Interview : François HOMMERILL, Président de la CFE-CGC

Publié le 30 May 2022 à 13:48


En quoi, selon vous, la réforme des retraites pénalise-t-elle les cadres ?

Mon principal point d’inquiétude porte sur la prise en compte de l’ensemble de la carrière, au lieu des 25 meilleures années dans le privé. Alors que le rapport du hautcommissaire Jean-Paul Delevoye préconisait d’abandonner cette idée, Emmanuel Macron a indiqué sa préférence pour un âge de départ dépendant d’une durée de cotisation. Ce paramètre est pénalisant pour l’ensemble de la population, puisque l’âge moyen d’entrée dans le travail aujourd’hui est de 22 ans, et que si l’on y ajoute 43 années de cotisation, on atteint déjà la retraite à 65 ans. Pour les cadres, qui entrent dans le monde du travail bien au-delà de 22 ans, et qui se situent entre 23 et 25 ans, la cotisation est plus longue, jusqu’à 68 ans. Ce système pénalise ceux qui ont eu des carrières ascendantes, avec un salaire de fin très éloigné de celui du début : leur salaire de référence va être tiré vers le bas par la prise en compte des débuts de carrière.

La population des cadres est très disparate. Elle comprend des personnes qui ont fait des carrières modestes, mais avec des responsabilités importantes ; d’autres qui ont eu des carrières heurtées ; et d’autres qui ont eu des carrières plus valorisées. Mais dans le projet de réforme, des incertitudes nous laissent très inquiets sur la stabilité du niveau de remplacement des pensions, par rapport au dernier salaire d’activité, et donc de sa diminution.

« Les cadres sont en permanence les dindons de la farce. On leur demande de payer, et ils ont de moins en moins de droits. »

Ce système met donc en péril la population des cadres qui va être constituée dans les 40 ans à venir en majorité de personnes qui auront réalisé 5 années d’études supérieures minimum. Ils travailleront de plus en plus longtemps… avec des conséquences sur leur santé, puisque le stress et la fatigue au travail ne font qu’augmenter de nos jours. L’espérance de vie en bonne santé ne cesse de reculer, le taux d’arrêt maladie des plus de 50 ans s’accroît de façon exponentielle : on nage en plein paradoxe.

La future dégressivité des allocations chômages risque aussi d’impacter les cadres… Sont-ils donc les grands perdants des réformes sociales ?

Les cadres sont de plus en plus sollicités financièrement, à travers leurs contributions et cotisations diverses, ainsi qu’à travers leurs impôts directs, qui ont quasiment doublé entre 2012 et 2017. Ils sont sollicités en permanence, et on les exclut de plus en plus – à travers la réforme des dispositifs qu’ils ont contribué à créer, et qu’ils financent.

Concernant l’Assurance Chômage, il s’agit d’une mesure honteuse, scandaleuse. Les chiffres sont connus : 42 % des ressources du régime sont assurées par des contributions assises sur les salaires des cadres, 15 % des dépenses d’allocations vont au domaine public, et 27 % des ressources vont à la solidarité intercatégorielle. On prend donc une mesure contre ceux qui financent le plus, de façon excédentaire, le régime d’Assurance Chômage.

Les cadres sont en permanence les dindons de la farce. On leur demande de payer, et ils ont de moins en moins de droits. Cela se passe à tous les niveaux de la société : il faut payer la cantine ou encore la carte de bus des enfants plein pot car vous avez un revenu au niveau du plafond de la Sécurité sociale… Vous êtes exclus de tout, et cela génère un gros sentiment de fatigue et de démotivation. Quand un pays (tout comme une entreprise) n’aime plus ses cadres, et les considère uniquement comme des personnes qui sont là pour payer sans cesse sans jamais rien recevoir, il en va de la cohésion même de la société.

Le statut cadre risque-t-il d’être menacé par ces deux réformes à venir ?
Selon un sondage Ifop / Cadremploi, 38 % des cadres estiment que le gouvernement souhaite à terme le supprimer. Mais le statut cadre ne veut déjà plus dire grand-chose aujourd’hui : il s’agit juste d’une classification particulière suivant l’entreprise dans laquelle on travaille (et donc un niveau de base de rémunération) … et la possibilité pour les employeurs de les faire travailler sans limites horaires et sans paiement des heures supplémentaires. Sur ce plan, il ne s’agit donc pas forcément d’un statut très positif, ni valorisant.

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°61

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