Intégration et adaptation des jeux de société dans la rééducation orthoptique

Publié le 31 Jan 2024 à 10:54


Les orthophonistes l’ont bien compris : les jeux sont une pièce maîtresse de leur prise en charge.

Comment l’introduction des jeux de société pourrait être un atout dans nos séances de rééducation orthoptique ? Sachant que les enfants sont naturellement attirés par tout ce qui est visuellement captivant et que les jeux s’imposent comme des champions pour capter leur attention (avec le Hess-Weiss j’en conviens !) cela ne peut être que bénéfique.

Opter pour les jeux en orthoptie ?

Les jeux ne sont plus de simples divertissements, ils deviennent de véritables alliés thérapeutiques, mêlant plaisir et apprentissage. Quand l’enfant joue, il ne pense pas qu’il apprend, mais il développe ses capacités et ses connaissances. À l’ère numérique où les écrans dominent, le passage des jeux de société physiques offre un changement bienvenu en rééducation orthoptique.

Grâce aux jeux, les séances ne sont plus perçues comme une série monotone d’exercices, mais comme des moments stimulants. Vous remarquerez d’ailleurs que les parents seront également avides de conseils et d’idées de jeux pour stimuler leurs enfants !

Le choix d’adopter une pédagogie par le jeu signifie qu’il faut utiliser le jeu de manière «  dirigée  ». Il convient alors à l’orthoptiste de moduler les règles, orienter l’enfant et poser des questions pour l’amener à une réflexion sur les stratégies à mettre en place pour atteindre les objectifs d’apprentissage que l’on s’est fixés.

Avantages et inconvénients des jeux

Avantages

  • Motivation, concentration accrue et stimulation de la mémoire.
  • Changement du rapport à l’échec atténuant la crainte de l’erreur.
  • Éloigne le patient de sa pathologie le temps du jeu.
  • Rend les séances plus engageantes avec l’opportunité de se fixer des objectifs.
  • Apporte du renouveau et aiguise la curiosité.

Inconvénients

  • Absence de mesure précise des performances.
  • Le jugement des acquisitions reste subjectif et appartient à l’orthoptiste.
  • Difficulté à isoler une compétence particulière dans un jeu.

Quels jeux utiliser en orthoptie ?

Le marché des jeux offre une multitude d’options pour nos cabinets, couvrant le repérage spatial, l’exploration visuelle, la mémoire visuelle, la motricité fi ne ou encore la discrimination visuelle. Voici quelques idées pour enrichir votre ludothèque en fonction des compétences visées :

  • Pour le repérage spatial : Bataille navale, Lièvres et renards, Polyssimo, Cubissimo, Gagne ton papa, Puissance 4, Tangram, Bandit project, Topologix, Color Code.
  • Pour l’exploration visuelle : Lynx, Cherche et Trouve, Jeu des 7 erreurs, Où est Charlie, le Loto, Mysterix, les puzzles.
  • Pour la mémoire visuelle : Memory, Ça tourne pas rond, Sardines, Crococroc, Le Simon, Les BrainBox sur la mémoire.
  • Pour la motricité fi ne : Des perles à enfiler, des gommettes, les perles de Hama, la manipulation de pince à linge, le transvasement de boules avec une pince ou une cuillère, Tricky fingers, jeu de piquage.
  • Pour la discrimination : La Rafle de chaussettes, Le verger, Qui est-ce, Lynx, Bazar Bizarre, Dobble, Tamtam.

L’importance d’adapter les jeux en fonction des objectifs

Les jeux englobent souvent plusieurs compétences visuelles. Il est donc nécessaire d’adapter le jeu pour cibler spécifiquement la compétence à renforcer.

Par exemple, dans un jeu de Memory : le repérage spatial, la discrimination ou encore la mémoire visuelle sont tous les trois sollicités. Attention donc aux images que vous choisissez, car la discrimination peut mettre en échec un enfant chez qui vous voulez travailler plus particulièrement le repérage spatial. De la même manière que si vous souhaitiez axer le jeu sur la mémoire visuelle et que l’enfant présente des difficultés au niveau des relations spatiales : il aura alors peut-être du mal à trouver ses repères si trop de cartes sont présentes sur la table.

De même pour le « Dobble » : avec ce jeu, discrimination, saccades oculaires et mémorisation sont au rendez-vous. Lorsque je souhaite travailler davantage les saccades et la mise en situation de repérage loin-près, pour un enfant qui aurait des problématiques de prise d’information lors de la recopie au tableau : alors je choisis de mettre sur un plan incliné l’une des cartes et de faire varier la distance et le placement de l’autre carte (en horizontal, en vertical ou en oblique). À l’inverse, si je vise davantage le travail autour de la mémoire visuelle, cacher l’une des cartes après que l’enfant l’ait observée ou l’utilisation de la version du Dobble 360° mettra à l’épreuve spécifiquement cette capacité.

Outre le fait que les jeux doivent être adaptés en fonction des compétences posant problématiques dans le quotidien, la personnalité de l’enfant est également à prendre en compte.

En effet, les patients les plus challengers adoreront vous entendre dire que vous avez un classement des meilleurs records de tous vos patients ; et de leur annoncer avant de commencer la partie qu’il va devoir se surpasser pour atteindre le podium ! À l’inverse, d’autres n’aimeront pas du tout se confronter à un classement, et vont se braquer dans une telle situation.

Les enfants les plus impulsifs peuvent également se mettre en échec lorsque la gestion de cette impulsivité est difficile. Il convient alors d’adapter nos consignes, ou de leur imposer un temps de réflexion plus long pour leur donner l’opportunité de vérifier par deux fois leur réponse.

Pour finir, on est tous d’accord pour dire que le temps de nos séances n’est pas extensible, et que l’idée n’est pas non plus de commencer une partie de Monopoly ! Adapter les règles du jeu de manière à le faire sur un court temps est alors essentiel, c’est là que le minuteur ou le chronomètre devient alors votre allié. Pour autant, là encore, la pression du temps peut faire perdre les moyens de certains enfants ; préférez alors ne pas leur faire part de cette modalité. Attention, soyez prêts aux confrontations des petits puristes qui crieront au scandale pour vos règles sorties de nulle part !

Et pourquoi pas créer ses propres jeux ?

Créer son propre matériel pour qu’il réponde mieux à un besoin spécifique est une autre approche à envisager. Ces jeux peuvent par exemple, correspondre à plusieurs patients présentant une même difficulté. Rien ne nous empêche alors de remplacer les images du « Qui est-ce ? » par des images que l’on choisit, de fabriquer un jeu de Loto avec des mots, ou encore de créer un Memory dont la discrimination des images est plus ou moins facile ou plus ou moins contrastée en fonction des difficultés visuelles. Gardez en tête que les jeux créés peuvent également être personnalisés pour un seul patient en fonction du centre d’intérêt de celui-ci (Un petit patient qui était fan de Marvel était ravi de découvrir la semaine suivante que je lui avais préparé un exercice de barrage avec ses héros préférés ! Son implication n’en était que plus grande !).

Le petit mot de la fin

L’alliance des jeux et de la rééducation en orthoptie ouvre des possibilités infinies pour une approche plus ludique et engageante. Ne négligeons pas cette ressource précieuse et tirons-en profit pour enrichir l’expérience de nos patients dans leur développement visuel.

Instagram : @eyscool pour découvrir des idées de jeux à intégrer dans votre pratique

Site web : eyscool.com pour faire le plein de ressources ludiques à proposer à vos patients

Laura GUEDO Orthoptiste

Article paru dans la revue « Le magazine de la Fédération Française des Étudiants en Orthoptie » / FFEO N°02

 

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