Pédiatrie générale du Centre Hospitalier de Cayenne depuis mars 2022. Réanimateur pédiatrique, il partage son temps entre les urgences et le SMUR pédiatriques, la réanimation néonatale et la pédiatrie générale.
Nous avons beaucoup de polytraumatismes car les enfants ont un autre tempérament ici.
Quelles furent vos premières impressions en arrivant à Cayenne ?
Dr J. B.- Je fus agréablement surpris par la gentillesse de la population. Ici, l'ambiance est plus chaleureuse. Je me souviens, lors de mon deuxième jour à l'hôpital, un collègue m'a fait remarquer que tout le monde se disait bonjour : les soignants, les patients, les médecins, le personnel administratif, y compris les personnes que l'on ne connaît pas. Cela compense le rythme de travail très intense.
Comment arrivez-vous à partager votre temps entre plusieurs services ?
Dr J. B.- Mon activité principale se concentre aux urgences pédiatriques, avec environ 60 consultations par jour, ainsi qu'au SMUR, qui fait partie intégrante de notre service. Nous assurons cette activité malgré le manque d'effectif aux urgences pédiatriques, ce qui rend la gestion plus complexe. Nous sommes très peu à être polyvalents, surtout en réanimation pédiatrique. Heureusement, nous formons une équipe soudée, ce qui facilite grandement notre travail au quotidien. Je peux aussi intervenir en réanimation néonatale et à l'unité des soins continus pédiatriques, en attendant l'ouverture d'une réanimation pédiatrique. Ce qui me frappe ici, c'est que les nouveau-nés réagissent différemment de ceux du bassin méditerranéen. À mon avis, ils sont génétiquement plus costauds et supportent mieux les incidents liés à la grossesse et à l'accouchement.
Quels sont les principaux motifs de consultation aux urgences pédiatriques ?
Dr J. B.- Comme dans toutes les urgences pédiatriques, nous voyons des motifs de consultation courants (fièvre, gène respiratoire, gastro-entérites…), en plus des infections liées à des maladies tropicales. Mais ici, nous avons aussi beaucoup de polytraumatismes parce que les enfants ont un autre tempérament. Certes, ils sont plus robustes, mais ils sont aussi plus libres et prennent plus de risques. Nous traitons souvent des chutes d'arbres, mais aussi des morsures de vipères, de scorpions ou de poissons tropicaux. En plus des maladies tropicales classiques, il y a les accidents de la voie publique (AVP). Ici, il y a une certaine "tolérance" : on voit des familles entières entassées sur un deux-roues, sans casques ni protection, même pour les plus petits.
À côté de cela, nous avons aussi quelques cas de plaies par armes blanches ou même par armes à feu, ainsi que des intoxications par stupéfiants. Cela montre que la zone est « chaude », avec un environnement de violence qui touche même les jeunes enfants.
Quels sont vos rapports avec vos patients et leurs parents ?
Dr J. B.- La relation que nous avons avec nos patients et leur famille est très particulière. Ici, les parents respectent énormément les soignants. Ils ont une confiance dans nos décisions et sont reconnaissants de notre travail. Les enfants, quant à eux, nous remercient souvent à travers leurs sourires. C'est une grande source de satisfaction, surtout après une journée de travail épuisante. Cela nous rappelle pourquoi nous faisons ce métier : pour soigner et aider.
Nous sommes également confrontés à une incroyable diversité culturelle. Nous avons des familles amérindiennes, créoles, brésiliennes, qui parfois pratiquent leurs rituels traditionnels au pied du lit de leur enfant. Cela peut être surprenant, mais cela fait aussi partie de la richesse de notre environnement de travail. Cette diversité est parfois difficile à gérer surtout en matière de communication, car nous devons communiquer avec plusieurs langues et dialectes : créole, portugais, et autres. Heureusement, plusieurs de nos infirmières peuvent jouer le rôle de traductrices, ce qui facilite beaucoup les échanges avec les familles.
Vous évoquez un « rythme intense » et des journées de travail « épuisantes ». Quelles sont vos conditions de travail ? Dr J. B.- L'équipe pédiatrique qui nous a précédés a fait un travail remarquable, et je tiens à les remercier pour cela, en particulier : notre ancien chef Pr Pujo, Dr Ben Ameur et Dr Morfin. Nous sommes une équipe soudée, et cette solidarité nous aide à faire face aux défis quotidiens. Cela dit, nous travaillons dans des conditions parfois difficiles. Le rythme de travail est effectivement intense, et il arrive que nous manquions de moyens. On entend toujours dire que l'hôpital de Cayenne est déficitaire, en partie, à cause des évacuations sanitaires mais pourquoi ne nous donne-t-on pas les moyens de soigner les patients sur place ? Nous avons besoin de ressources pour assurer la qualité des soins que nos patients méritent. Bien que nous soyons conscients des contraintes auxquelles l'hôpital fait face, il est essentiel de trouver des solutions pour améliorer notre capacité à soigner les enfants. Nous manquons de plateaux techniques, de spécialistes, de matériels. La forte natalité en Guyane signifie que nous rencontrons un nombre croissant de cas de malformations cardiaques, digestives, et de troubles neurologiques. De plus, il serait bénéfique de développer des activités de recherche clinique ici, surtout pour explorer les différences génétiques que j'ai mentionnées précédemment. Pour l'instant, il semble y avoir peu d'initiatives dans ce sens, mais j'espère qu'il y aura un engagement vers l'avenir surtout après le développement du programme d'un futur CHU.
Que diriez-vous aux internes qui souhaitent avoir une expérience au CH de Cayenne ?
Dr J. B.- Ce sera une expérience intense, nous sommes tous les temps sollicités mais c'est aussi très enrichissant. Ce sera aussi l'occasion de voyager, de découvrir d'autres cultures. Je n'ai pas eu le temps de faire du tourisme, de découvrir l'Amazonie ou la nature environnante mais beaucoup en parlent de manière positive.