Journal d’HIROSHIMA : du Dr Michihiko HACHIYA

Publié le 31 May 2022 à 10:40

 

Il s’agit du témoignage quotidien du 6 août au 30 septembre 1945 d’un confrère médecin hospitalier, directeur de l’hôpital du service des communications d’Hiroshima. Le 6 août 1945, par une belle journée, en un éclair cet homme perd tout (sauf l’essentiel) : sa maison, ses biens, ses habits (il se retrouve dénudé par le souffle), blessé dans sa chair et quelques jours plus tard son pays va même capituler. Blessés mais survivants, avec son épouse ils vont rejoindre immédiatement son hôpital, bâtiment en béton dont il ne reste que les murs et les plafonds. Il y retrouve des amis et collègues survivants, qui vont le soigner et certains mourir par la suite du mal des rayons. Dans cet univers de dénuement et complètement ravagé, avec un afflux quotidien de blessés et de mourants, il va faire son métier de médecin (consolateur) et avec ses collègues, avec peu de moyens, faire les premières descriptions du mal des rayons. Ce témoignage pudique et élégant est édifiant pour plusieurs raisons.

Tout d’abord il illustre que lorsqu’on pense avoir tout perdu, l’essentiel se résume aux 5 éléments d’Aristote : l’air (oxygène), l’eau (potable), la terre (oui, les spaghettis ne poussent pas dans les rayons du supermarché !), le feu (ne pas avoir froid, cuire ses aliments, voir dans la nuit...) et le 5e élément « l’éther », à savoir la connexion universelle, entre les êtres, le sens, la cohérence, l’amitié, l’intelligence culturelle et collective. 

Ensuite que les deux éléments constitutifs et irréductibles qui font un hôpital sont : 1/ SES MURS, son toit, l’abri, le havre d’hospitalité = le lieu avec une architecture visible et 2/ SON PERSONNEL (pas impersonnel ni interchangeable), les médecins et tous ceux qui pourvoient aux 5 éléments = les gens avec leur architecture invisible. Non pas les ressources humaines mais les RICHESSES humaines !!!

La technique ne vient qu’après : par exemple un microscope en état de marche récupéré qui va être utile à la description nosologique du mal des rayons, par le comptage des leucocytes, puis des plaquettes. 

Enfin le dernier enseignement est qu’une bombe atomique ne peut finalement pas détruire une humanité (intelligence culturelle et collective) comme ça. En revanche l’humanité peut se détruire de façon beaucoup plus cynique et sournoise. En cela le témoignage de Primo Levi avec Si c’est un homme, est beaucoup plus inquiétant sur les capacités de déshumanisation liées au cynisme des organisations. Je vous souhaite une bonne lecture.

Une bombe atomique ne peut finalement pas détruire une humanité (intelligence culturelle et collective) comme ça. En revanche l’humanité peut se détruire de façon beaucoup plus cynique et sournoise.

Dr Eric OZIOL
Interniste

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH18

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