Interview des para-médicaux

Publié le 09 May 2022 à 14:40

 

Cadre de soins et de santé en pédiatrie

Autrefois appelés surveillantes, elles peuvent avoir la réputation d’être terribles ou redoutables : nous parlons des cadres de service bien sûr ! Pour ce numéro 10 de la Lettre de l’AJP, nous poursuivons nos interviews consacrés aux paramédicales avec Pascale et Anne, anciennes IDE puéricultrices et désormais cadres de santé d’un service de pédiatrie générale en CHU.

La lettre de l’AJP : Qu’est-ce qui vous a poussé au métier d’infirmière puis de cadre ?
Anne : Je suis entrée à l’AP en 1986 en tant qu’auxiliaire de puériculture très heureuse dans cette fonction du fait de la proximité avec les familles et l’éducation à prodiguer. Ensuite j’ai eu envie de devenir infirmière, à force de voir les « IDE piquer » et pratiquer différents soins. J’étais alors davantage attirée par la technique. J’ai donc passé mon concours et exercée comme IDE dans différents service sur une période d’environ 10 ans.
Voulant continuer à travailler auprès d’enfants, j’ai passé le concours de puéricultrice. Ensuite j’ai été faisant fonction, puis cadre puéricultrice et ceci depuis 6 ans.

Pascale : J’ai toujours eu envie de m’occuper d’enfants, en particulier du tout petit. J’ai donc débuté ma carrière d’infirmière en néonatologie. Au départ, ce qui me plaisait c’était tout l’aspect technique du métier d’infirmière. Mais après 2 ans, j’ai ressenti le besoin de développer d’autres compétences, d’ordre éducatif et relationnel pour une prise en charge optimale de l’enfant, j’ai décidé de poursuivre ma formation et de me spécialiser en intégrant l’école des puéricultrices. Par la suite, au bout de 15 années d’activités en néonatologie, avec la responsabilité d’encadrement de nouvelles infirmières et l’organisation des soins, il m’a semblé utile de poursuivre ma carrière. Il est vrai que mes supérieurs et ma famille me sollicitaient à préparer le concours d’entrée à l’école des cadres. Il est vrai que je n’en avais pas particulièrement envie mais commençais à m’ennuyer et gérais déjà certaines tâches relevant du faisant fonction de cadre. La première année en poste en tant que cadre fut difficile, je n’avais pas fait le « deuil » du métier de puéricultrice. Aujourd’hui, ce qui me plait le plus dans cette fonction ce sont les relations, la communication avec le personnel soignant .

La Lettre de l’AJP : Quelles sont les particularités d’un service de pédiatrie ?
Anne : Gérer les familles quotidiennement : C’est tellement ancré dans notre esprit que l’on ne s’en rend plus compte ! C’est un accompagnement de tout instant. J’entends beaucoup dire que ce n’est pas nécessaire d’être cadre puéricultrice pour travailler en pédiatrie : je pense tout le contraire ! Tout ce que l’on a appris à l’école de puéricultrice facilite notre prise en charge de l’enfant hospitalisé.

Pascale : Sur ce point je suis moins catégorique : on a une fonction d’encadrement et nous pouvons le faire quelle que soit l’équipe. Nous savons manager, après il faut connaître la spécificité de chaque service. Grâce à notre formation de puéricultrice, nous sommes beaucoup plus à l’aise : nous avons la possibilité de montrer aux jeunes IDE nos expériences dans la relation et l’éducation aux parents, les soins, l’installation et la prise en charge du nourrisson.

La Lettre de l’AJP : Est-ce que les cadres ont un rôle de soins dans le service ?
Anne : Oui, nous avons un rôle de vérification, de surveillance des soins mais nous savons et pouvons faire des soins. Maintenant il y a des techniques que l’on perd au fil du temps, mais quand les infirmières en ont besoin, elles nous demandent de l’aide. Il y a par contre des services où les IDE n’appellent pas les cadres.

Pascale : Nous solliciter n’est pas un problème. Anne a plus d’expérience auprès des plus grands, de mon côté prélever un nouveau-né ou petit ne me pose aucun problème.

La Lettre de l’AJP : Quels sont les problèmes rencontrés dans votre profession ?
Anne : Difficile de prendre du temps pour mener à bien un travail (dérangé souvent) : soit le téléphone, le personnel ou une famille. (NDLR : le téléphone a sonné à 3 reprises pendant l’interview) Il faut savoir gérer plusieurs tâches tout en conservant l’idée de priorité. Contrairement à ce que peuvent penser médecins et infirmières, nous ne faisons pas que des plannings. Nous avons énormément de réunions avec la direction, de formations et des milliers d’autres tâches à accomplir. On pourrait rester 24 heures au travail.

Pascale : C’est vrai, nous ne sommes jamais tranquille pour travailler, préparer une réunion par exemple. Au début je revenais travailler le weekend-end. Je ne supporte pas travailler dans l’urgence, j’essaie d’anticiper pour que tout soit organisé. Malgré cela, nous sommes tout le temps sollicitées et il m’a fallu du temps et de l’expérience pour réussir à gérer l’intrusion.

La Lettre de l’AJP : A Paris elles sont rares... Que pensez-vous de la spécialisation d’infirmière puéricultrice ?
Anne : La plus value, je l’ai ressentie comme puéricultrice. Nous avons une certaine tranquillité dans la pratique grâce aux connaissances acquises à l’école, connaissances dans l’alimentation du nourrisson, Le respect des cultures et des religions(surtout dans notre hôpital). La puéricultrice détient une maîtrise concernant les soins de l’enfant.

Pascale : Je suis d’accord. Nous pouvons transmettre aux IDE des points pratiques mais nous avons un apport dans la relation avec la famille que même des IDE expérimentées n’ont pas, nous sommes plus à l’écoute. L’approche n’est pas la même.

La Lettre de l’AJP : Sont-elles indispensables pour un service de pédiatrie ?
Anne : Oui.

Pascale : Peut-être pas toute l’équipe, mais il en faut.

La Lettre de l’AJP : Comment voyez-vous vos relations au sein de l’équipe ?
Pascale : Nous sommes toute une équipe qui doit travailler pour la prise en charge de l’enfant. L’interne est un jeune médecin qui doit être sollicité par les jeunes infirmières pour comprendre une pathologie, une prise en charge. Il est indispensable de notre côté de travailler avec vous car il faut que le médical et le paramédical avancent ensemble.

Anne : Nous avons une position délicate, entre deux : médecins et équipes paramédicales infirmières. Notre travail c’est que le service fonctionne pour la prise en charge optimale de l’enfant et des familles.

Pascale : Nous ne sommes ni leurs copines, ni celles des médecins, nous sommes une équipe de professionnelles avec un objectif commun : la prise en charge de l’enfant spécifique et globale. Mais nous devons aussi être équitables.

La Lettre de l’AJP : Est-ce qu’un interne est un médecin ? Quel est son rôle dans un service hospitalier ?
Anne : Oui. L’interne a des enfants en charge, il fait des prescriptions, il est responsable. Mais les internes ont aussi des chefs auxquels ils doivent se référer.

Pascale : Oui. Vous êtes des médecins, en cours d’apprentissage. Cela me fait penser aux infirmières qui débutent : elles sont diplômées et apprendront beaucoup sur le terrain. C’est vrai qu’il y a beaucoup de parents qui pensent que le médecin c’est le chef, pas l’interne. Il y a même des parents qui ne veulent rencontrer que le chef de service...

La Lettre de l’AJP : Que pensez-vous des relations entre IDE et internes ?
Anne : C’est comme dans la vie, c’est une question de respect des personnes. Il faut noter que le médecin collabore aujourd’hui plus volontiers avec l’infirmière qu’il y a quelques années.

Pascale : Le respect : c’est indispensable, vous êtes obligés de travailler ensemble. Vous êtes les deux plus proches de l’enfant. Par contre concernant les médecins de façon générale, j’ai l’impression que le côté clinique se perd au profit des examens complémentaires ou des documents. Parfois vous n’avez pas le temps de vous poser avec les infirmières pour discuter de la prise en charge : tout au long de la journée il doit y avoir des échanges.

Benjamin Bueno
Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°10

Publié le 1652100052000