Interview du Dr Sebastien NOVELLAS

Publié le 16 May 2022 à 11:23

Docteur Novellas, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Sébastien Novellas : Bonjour j’ai 43 ans, je suis radiologue diagnosticien et interventionnel spécialisé en pathologie viscérale et oncologique. J'ai effectué mon externat à Montpellier, puis mon internat à Nice et mon clinicat dans le service du Pr Chevallier à l'hôpital l'Archet. J'ai rempli la fonction de praticien titulaire durant 3 ans puis, en 2009, j’ai saisi l'opportunité de développer les techniques et prises en charge interventionnelles qui me tiennent à coeur en milieu libéral, dans une structure à but non lucratif.

Depuis 18 mois j’ai repris la co-gestion de mon groupement de radiologues libéraux qui s'est étoffé grâce à un processus de fusion. Nous sommes 24 radiologues au sein du groupe « Riviera Imagerie », travaillant sur deux cliniques, 6 GIE, 4 cabinets libéraux. Je participe activement à la gestion du groupe notamment par les relations avec les partenaires institutionnels mais aussi dans les démarches de recrutement de jeunes associés autour de projets médicaux pertinents. Nous faisons partie du groupe VIDI depuis 1 an dont nous partageons le projet médical et les valeurs. Plus de trente jeunes radiologues ont rejoint le réseau Vidi ces deux dernières années et nous avons à coeur de partager avec eux toutes les innovations.

Enfin, j'ai établi des relations de travail continues avec la direction de l’Institut Arnault Tzanck de Saint-Laurent-du-Var dont je suis le président de CME depuis 2017. Je participe là encore au bon développement des autres spécialités, en lien avec le projet médical de l'établissement.

Qu'est-ce qui vous motive à vous rendre au RSNA ? Qu’allez-vous y chercher ?
S. N. : Il est parfois difficile de trouver du temps pour participer aux très nombreux congrès passionnants qui jalonnent l'année dans notre spécialité. Je participe chaque année aux JFR, souvent au CIRSE ou à l'ECIO qui, en 2020, sera sur Nice, et enfin à l'ECR. Cela faisait 10 ans que je n'étais pas retourné à Chicago. Il était temps de se replonger dans cette grande « messe ». C’est une opportunité rare d'avoir à proximité tous les acteurs majeurs de notre spécialité, que ce soit sur le plan médical, technologique ou scientifique. J'ai pu rencontrer des collègues radiologues libéraux et échanger sur les meilleurs moyens de développer des activités de pointe avec les contraintes budgétaires connues notamment sur les procédures interventionnelles. J'ai visité les stands des grands constructeurs qui m'ont présenté leurs innovations. J'ai assisté et participé à quelques séances scientifiques de grande valeur.

Et enfin, parce qu’il n’y a pas que la radiologie dans la vie, je conseille à tous un passage à l'art institut de Chicago, une visite de gratteciel et un bon burger dans un club de jazz ou de blues.

L’IA est présente sur tous les stands, qu’estce que vous en attendez dans votre pratique quotidienne ?
S. N. : Le temps de se poser la question sur les éventuels bienfaits de l'IA est révolu. Elle fera et fait déjà partie de notre quotidien dans de nombreux outils que nous utilisons actuellement. Les radiologues doivent cependant rester les meilleurs garants de la qualité de ces outils à travers des validations scientifiques médicales de haut niveau. Il faut surtout démontrer, au-delà de la performance diagnostique pure et simple, que ces outils changent le devenir et le pronostic pour un patient, que ce soit en dépistage ou en pathologie déclarée. Je fais partie de ceux qui pensent que l'IA redonnera du temps médical au radiologue et imposera de facto de redéfinir la relation avec le patient vers plus de pertinence. Nous devons aller au-delà de l’image et savoir mieux, et plus souvent, proposer des conduites à tenir en lien avec nos correspondants habituels. Les patients sont demandeurs de cette multidisciplinarité qui se pratique dans la cohorte.

L'interventionnel, quel progrès la discipline laisse entrevoir ? Comment va-t-elle continuer de progresser ?
S. N. : La radiologie interventionnelle ne progressera pas seulement sur le plan des prouesses techniques des opérateurs. Nous devons dépasser ce stade de l'opérateur le plus souvent réputé doué, même si cela est valorisant, pour aller vers le stade de la prise en charge complète d'un patient. Du diagnostic à la thérapeutique en passant par les étapes d'hospitalisation et d'éventuelle gestion des complications. Dans cet objectif, il faut d’abord des radiologues bien formés et il faut rendre hommage pour cela aux Universitaires de notre spécialité qui ont organisé un cursus spécifique de radiologie interventionnelle, notamment les Pr Boyer et Bartoli pour ne citer qu’eux. Ensuite, il faut créer les outils de bloc opératoire, au sein d'établissement de santé demandeurs, pour que des équipes multidisciplinaires de radiologues interventionnels puissent exercer. Car, là encore, notre crédibilité passe par notre capacité à nous organiser, nous fédérer, au sein d'équipe de radiologues hyperspécialisés capables de réaliser une dilatation de fistule de dialyse, une cimentoplastie, un drainage biliaire ou une destruction de tumeur pulmonaire par exemple. C'est notre capacité à travailler en commun, à partager des plateaux techniques à plusieurs, à réaliser des visites quotidiennes de nos patients ou la PDS qui est questionnée. Enfin, cette organisation et cette prise en charge doit répondre à des critères de qualité impartiaux issus de notre spécialité et que l’on retrouve dans la démarche d'accréditation pilotée par le Pr Beregi.

Certains grand centres libéraux ont compris et entrepris ce chemin avec succès. Le Dr Bonnefoy à Narbonne, le Dr Aufort à Montpellier ou notre centre en sont de bons exemples. Nos centres inspirent aussi nos collègues hospitaliers car nous avons la chance d’avoir un dialogue de travail pertinent mais surtout efficace et pragmatique à travers le G4 ; appliquons les recettes qui marchent ! 

Avez-vous imaginé exercer hors de France à un moment de votre carrière et pour quelles raisons ? La France est-elle un « bon élève » en termes de radiologie ?
S. N. : Comme beaucoup de vrais Niçois d'origine, il m’est difficile d’envisager de quitter notre région longtemps et donc mon pays même si, après mon clinicat, j’ai été tenté de partir aux États-Unis dans un centre de radiologie interventionnelle oncologique. J'ai plutôt cherché à mettre en place localement toutes les bonnes idées que j'avais pu glaner en France dans mes formations à l’IGR, aux CHU de Marseille, de Clermont-Ferrand ou de Strasbourg, au centre Bergonié de Bordeaux ou en Europe, à Lisbonne, Barcelone ou Maastricht. Notre spécialité a la chance d'avoir des radiologues de premier plan avec un rayonnement international. J'ai constaté aussi l'énergie et la volonté des jeunes générations de développer leurs compétences dans le cadre de techniques innovantes malgré la contrainte économique forte de très faible valorisation de nos actes voire inexistante. J'ai récemment fait le constat que, depuis 15 ans, dont 10 en libéral, je pratique la destruction de tumeurs rénales, acte n’existant toujours pas dans la classification CCAM. Pourtant je suis fier d'avoir traité plus de 200 patients pendant cette période et de leur avoir proposé une technique innovante, faiblement invasive et efficace, malgré les combats qu'il a fallu mener face à certains de nos confrères peu ouverts, ou face à nos administrations qui ne savent ou ne veulent plus faire une étude médico-économique. La France est encore un pays où, quand on s'engage avec détermination, on peut réussir de véritables changements.

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°38

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