interview PSYLAB

Publié le 25 May 2022 à 13:41


Crée en Juin 2014 par 2 psychiatres, les Dr DEBIEN et MARCAGGI, le psylab est une chaîne YouTube qui ne cesse de se développer.
Nous sommes allés à la rencontre d’un des deux protagonistes de cet innovant projet, le Dr DEBIEN

AF : Bonjour Dr DEBIEN, vous êtes chef de service d’une unité ouverte de psychiatrie adulte au CHU de Lille, et créateur du Psylab, pourriez-vous nous expliquer ce que c’est ?
CD : C’est une chaîne YouTube née en juin 2014, et qui consiste en 4 émissions :
• Fovéa : un film suivi d’un éclairage psychiatrique.
• Psychoptik : on part d’un concept, et on l’illustre d’un film, d’une série, ou d’un jeu vidéo.
• Psy-story : qui parle de petites et grandes histoires de la psychiatrie.
• Psychée : pour répondre aux internautes

AF : Comment est né le Psylab ?
CD : C’est né de plusieurs choses, d’abord d’une volonté personnelle, que j’avais depuis longtemps, de faire de la vulgarisation autour de notre spécialité. En effet, un des problèmes de notre spécialité est l’accès aux soins, dû au fait, entre autres, que les gens ont peur de nous.
Puis, je suis parti en Martinique où j’ai retrouvé un de mes anciens externes, Geoffrey MARCAGGI, qui a 15 ans de moins que moi et qui avait la même envie. Nous aimions tous les deux le lien entre la psychiatrie et le cinéma. On s’est demandé ce que l‘on pourrait faire et Joffrey a proposé d’aller sur YouTube.

AF : Pourriez-vous nous parler des différentes étapes par lesquelles vous êtes passés, depuis la création de la chaîne ?
CD : Au début, nous avons travaillé sur des liens américains, cherché des œuvres cinématographiques qui illustraient des représentations de la santé mentale, et décidé de les utiliser comme support de cours. Nous avons appris à tourner des scènes, à travailler la lumière, le son, le jeu d’acteur, faire le générique. Bref, nous avons tout fait nous-mêmes.
On a commencé par la vidéo sur le psychotraumatisme vu que c’était ce que l’on connaissait le mieux, et par l’analyse du film « valse avec Bachir ».
Puis, on a fait 3 autres émissions : l’une portant sur la clinique du psychotrauma, l’autre sur les traitements, et une dernière sur l’interview du Professeur CROCQ.
Et cela s’est développé petit à petit.
Actuellement on a :
• La chaîne YouTube, qui compte 29000 abonnés, et 4000 commentaires, reflet de la dimension sociale de l’activité. https://www.youtube.com/user/lepsylab
• Un site web http://lepsylab.com
• Une page facebook https://www.facebook.com/lepsylab1
• Une page twitter : https://www.twitter.com/lepsylab

AF : A l’origine, à qui était destinée cette chaîne ? Et est-ce que cela a évolué depuis ?
CD : A la base, on voulait le faire pour les internes de psychiatrie et puis on s’est aperçu que cela attirait plutôt des étudiants en psychologie, puis le grand public. Cela nous permet de toucher une population qui n’est pas atteinte par les campagnes de sensibilisation habituelles.

AF : Avez-vous dû adapter le contenu afin d’atteindre le grand public ?
CD : Non.
On fait nos vidéos au feeling, et uniquement sur des thèmes qu’on a envie de traiter.
On le fait par plaisir, chaque vidéo représente quand même 20 à 40 heures de travail. Et, il faut aussi que cela soit compatible avec nos vies respectives.

AF : Quels sont les thèmes sur lesquels vous avez déjà travaillé ?
CD : On a fait environ une trentaine de vidéos sur :
• L’effet placebo
• La schizophrénie
• Le PTSD
• L’histoire de la psychiatrie
• La psychologie sociale
• Les neurosciences
• Les hallucinations
• Le suicide
• L’hypnose
• …

AF : Quels sont les retours que vous avez eu jusqu’à maintenant ?
CD : Sur le plan professionnel, on s’inquiétait de savoir comment se serait pris par nos pairs, vu qu’on fait de la vulgarisation. Nous avons reçu de nombreux retours positifs.
Un lien vers la chaîne du psy-lab a été mis sur le site du CNUP, on a fait un poster pour le CFP, et on est intervenu lors du congrès du GEPS, en Janvier 2016.

En ce qui concerne le grand public, on se retrouve face à des ados et des jeunes adultes principalement, qui ont une exigence importante vis-à-vis de la qualité du montage, et des techniques de réalisation. Mais ce qu’on a proposé a plu.

Ceci dit, je me demande toujours si cela a plu parce que l’on est psychiatre et donc il y a un respect qui se met en place, ou parce que je suis vieux. Oui, je suis le plus vieux des youtubers français, le papa d’internet a 46 ans, moi j’en ai 47 ans, je fais partie des papys !

Par rapport aux patients et aux associations de patients, on a aussi eu des retours très positifs, notamment sur la vidéo sur la schizophrénie.
Dans cette vidéo, j’incarne la maladie, je suis allé jusqu’au bout…
Dans les commentaires, les patients étaient plutôt contents, et disaient que cela aiderait sûrement les gens à comprendre ce qu’ils vivent

AF : Quels sont vos financements ?
CD : Au niveau personnel, on a dépensé chacun 5000 euros pour l’achat de matériel : appareil photo, camera, lumières, micros, logiciels, ordinateur,…
Maintenant, on voudrait éliminer complètement la publicité, et pour cela on fait appel à des soutiens financiers sur TIPEE. Pour l’instant, on a environ 30 tippers, on gagne 100 euros/mois qu’on réinvestit dans la chaîne YouTube.

AF : Est-ce que vous avez entendu parler de projets similaires à l’étranger, et sinon comptez-vous développer le concept à l’extérieur de nos frontières ?
CD : En fait, des gens qui font ce que l’on fait, il n’y en a pas, même à l’étranger.
Les grandes universités anglaises, québécoises, et américaines proposent des choses très sérieuses. Nous sommes les seuls à mélanger le coté sérieux des connaissances, au coté fun de la présentation. On aimerait bien traduire, ou plutôt mettre des sous-titres anglais pour se développer.

AF : Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
CD : On compte déjà le faire vivre, ce qui n’est pas évident avec nos différentes obligations professionnelles et personnelles, puis l’étendre, gagner encore plus d’abonnés, et peut-être donner envie à de jeunes psychiatres de prendre le relai, parce que jusqu’à présent, on est quasiment les seuls.

Propos recueillis par Audrey FONTAINE

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°16

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