Interne en psychiatrie et militaire

Publié le 25 May 2022 à 16:14


En tant qu’interne en psychiatrie militaire, je vais vous présenter ce cursus particulier, en répondant à des questions qui m’ont fréquemment été posées. Ce parcours intrigue peut-être certains d’entre vous, est totalement inconnu pour d’autres, et la simple association « médecin militaire » sonne sans doute comme un oxymore à certaines oreilles.

Le concours pour intégrer le cursus se passe en fin de terminale, et permet d’intégrer l’Ecole de Santé des Armées de Lyon (et de Bordeaux auparavant). Puis nous suivons les cours à la faculté de médecine, et nous passons le concours de fin de 1ère année. Nous sommes classés avec l’ensemble des étudiants civils de notre promotion, mais pour chaque élève militaire qui est dans le numerus clausus, le rang limite augmente d’une place, permettant de « repêcher » un étudiant civil à qui l’élève militaire aurait sans cela « pris » la place.

Les premières années, nous allons en cours à la fac en uniforme (cela surprend les autres étudiants au début !). Les stages d’externes sont effectués dans les hôpitaux civils, le cursus universitaire est identique à celui d’un étudiant civil pendant l’externat. Mais par ailleurs, nous bénéficions de formations militaires pendant les vacances d’été : cours de tir, parcours d’obstacles, marches militaires, ordre serré, cours théoriques, le tout en treillis  !

Les idées reçues …

«  Il ne doit y avoir que des garçons dans ce cursus »
FAUX  !!!
Les filles représentent plus de 50 % de l’effectif d’une promotion depuis quelques années.

«  Vous êtes payés pendant vos études  »
VRAI  !!!
Mais en contrepartie, un contrat nous lie à l’institution militaire. Sa durée varie en fonction de la spécialité et d’éventuels redoublements au cours des études. Pour un psychiatre qui n’a jamais redoublé, elle est de 14 ans après l’obtention de la thèse. A la fin du contrat, on peut choisir de rester dans l’institution ou bien choisir de pratiquer en milieu civil !

«  Vous nous prenez des places à l’ECN  ?!  »
FAUX  !!!
Nous passons l’ECN et avons un classement national, mais celui-ci nous permet simplement d’être classés entre nous, la liste des spécialités disponibles pour nos choix est différente de la vôtre (entre 70 et 80 % d’entre nous seront des médecins généralistes).
On est ensuite affecté à un hôpital militaire selon la spécialité choisie (il y en a neuf en France : Marseille, Toulon, Bordeaux, Brest, Lyon, Metz et deux en région parisienne).

«  La psychiatrie, c’est une spécialité importante pour l’armée  ?  »
VRAI  !!!
La psychiatrie fait partie des priorités du Service de Santé des Armées. Les militaires sont en effet extrêmement sujets aux états de stress posttraumatiques. Les conditions difficiles des opérations extérieures contribuent également à faire décompenser bon nombre de pathologies psychiatriques.
Il est primordial d’accompagner les soldats blessés psychiques lors de leur retour en France et tout au long de leur prise en charge, que ce soit en hospitalisation ou en ambulatoire, aidés par le personnel paramédical et les psychologues militaires.
Mais les services de psychiatrie des hôpitaux militaires accueillent également des patients civils. Les pathologies y sont donc variées. Tous les services de psychiatrie militaires sont des services ouverts, qui accueillent seulement des patients en soins libres.

«  Vous faites aussi des expertises psychiatriques ?  »
VRAI, en quelque sorte…
Une partie de notre métier consiste en l’évaluation de l’aptitude psychique des personnels souhaitant s’engager, ainsi que des personnels militaires pour lesquels les capacités à rester dans l’armée sont discutées.

«  Vous partez en mission à l’étranger ?  »
VRAI  !!
Les psychiatres militaires sont susceptibles d’être missionnés pour partir sur des théâtres d’opérations extérieures, partout où il y a des soldats français. Ils sont cependant envoyés dans un contexte spécifique, suite à un événement particulièrement violent par exemple, pour assurer le soutien psychique des militaires.

Est-il possible d’intégrer le cursus une fois le DES et la thèse validés  ?
OUI  !!! (sans vouloir faire de propagande  !)
Le service de santé recrute des praticiens thésés sous contrat renouvelable. Il est également possible de s’engager dans la réserve, c’est-à-dire d’exercer en tant que psychiatre en milieu civil, tout en consacrant une petite partie de son activité à des consultations en hôpital militaire (une demi-journée par semaine par exemple)

«  Et l’internat de psy militaire, concrètement, comment ça se passe ?  »
Pour ma promotion, le poste de psychiatrie était en région parisienne, à l’hôpital Percy de Clamart, c’est donc là que j’ai été affectée.
Je vais donc parler de l’internat de psychiatrie militaire parisien.
Les modalités de validation du DES de psychiatrie sont les mêmes, nous sommes inscrits à la faculté comme les autres étudiants, il faut suivre les cours de DES, valider sa thèse, etc. On peut également s’inscrire à des formations complémentaires, type DU, master…
Les stages d’internes sont réalisés dans les hôpitaux militaires, en l’occurrence l’hôpital Percy à Clamart et l’hôpital Bégin à Saint Mandé, qui sont des hôpitaux généraux comportant un service de psychiatrie. L’activité comprend la partie hospitalisation, les consultations et la psychiatrie de liaison.
 J’y effectuerai donc tous mes semestres hospitaliers de psychiatrie adulte. Les deux semestres de pédopsychiatrie seront réalisés dans le civil, à l’APHP en l’occurrence, le service de santé des armées ne comportant pas de services hospitaliers de pédopsychiatrie.

J’espère vous avoir éclairé sur ce cursus que vous ne connaissiez peut-être pas. Pour conclure, il est évident que cette profession comporte des exigences inhérentes au statut de militaire : engagement sur le long terme, disponibilité notamment pour les départs en mission (…) pouvant ne pas convenir à certains. Mais pour ma part, je pense que ce milieu offre des possibilités de carrières variées, et finalement le soin reste au cœur de notre pratique clinique, quel que soit le milieu où on l’exerce.

Sophie ANNETTE
Interne de psychiatrie à Paris

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°17

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