Interview des parents

Publié le 09 May 2022 à 10:02


Vivre la maladie chronique
« Ça va le diabète, ils gèrent... depuis le temps » « C’est rentré dans leur quotidien maintenant » Qu’est-ce qu’une injection d’insuline après tout ? Encore une fois nous sommes à côté... Pour ce numéro, l’interview d’une maman d’un enfant diabétique de type I depuis 1 an. Après une première interview qui a bousculé nos conventions, nous abordons cette fois-ci, le vécu des parents dans la maladie chronique de leur enfant : Quelle représentation se font-ils de la maladie ? Comment vivent-ils au quotidien ? Quel rôle jouer ?

La Lettre de l’AJP : Tout d’abord présentez vous ?
Mme J. : Maman de Bilal, 10 ans maintenant, et maman de 4 enfants.

AJP : Avant la découverte du diabète de Bilal, en aviez-vous entendu parler ? Qu’est-ce que cela représentait ?
Mme J. : Oui, mais je ne connaissais qu’un type : Le diabète de type 2, on me parlait de mal bouffe. Je connaissais également le diabète de la femme enceinte.

Cela représentait quelqu’un qui s’alimente mal, trop de sucre, de sel, de gras. Et j’étais surprise de découvrir lors de son hospitalisation, les différents types dont le diabète de l’enfant.

AJP : A quoi est dû le diabète de type 1 ? Quel est le traitement ?
Mme J. : On m’a expliqué que c’était l’hormone, l’insuline qui était insuffisante au pancréas. L’insuline, il n’y a que ça comme traitement. Il faut bien apporter cette insuline, d’où les injections. Pas de médicaments, réservés pour le diabète de type 2. Je pense que j’ai bien appris mon cours, plus ou moins.

AJP : Quels étaient les signes initiaux ? Les connaissiez-vous ? Quelque chose vous a alerté ? Mme J. : Non, il a fallu du temps, que Bilal soit à la limite du coma. C’est vrai que je ne connaissais pas le type 1. Pour moi, il était fatigué et il perdait énormément de poids. Il suivait un régime, donc je pensais que cela venait de ça. Très fatigué, il buvait beaucoup, faisait beaucoup pipi. Et le signe qui m’a fait peur était qu’un matin sa bouche était complètement asséchée. J’ai été voir le médecin et voilà... C’est comme cela qu’on a appris le diabète de Bilal.

Je dirais qu’il n’y a pas assez d’information sur le diabète de type 1, il devrait y en avoir plus car cela va très vite. En l’espace d’un mois j’ai vu mon fils partir. Je ne m’en rendais pas compte mais il avait le diabète.

AJP : Comment s’est passé l’annonce diagnostic du diabète ?
Mme J. : Tout bascule. On a mal, on culpabilise : qu’est-ce qu’on a fait ? pas fait ? Pourquoi sur lui ? Il ne mérite pas cela. Tout de suite, j’ai pensé que je ne lui avais pas donné à manger correctement. Cela sera contraignant, surtout jeune comme il est. Les habitudes vont changer, il va falloir que toute notre famille change ses coutumes, sa façon de vivre. Sur le coup c’est un choc, tout s’effondre, on se dit que cela n’est pas possible.

AJP : Est-ce que vous considérez Bilal comme malade ?
Mme J. : Oui. Oui. Il est malade car il doit faire attention. C’est une maladie chronique, à petit feu.

AJP : Vous inquiétez-vous concernant sa maladie ?
Mme J. : Tous les jours je m’inquiète. Quand il a mal à la tête, quand il a mal au ventre, quand il est à l’école j’ai toujours peur qu’il soit trop bas et qu’il n’y ait personne. Quand on part en vacances, c’est pareil on est derrière lui, on le surveille et on ne le laisse pas aller. Et au long terme aussi. Je pense que c’est pendant toute la vie d’une maman que l’on s’inquiète. Est-ce qu’il va bien ? Est-ce que cela va bien se passer ? Etant petit, 10 ans, c’est déjà beaucoup de contraintes, et il en parle.

AJP : Est-ce que vous en parlez avec lui ?
Mme J. : Oui, parfois il craque. Il voudrait manger comme les autres, du sucre, un bonbon/ sucette, des chocolats, des pâtisseries. Je lui dis non et c’est vraiment une contrainte. On pallie autrement mais cela n’est jamais pareil. La contrainte aussi de se piquer : Bilal fait son dextro tout seul, je ne lui autorise pas pour le moment de se piquer seul : Il est trop petit, cela serait donner trop de responsabilité à un enfant de cet âge là. Il aura tout le temps, toute sa vie pour se piquer, je ne serai pas tout le temps là. Pour l’instant, si je peux le faire, je veux lui épargner cela. Déjà dans sa petite tête, cela cogite pas mal, si je lui demande de se piquer : non. Parfois il le fait, pour l’injection de 16h mais je suis là, je vérifie. Ou il me les prépare quand il est de bonne humeur. D’autres fois, il ne veut pas faire son injection de 16h quitte à ne pas prendre de féculent car il en a marre. Il y a des moments comme ça, des moments de faiblesse.

AJP : Donc c’est vous qui faites les injections d’insuline, comment le vivez-vous ? Vous utilisez le mot « piquer » justement ?
Mme J. : Au départ, je refusais de le piquer, je ne voulais pas accepter sa maladie. Je l’accepte maintenant mais parce qu’il faut faire avec. Je me rappellerai toujours qu’initialement à l’hôpital il était hors de question que je le pique. Puis en voyant sa détresse, son regard, son besoin de sa maman, préférant que ça soit moi plutôt que les infirmières... C’est parce qu’il m’a regardé plusieurs fois avec ce regard de supplication que j’ai commencé à piquer Bilal. Maintenant je le fais, c’est une contrainte, parfois je n’ai pas envie mais je le fais parce qu’il faut bien qu’il vive.

AJP : Comment s’est présenté la semaine d’apprentissage du diabète ?
Mme J. : J’ai eu beaucoup de mal, je n’acceptais pas sa maladie. C’est les 2 derniers jours seulement où j’ai compris plus ou moins comment gérer. Bilal a compris très vite, comme quoi un enfant a beaucoup à apprendre aux adultes. On devrait apprendre aux enfants avant d’apprendre aux adultes. C’est Bilal qui m’a appris, c’est lui qui me disait « Non maman tu te trompes ».

AJP : Il y a un temps d’acceptation du diabète aussi...
Mme J. : Ah ça, il n’y a pas de limite. J’ai dû prendre 4-5 mois avant de réaliser, d’accepter qu’il soit malade. Mais j’ai eu beaucoup de mal.

AJP : Comment s’est déroulé le retour à la maison, à la vie quotidienne ?
Mme J. : Ce n’était pas facile du tout, toujours la continuité de la non acceptation de la maladie, même si on avait tout organisé pour lui. D’ailleurs, j’ai appelé plusieurs fois le service car j’étais perdue. On est largué, on est face à la maladie et seul.

AJP : Dans la famille
Au niveau alimentaire : c’est une très bonne chose, on prend de très bonnes habitudes. Mais des fois, les autres veulent manger à l’extérieur des sandwichs, mais ce n’est pas possible. On le fait mais qu’une fois par mois. Notre vie a changé, on se calque par rapport à Bilal. On essaie de faire autrement mais tout revient toujours à lui.

AJP : Comment s’est passé la reprise scolaire ?
Mme J. : C’était compliqué : Il n’y a rien pour les enfants diabétiques. Il devrait y avoir plus d’informations sur le diabète et des efforts pour adapter les repas comme dans les hôpitaux. A la cantine, je regarde la veille le menu. Je fais aussi le maximum pour qu’il rentre à la maison pour manger équilibré le midi. Cela n’est pas évident, parfois, il mange à la cantine mais il manque toujours quelque chose et c’est à l’enfant de savoir. C’est encore une responsabilité pour lui, pour un enfant de 10 ans.

Pour le sport, cela ne change rien. Il peut toujours en faire, avec certaines précautions.

Par contre, au niveau des sorties, il existe un réel problème : Il ne peut pas aller au centre aéré le mercredi car il n’y a personne pour l’injection du goûter. Les sorties en car ne sont pas possibles également car il n’y a pas d’infirmière. On se sent lâché. Déjà il y a la maladie et au lieu de soutenir l’enfant on les laisse, on les punit encore. Bilal se demande : C’est une punition ? On me punit encore ?

AJP : Généralement, on dit que dans les maladies chroniques, les parents ou les enfants « sentent » mieux leur maladie que le personnel soignant ?
Mme J. : Bilal sent mieux sa maladie. C’est lui qui la porte, qui ressent tous les symptômes. Avant hier, il ne se sentait pas bien pensant être à 0,80gr/L et c’était le cas.

AJP : Alors réclame-t-il une aide ? un besoin médicale ?
Mme J. : Bien sûr lorsqu’il présente d’autres symptômes, il veut savoir ce qu’il se passe. Oui, il en a besoin, besoin qu’on le rassure parfois.

AJP : Y a-t-il des choses que vous n’avez pas comprises ?
Mme J. : On en apprend tous les jours.

AJP : Que pensez-vous des pompes à insuline ?
Comment en avez-vous entendu parler ?
Mme J. : Il y avait un magazine de l’AJD et sur internet. Là, (NDLR : en hospitalisation de 2 jours pour un bilan annuel), son camarade de chambre a une pompe à insuline. Je ne suis pas prête et Bilal n’en voulait pas non plus : il ne veut pas porter quelque chose sur lui, car cela va se voir. Cela l’atteindrait encore plus.

Les stylos, c’était compliqué et si on passe à la pompe, c’est lui qui m’apprendra je pense. Il a ses propres termes, ses petits mots à lui d’enfant qui me permettent de mieux comprendre lorsqu’il m’explique les choses, c’est naturel.

 

AJP : Vous êtes-vous renseignée sur internet ?
Est-ce une aide ?
Mme J. : Oui, tout au début, je voulais en savoir un maximum. C’est une aide.

AJP : Enfin, qu’est-ce qu’un interne selon vous ?
Mme J. : Pour moi c’est quelqu’un qui travaille dans l’hôpital, qui a fini ses études. Je n’ai pas du tout fait la différence entre interne, chef de clinique, chef de service... Un externe, c’est quelqu’un qui vient, qui fait encore ses études. Mais un interne pour moi est un médecin à part entière et connaît très bien son boulot. S’il fait des rapports et dit quoi faire c’est qu’il a eu sa thèse, son doctorat, qu’il est médecin. Un chef a un peu plus d’expérience mais la maîtrise vous l’avez aussi.

Benjamin Bueno 

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Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°08

 

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