Une vue d’ensemble pour le jeune cardiologue
L’IRM cardiaque est incontestablement l’examen d’imagerie en plein développement et source de beaucoup d’intérêt ces dernières années, et notamment dans le bilan initial de nombreuses cardiomyopathies. Elle est utile pour le diagnostic, le suivi, le pronostic, ainsi que l’identification de certaines complications.
Fiche technique
Plan type d’une IRM cardiaque avec les différentes séquences utiles
- Séquences Cine-IRM : étude morphologique (volumes des oreillettes et ventricules) et fonctionnelle (FEVG et FEVD).
- Séquences de perfusion au gadolinium : étude de la perfusion myocardique (au repos ou à l’effort en cas d’IRM de stress).
- Rehaussement tardif en T1 à 10 minutes de l’injection : détection en hypersignal d’une substance pathologique extra-cellulaire au sein du myocarde (par augmentation du volume du compartiment interstitiel).
- Séquence T2-STIR : hypersignal de l’oedème en cas d’inflammation (aspécifique de la cause).
- Séquence T2* : hypersignal du fer utile pour le diagnostic d’hémochromatose ou de dépôts ferriques en cas de zone de no-reflow d’infarctus du myocarde (témoin d’obstruction de la microcirculation).
- Séquence T1 mapping : quantification de la fibrose myocardique, diagnostic d’Amylose ou de Maladie de Fabry.
IRM et Cardiomyopathies dilatées (CMD)
Un message indispensable : « toute CMD doit bénéficier d’une IRM cardiaque au moins dans son bilan initial. ».
Histologiquement, c’est la fibrose myocardique qui prédomine, secondaire à une dégénérescence des cardiomyocytes. Diffuse ou focale, elle entraîne progressivement une dysfonction diastolique et systolique par remodelage.
L’IRM dans la CMD doit donc répondre à plusieurs questions :
- Volumes, épaisseurs, fonction systolique et diastolique ventriculaires gauche et droite.
- Eliminer une cardiopathie ischémique et tenter de préciser l’étiologie. Recherche d’un thrombus intra-VG +++.
- Quantification de la fibrose myocardique (facteur pronostique indépendant démontré).
La CMD se caractérise par une augmentation du volume télédiastolique VG (VTDVG > 105 mL/m2 chez l’homme, > 96 mL/m2 chez la femme), une perte du gradient d’épaisseur myocardique base-apex et une diminution de l’épaisseur pariétale (< 5,5 mm) à un stade tardif. Volumes et masses sont indépendamment corrélés à la morbi-mortalité alors que la FEVG prédit l’évolution vers l’insuffisance cardiaque.
L’IRM a une meilleure sensibilité et spécificité que l’ETT ou l’ETO pour la détection d’un thrombus intra-VG : visualisation d’une image intra-cavitaire, sans rehaussement à l’injection de gadolinium.
L’analyse du rehaussement tardif en gadolinium est d’une aide précieuse :
- Si absence total de rehaussement tardif : CMD idiopathique et/ou familiale probable.
- Si rehaussement sous endocardique (coté interne accolé à la lumière du VG) ou transmural systématisé : cardiopathie ischémique avec séquelle d’infarctus probable.
- Si rehaussement sous-épicardique (coté externe périphérique du VG) ou interstitiel, linéaire, nodulaire ou en motte, non systématisés : cardiopathie sur processus inflammatoire chronique ou toxique probable.
Un hypersignal T2 sous-épicardique signe un oedème localisé en faveur d’une inflammation aiguë (Myocardite, poussée de Sarcoïdose…).
L’importance de la fibrose en T1 mapping est corrélée à la dilatation ventriculaire, la dysfonction systolo-diastolique. Un rehaussement sous épicardique ou interstitiel linéaire est prédictif d’arythmie ventriculaire et peut permettre de sélectionner au mieux les patients nécessitant un défibrillateur.
Légende : Cardiopathie ischémique avec Thrombus intra-VG apical (flèche rouge) sur séquelle antéro-septo-apicale sans viabilité. (Remerciement au Pr Jean Nicolas DACHER et au Dr Camille CAUSSIN du service de Radiologie du CHU de Rouen pour cette iconographie).
Comprendre : « Principe du Rehaussement tardif en IRM cardiaque »
Physiopathologie du myocarde
- Myocarde normal : peu d’espace extracellulaire avec des myocytes relativement jointifs.
- Myocarde pathologique : présence d’une substance extracellulaire pathologique comme de la fibrose (CMH, CMD), de la nécrose avec disparition des myocytes (Cardiopathie ischémique), des dépôt de substance amyloïde (Amylose)…
Principe du Rehaussement tardif
- Séquence T1 réalisée 10 minutes après l’injection de Gadolinium permettant la mise en évidence du Gadolinium qui stagne au niveau de l’espace extracellulaire (toujours en extracellulaire au temps tardif !).
- Ainsi, en cas d’augmentation du secteur extra- cellulaire du fait de la présence d’une substance pathologique extra-cellulaire : présence d’un hypersignal de Rehaussement tardif pathologique !
- Puis l’analyse de sa localisation au sein du myocarde fournit des renseignements étiologiques (comme décrit plus haut).
IRM et Cardiomyopathies hypertrophiques (CMH)
La réalisation d’une IRM cardiaque au moment du diagnostic est préconisée par les recommandations ESC 2014 pour les étapes suivantes :
1) Evaluer la morphologie du VG : localisation (épaisseur maximale apicale, médio-ventriculaire, septale) et distribution (concentrique, focal) de l’hypertrophie. L’IRM retrouve une augmentation de l’épaisseur (localisée ou diffuse), de la masse ventriculaire gauche et une FEVG longtemps conservée. Un ratio épaisseur pariétal/VTDVG > 0,15 mm m2/mL est en faveur d’une hypertrophie pathologique.
2) Recherche obstruction intra-VG : évaluation de la sévérité de l’obstruction (Vmax – Gradient) en précisant sa localisation au niveau de la chambre de chasse ou au niveau médio-ventriculaire.
3) Evaluer la mitrale +++ : l’analyse de la valve mitrale et de son appareil sous valvulaire est primordiale : > 50 % des CMH ont des feuillets mitraux anormaux, et > 25 % un appareil sous-valvulaire pathologique. L’IRM se doit de quantifier l’insuffisance mitrale, son mécanisme, décrire la présence d’un Systolic Anterior Motion (SAM), et décrire l’appareil sous-valvulaire (piliers, cordages).
Par exemple, un pilier anormalement en position trop apicale peut contribuer à une obstruction intra VG et sera donc candidat à une plastie chirurgicale et non à une alcoolisation septale ou myomectomie pour lever l’obstruction.
4) Recherche et quantification de la Fibrose :
les séquences de réhaussement tardifs montreront des hypersignaux interstitiels, intramuraux , de forme « patchy », linéaires, irréguliers, sans systématisation coronaire, au sein des zones épaissies, typiquement à la jonction entre septum interventriculaire et paroi libre du VD. L’importance du rehaussement tardif total a un impact sur le pronostic des patients (corrélé aux arythmies ventriculaires), prédictif de la dysfonction et dilatation ventriculaire gauche.
Interprétation d’une CMH lors d’une IRM de stress ? (à savoir pour la pratique) : l’ischémie myocardique dans les CMH est fréquente par atteinte microvasculaire aboutissant à une fibrose de remplacement et à un remodelage. L’IRM de stress permet alors de rechercher des zones anormalement perfusées (anomalie sur la séquence de perfusion) sans qu’il n’y ait aucune anomalie coronaire à la coronarographie.
Légende : CMH sarcomérique en ciné-IRM (notez en rouge l’épaisseur télédiastolique du VG > 15 mm) (Remerciement au Pr Jean Nicolas DACHER et au Dr Camille CAUSSIN du service de Radiologie du CHU de Rouen pour cette iconographie). Le cas particulier de l’Amylose cardiaque n’est pas détaillée ici car fera l’objet d’un article dédié dans les prochains numéros du Journal !
IRM et Cardiomyopathies arythmogènes (DAVD)
Cardiomyopahie caractérisée par un remplacement progressif du myocarde sain par un tissu fibro-adipeux au niveau de l’épicarde pouvant devenir transmural, évoluant vers une formation anévrismale typiquement au niveau de la paroi inférieure, apicale et infundibulaire du VD (« triangle de la dysplasie »), avec une atteinte ventriculaire gauche dans > 50 % des cas.
La Task Force de 2010 a rappelé tout l’intérêt de l’IRM dans cette pathologie selon les critères diagnostiques suivants : présence d’une dyskinésie ou akinésie d’une portion du VD ou un asynchronisme VD et un critère parmi :
Un amincissement de la paroi du VD, un aspect en « dos de chameau » (bulging) de la paroi libre du VD est à rechercher. Le rehaussement tardif prend une nouvelle fois toute son importance même s’il n’a pas été retenu pour les critères diagnostics en 2010. Il siège au niveau de l’épicarde ou en transmural localisé, au niveau du triangle de la dysplasie, s’étendant du sous épicarde vers le sous endocarde. L’atteinte ventriculaire gauche seule est parfois rapportée pouvant être confondue avec une CMH ou une myocardite d’où l’importance du contexte clinique.
Légende : Présentation typique du rehaussement tardif dans les différentes cardiopathies évoquées (topographie précisée en blanc sur la figure) (6)
Références
Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°3