Interview : L’hypnose

Publié le 13 May 2022 à 13:11


Loin du spectacle et de la magie : l’hypnose thérapeutique „

Franck Rolland est interne en 2e semestre de médecine générale. Il a suivi une formation en hypnose notamment conversationnelle qu’il pratique au quotidien auprès de ses patients.

H.- Pourquoi vous former à l’hypnose ?
Franck Rolland.- J’avais une appétence pour la dimension psychologique de la médecine alors qu’elle est peu prise en compte pendant les études. J’ai assisté à une conférence de Stéphane Radoykov, interne en psychiatrie, sur l’hypnose en médecine et j’ai suivi le premier cycle de formation de l’association Hypnocrate.

En quoi l’hypnose peut-elle être utile dans la pratique médicale ?
F.R.- L’hypnose vient surtout réinvestir notre attention à la relation de soin, dans le soucis d’améliorer notre pratique face à chaque patient que nous rencontrons. Elle peut aider à la prise en charge de la douleur aiguë ou chronique, à diminuer l’angoisse et le stress lié à un examen ou lors d’une anesthésie par exemple. Quand vous être face à un patient, focalisé sur sa douleur et en situation de stress, vous adaptez votre posture et votre langage pour qu’il dirige son attention vers des éléments beaucoup plus confortables, voire agréables. Vous allez alors l’amener à trouver les ressources qu’il a en lui-même pour mieux gérer sa douleur.

LE DU HYPNOSE
Le DU Hypnose est proposé par la plupart des facs de médecine. Comptez, a minima, une centaine d’heures de formation qui aborde, entre autres, les aspects anthropologiques des états modifiés de conscience, la rhétorique hypnotique et la communication thérapeutique, la catalepsie et la lévitation, l’hypnose et la douleur, les questions déontologiques et le droit.

Pouvez-vous nous donner un cas concret ?
F.R.- Je me souviens d’une patiente qui avait une pathologie endocrinienne, résistante à la plupart des antalgiques et qui souffrait d’une hernie discale. On ne pouvait pas l’opérer. L’équipe soignante était en position d’impuissance face à sa souffrance. Je lui ai proposé une séance d’hypnose. Elle a accepté et on a travaillé ensemble. Les douleurs étaient toujours présentes – l’hypnose ne fait pas de miracles - mais elles lui étaient supportables. Je suis revenu plusieurs fois vers elle et je lui ai montré comment s’approprier les techniques simples de l’hypnose pour qu’elle puisse, elle-même, soulager la douleur.

Tout le monde est-il réceptif ?
F.R.- Oui, l’hypnose peut se pratiquer avec tout le monde. Les enfants sont particulièrement sensibles, je l’ai déjà expérimenté lors de la vaccination où certains éclatent de rire au moment de l’acte vaccinal ! Cette fausse idée d’être « réceptif » ou non est véhiculée par les spectacles d’hypnose qui font beaucoup de tort en termes d’image et de sérieux associant l’hypnose à la manipulation de la personne pour la contraindre à réaliser des actes ridicules ou contre sa volonté. L’état d’hypnose est une activation de la conscience, dans un mode un peu particulier. C’est un peu comme lorsqu’on est absorbé dans un film ou une lecture et que l’on n’entend pas que quelqu’un nous appelle. En médecine, l’hypnose relève d’une interrogation éthique au coeur de la relation de soin. On demande, par exemple, systématiquement l’accord du patient. Il y a d’ailleurs tout un module lié à la déontologie et au droit de la pratique de l’hypnose dans le DU (lire encadré).

Quel regard porte les autres soignants sur votre pratique ?
F.R.- Ils sont en général curieux, certains sont réticents, d’autres me demandent si l’hypnose peut leur faire perdre du poids ou les aider à arrêter de fumer. Le changement de regard sur l’hypnose passe par le dialogue, la modestie et la déconstruction des idées reçues. Donc par un usage éthique !

Propos recueillis par Vanessa Pageot
Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°23

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