Le Dr Tanguy MARQUESTE est enseignant-chercheur à l'Institut des Sciences du Mouvement UMR-CNRS 7287, dans l'équipe « DynamiCC », et il est responsable depuis 2011 du master Activité Physique Adaptée et Santé (APA-S) à l'Université d'Aix-Marseille.
L'AJMERAMA l'a interviewé pour avoir son avis sur l'évolution de l'APA-S en France et pour qu'il nous présente une (petite) partie de ses nombreux travaux.
Vous travaillez actuellement sur les transplantations de tissus adipeux chez les rats blessés médullaires. J'ai trouvé vos articles très intéressants1, 2. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Avec mon équipe, nous effectuons actuellement des études précliniques sur un modèle de traumatisme médullaire murin traité en aigu par des injections de tissu adipeux, ou de fraction vasculaire stromale purifiée à partir de ce tissu. Les cellules sont appliquées directement au contact de la lésion. Cette fraction stromale est composée d'un cocktail de cellules libérant des cytokines aux effets trophiques, pro-angiogéniques et immunomodulateurs. Le tissu adipeux est prélevé au niveau de la graisse abdominale.
Suite à un traumatisme médullaire il se produit un processus inflammatoire et des cavités kystiques autour de la lésion. Le but de ces travaux était de montrer l'efficacité thérapeutique de cette fraction stromale sur la récupération sensorielle et motrice des rats sur lesquels nous avions réalisés une lésion médullaire T10.
Dans l'étude de Bonnet et al., 2024, nous avions fait trois groupes : un groupe ne recevant aucun traitement ni lésion médullaire, un groupe recevant une injection de NaCl et un groupe recevant du tissu adipeux après traumatisme. Nous avons pu montrer que, par rapport aux animaux groupes contrôle, les injections de tissu adipeux 3 à 4 heures après la lésion, permettaient une meilleure récupération comportementale chez le rat, on retrouvait aussi une diminution de l'inflammation (interleukine-6 et TNF-α). Dans l'étude Ertlen et al, 2024, l'utilisation de fraction stromale permet de restaurer la boucle sensorimotrice segmentaire et la communication supra- et sous- lésionnelle après une contusion traumatique.
Avec des cliniciens, nous sommes en train d'effectuer des travaux similaires sur le porcelet pour se rapprocher de l'Homme et pouvoir envisager ensuite ce traitement dans la phase aiguë lors de la prise en charge des lésions médullaires.
En plus d'être chercheur, vous dirigez le master d'Activité Physique Adaptée à la Santé (APA-S). Quelle est d'après vous l'évolution de l'Activité Physique Adaptée en France jusqu'à présent, quelle est sa place actuellement et ses perspectives d'avenir ?
C'est une longue histoire qui a maintenant plus d'une trentaine d'années. Les premiers enseignants en APA-S ont été formés à Montpellier et Dijon dans les années 1980. Par la suite, la formation des APA-S s'est déployée dans toute la France, notamment à Marseille à partir de 2008. Cette même année, l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) a publié une expertise collective intitulée « Activité physique. Contextes et effets sur la santé », suivie en 2019 par une seconde expertise « Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques », insistant sur son importance en termes de santé publique. Cela a permis une mise en avant du métier d'enseignant en APA en appuyant notamment sur la promotion de la dimension préventive et thérapeutique de l'activité physique. Un des tournants a également été la mise en œuvre du plan « Sport, Santé, Bien-être » élaboré en décembre 2012 instituant l'activité physique comme une thérapeutique non médicamenteuse, suivie 5 ans après par des lois, décrets et circulaires interministériels donnant un cadre à la prescription et la dispensation de l'activité physique dans différents contextes selon les limitations des patients. Notamment dans le cadre d'une ALD, la prescription d'une activité physique adaptée à la pathologie par le médecin se fait en fonction des capacités physiques, des objectifs, et du risque/bénéfice pour le patient.
Des fiches métiers d'Enseignants en Activité Physique Adaptée (EAPA) et de Coordinateurs APA, créées en 2022, ont permis à ces professionnels d'avoir une existence officielle au sein de la fonction publique hospitalière.
Les Maisons Sport-Santé ont été labellisées à partir de 2020. Elles ont pour but d'accompagner et conseiller les médecins dans l'orientation des patients, ainsi que les personnes souhaitant pratiquer une activité physique et sportive à des fins de santé bien-être quel que soit leur âge. Les EAPAs, vous vous en doutez, y jouent un rôle majeur au sein d'équipes pluriprofessionnelles. Une des perspectives d'avenir serait de développer un meilleur lien entre les structures SMR et les Maisons Sport-Santé lors de la sortie d'hospitalisation des patients. Il serait intéressant de développer des structures passerelles pour pallier ce manque et assurer un suivi et un relai dans le parcours du patient entre les différentes structures.
Un autre point non négligeable concerne le remboursement des séances d'APA. Depuis une douzaine d'années, des mutuelles les prennent en partie en charge et les ARS financent des dispositifs pour orienter les patients avec ALD vers ces circuits. Enfin, et de façon plus générale, une des préoccupations de ces prochaines années sera de garantir la confidentialité des données de santé notamment lors des échanges entre EAPA-médecin dans le suivi des patients lors de ces prises en charge en APA.
Avec un cursus APA-S, au-delà du contexte sanitaire, les débouchés s'orientent également vers des métiers dans les secteurs médico-social, social, scolaire, vers la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que dans les entreprises, et évidemment dans le mouvement sportif en clubs ou dans le secteur marchand du sport.
Quelles sont les actions menées par vos étudiants ? À quels événements vos étudiants ont-ils pu participer notamment avec les Maisons Sport-Santé ?
Depuis 2019, les étudiants en Master APA-S participent à la création des réseaux et des Maisons Sport-Santé dans lesquelles ils ont été embauchés par la suite. Cette année, les étudiants d'Aix-Marseille ont pu animer une journée sur la thématique de l'APA du Futur en invitant de nombreux praticiens ainsi que des représentants politiques.
La semaine olympique et paralympique s'est déroulée à Marseille début avril et ces étudiants ont pu travailler avec la Mairie et les Comités Olympiques et Paralympiques pour participer au bon déroulement de cette semaine, contribuant à la promotion du sport-santé pour tous.
Pour vous, quel pourrait être l'héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques premièrement pour Marseille et pour la France, deuxièmement pour l'Activité Physique Adaptée à la Santé et troisièmement pour la MPR ?
Les Jeux Olympiques ne sont pas seulement un événement sportif de renommée mondiale, mais aussi une opportunité de transformer et d'améliorer les infrastructures urbaines, tout en laissant un impact durable sur la société. En France, l'organisation des JO a ouvert la voie à d'importantes initiatives architecturales et sociales.
D'un point de vue architectural, les Jeux Olympiques ont permis la réhabilitation de la base nautique à Marseille, la création de villages des jeux en SeineSaint-Denis et de sites démontables dans des endroits emblématiques de Paris tels que le Trocadéro, la Concorde et l'Hôtel de Ville. Ces projets ont non seulement modernisé des infrastructures existantes, en laissant un héritage durable pour les générations futures pour certaines, et pour d'autres auront un impact quasi nul sur l'environnement.
Sur le plan social, les Jeux Olympiques ont eu un impact significatif dans le milieu scolaire en France. Le ministère, les rectorats et les écoles ont manifesté un vif intérêt pour les Jeux, incitant presque chaque classe à relever son propre "défi olympique de l'année". Cette mobilisation a contribué à sensibiliser les jeunes à l'importance de l'activité physique et à promouvoir un mode de vie plus actif.
La France, classée parmi les pays les plus sédentaires au monde, a vu dans les Jeux Olympiques de Paris 2024 une occasion de promouvoir la santé et le bien-être à travers l'éducation physique. Une volonté politique claire s'est dessinée ces dernières années pour lutter contre la sédentarité, en s'inspirant notamment du concept nord-américain de "littératie en santé". Il s'agit d'encourager les individus à acquérir les connaissances nécessaires pour prendre des décisions éclairées concernant leur santé.
Dans le domaine de l'éducation physique, la littératie physique a émergé comme un objectif dans les écoles, visant à développer les compétences et connaissances en matière d'activité physique chez les jeunes.
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 mettent également en lumière le Para-Sport, en ouvrant les portes aux pratiquants ayant des handicaps mentaux et psychiques, élargissant ainsi la vision traditionnelle des Jeux Paralympiques axés sur les handicaps sensoriels et moteurs.
Cette ouverture vers des profils plus larges des pratiquants avait débuté significativement à partir des Jeux de Londres en 2012.
En conclusion, les Jeux Olympiques de Paris 2024 vont bien au-delà de la simple compétition sportive. Ils laisseront indéniablement un héritage social et éducatif qui contribuera à façonner un avenir plus actif, inclusif et en meilleure santé pour la société française.
Je souhaite remercier le Dr Tanguy MARQUESTE pour sa très chaleureuse et enrichissante participation.
Bibliographie
1. Bonnet M, Ertlen C, Seblani M, Brezun JM, Coyle T, Cereda C, et al. Activated Human Adipose Tissue Transplantation Promotes Sensorimotor Recovery after Acute Spinal Cord Contusion in Rats. Cells. 17 janv 2024;13(2):182.
2. Ertlen C, Seblani M, Bonnet M, Brezun JM, Coyle T, Sabatier F, et al. Efficacy of the immediate adipose-derived stromal vascular fraction autograft on functional sensorimotor recovery after spinal cord contusion in rats. Stem Cell Res Ther. 2 févr 2024;15:29.
Dr Camille NOËL