Interview : NICOLAS PINSAULT

Publié le 27 May 2022 à 14:07

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Bonjour !
Pouvez-vous vous présenter s'il vous plaît ?
Bonjour,
Je suis Nicolas Pinsault, kinésithérapeute de formation et enseignant chercheur à la faculté de médecine de Grenoble.

Quel est votre parcours de formation en tant que chercheur ?
Je suis un pur produit universitaire Kiné ! Je suis rentré via une première année universitaire en kinésithérapie en 2002. J'ai ensuite réalisé ma formation au sein de l'IFMK de Grenoble avec un double cursus en recherche. J'ai enchaîné sur un DEA (équivalent d'un Master 2) puis un doctorat en Neuroscience et un post-doc. Et, enfin, une habilitation à diriger des recherches !
Je suis actuellement maître de conférence universitaire depuis 2015, au sein de l'UFR de médecine de Grenoble et directeur du département de kinésithérapie de ce même UFR,
Le modèle de l'IFMK à l'époque était un IUP (Institut Universitaire Professionnalisant) duquel on sortait avec une maîtrise (ancien master 1).

Avez-vous encore une activité clinique aujourd'hui ?
Non.
J'ai travaillé en hôpital jusqu'en 2006 puis j'ai arrêté pour ma thèse. J'ai ensuite eu un cabinet libéral de 2013 à 2015.

Mais on vous connaît aussi d'autres activités, notamment ordinales, pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, j'ai aussi une activité ordinale. Je suis élu au Conseil National de l'Ordre des Masso- Kinésithérapeutes, dans lequel j'occupe plusieurs fonctions ; entre autres, celle du président du conseil scientifique.

Quels sont pour vous les pays les plus à la pointe en termes de recherche en physiothérapie ?
On va retrouver les USA, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande...
Mais il faut regarder dans quelle discipline ils sont précurseurs ! Il y a des champs qui n'ont été que très peu explorés en recherche !

Quelle place donneriez-vous à la France dans la recherche internationale ?
La France n'a pas à rougir de sa place historique en recherche.
Nous avons eu des précurseurs comme Éric Plas par exemple. Mais à cette époque, la recherche n'était pas internationalisée...
Le problème par la suite a été que les décisions politiques françaises n'ont pas suivies... et la kinésithérapie n'a pas su trouver sa place dans la recherche scientifique française !

Que pouvez-vous nous dire de ces précurseurs ? Qui sont-ils et quel a été leur parcours ?
Combien a-t-on de chercheurs en France actuellement ?
C'est très compliqué de le savoir ! Mais il y a environ 130 kinésithérapeutes qui ont soutenu une thèse donc ayant validé un doctorat.
Au niveau des enseignants chercheurs, il y a environ 8 Maîtres de Conférences Universitaires (MCU) et 3 Professeurs Universitaires (PU). Sur ces enseignants chercheurs, 6 possèdent une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR). Sur tout cet ensemble, seulement 2 travaillent en IFMK

La réforme a-t-elle apporté un changement de paradigme en kinésithérapie selon vous ? D'un paradigme de technicien à celui d'ingénieur ?
Ce changement de paradigme ne s'est pas fait uniquement grâce à la réforme : il a commencé dans les années 2000 avec l'apparition du BDK (Bilan de kinésithérapie - ndir) et la fin des prescriptions qualitatives et quantitatives.

La réformes a vraiment apporté une possibilité d'adaptation tout au long de la vie !
En IFMK on ne veut pas faire de vous des bons kiné en 2019, mais de bons kinésithérapie de 2020 à 2050 !
C'est bien à ça que la formation à la recherche, par la recherche est destinée ! Il n'y a pas de volonté à ce que tout te monde fasse un doctorat.

Pouvez-vous nous parler de la formation à Grenoble et de ce que la réforme y a changé ?
Cela n'a pas changé grand-chose car notre modèle avait été en partie utilisé pour la construction du référentiel de 2015. Nos professeurs ont tous un master et sont donc formés à la recherche, ce qui a été beaucoup plus simple pour appréhender le nouveau texte !

Pourquoi et comment l'IFMK de Grenoble se démarque-t-il des autres IFMK vis-à-vis de ta recherche ?
Il n'est pas vraiment question de se démarquer... Les étudiants grenoblois ont la possibilité de s'inscrire en double cursus à l'université de Grenoble dans un master Ingénierie de ta Santé. Plus de la moitié prennent cette option qui était même obligatoire jusqu'en 2015 ! Cela découle d'une véritable volonté de diplôme universitaire des étudiants associé à leur diplôme d'état en kinésithérapie.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples d'anciens élèves ayant poursuivi leurs études par de la recherche ?
Bien sûr ! Il y a Albin Guillaud qui est un très bon exemple ! Je suis moi aussi issu de cette voie de formation associée à l'université !

Parlons maintenant du futur de la recherche en kinésithérapie tel que vous le voyez.
Le modèle français s'oriente de plus en plus vers un modèle anglo- saxon, comment percevez- vous cette évolution ?
La recherche en général tend à s'orienter selon un modèle anglo-saxon. Je trouve ce modèle très périlleux pour la recherche car il fonctionne exclusivement selon des appels à projet, ce qui a pour conséquence d'empêcher les recherches théoriques, conceptuelles ou de modèles dont nous avons cruellement besoin.
Il y a un réel besoin de diplomation des étudiants, ne serait-ce que pour l'international. Tout ça prend ses racines dans le processus de Bologne. Mais, cela ne concerne aussi la vie étudiante et la gouvernance.
N'oublions pas que l'université est faite pour ça : obtenir des diplômes !
Après, faut-il un DNM ou bien un autre diplôme ? C'est une autre question. Du moment que la formation est reconnue !
Il faut se demander à quoi sert le diplôme !
Mais il est absolument nécessaire que la formation soit reconnue d'une autre manière qu'un simple diplôme d'état délivré par un autre ministère que celui de l'enseignement supérieur.

Pour finir, que vous évoque la création prochaine de la section « rééducation - réadaptation » du conseil national des universités ?
Il y a une volonté qui est à saluer de sanctuariser la recherche dans cette thématique pour laquelle il y a un manque actuellement, et c'est une bonne chose.
Un gros avantage est que maintenant les kinésithérapeutes pourront être qualifiés dans une section leur correspondant, ce qui n'était pas le cas !

C'est ainsi que ce termine cet échange ! Merci beaucoup et bonne journée I

Bonne journée également !

Article paru dans la revue “Le Journal des Étudiants Kinés” / BDK n°50

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