe contrôle (HR 0,81 [95% CI 0,62–1,06], p non-infériorité=0,0004, p supériorité =0,12).
La récidive d’évènements ischémiques
– décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde et AVC – était similaire dans les 2 groupes (3 % vs 3 % (HR 0,77 [95 % CI 0,48–1,21]; p=0,25).
De même, le taux d’hémorragie ≥ BARC 2 était similaire dans les 2 groupes (5 % vs 6 % (HR 0,82 [95% CI 0,59–1,13]; p=0,23).
A noter que 53 et 57 patients ont été perdus de vue dans le groupe désescalade et dans le groupe contrôle, respectivement.

NOTRE CONCLUSION
Une stratégie personnalisée de désescalade précoce vers le Clopidogrel semble sûre et faisable dans les suites d’un infarctus du myocarde. Bien qu’elle n’entraîne pas plus de récidives ischémiques, cette stratégie ne permet pas de réduire les hémorragies. On note aussi que près de 40 % des patients ont une hyperréactivité plaquettaire sous Clopidogrel.
Alors que les recommandations ESC 2017 sur la DAPT contre-indiquent l’utilisation du monitoring plaquettaire en routine, elles préconisent dorénavant l’individualisation du traitement antithrombotique par les scores DAPT et PRECISE-DAPT. Le monitorage plaquettaire peut rester utile dans certains groupes de patients bien ciblés, essentiellement ceux présentant un haut risque hémorragique (analyse complémentaire en cours) ou une hyperréactivité plaquettaire acquise (infection VIH9).

FIGURE CLÉ

RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
Sibbing D, et al. Guided de-escalation of antiplatelet treatment in patients with acute coronary syndrome undergoing percutaneous coronary intervention (TROPICAL-ACS): a randomised, open-label, multicentre trial. Lancet. 2017 Aug 25. pii: S0140-6736(17)32155-4. doi: 10.1016/S0140-6736(17)32155-4.
Les autres références bibliographiques sont disponible en ligne sur le site du CCF : http://blog-du-gcf.fr

Article paru dans la revue “ Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF n°02

Publié le 1653281784000