Informations médicales : le choix - citoyens pour une mort choisie

Publié le 23 May 2022 à 19:09


A l'invitation de l'association "Le Choix - Citoyens pour une mort choisie", le Professeur J. L. Touraine s'est exprimé lors d'une conférence à Grenoble, et a dédicacé son livre : "Donner la vie, choisir sa mort".

Le 5 octobre 2019, l’association LE CHOIX, Citoyens pour une mort choisie, accueillait le Professeur Jean Louis TOURAINE, député LREM du Rhône, auteur d’une proposition de loi sur la fin de vie pour qu’il nous explique comment il envisage l’avenir. La conférence s’est tenue dans les locaux de la faculté de médecine de Grenoble, en présence des membres du Collège Décisionnel du Choix, du Docteur Denis Labayle et d’un public nombreux. Le professeur Touraine est l’auteur du livre « Donner la vie, choisir sa mort ».

Pouvoir choisir la façon dont nous mourrons, c’est ce que notre association réclame à travers ses pétitions sur Change.org et ses nombreuses actions auprès des politiques, des médias et des soignants. Nous voulons obtenir enfin une loi qui permettra à chaque français de bénéficier d’une fin de vie paisible et sans souffrance. C’est le cas actuellement pour les habitants du Benelux, de la Suisse, du Canada et de certains états d’Amérique du nord, où se pratiquent légalement l’euthanasie, le suicide assisté, ou les deux. Nos concitoyens, dans l’impossibilité de mettre fin à leurs souffrances en France, ont souvent recours aux pays voisins, Suisse et Belgique, pour obtenir ce soin ultime auquel nous devrions tous avoir droit. Ceux qui n’en ont pas les moyens recourent au suicide, souvent violent (pendaison, coup de fusil, saut dans le vide…), suicides extrêmement traumatisants pour leur entourage. Cela concerne annuellement quelque 3000 personnes âgées de plus de 65 ans.

Résumé de la conférence du professeur TOURAINE
Erik Orsenna : « Il ne sert à rien d’accroître l’espérance de vie si c’est pour offrir une vie sans espérance. ». On meurt mal en France et le dernier sondage IPSOS indique que 96 % des Français souhaitent pouvoir choisir leurs modalités de fin de vie et avoir éventuellement un accès possible à une aide active à mourir.

On ne meurt pas aujourd’hui comme hier. Dans le passé, la mort nous surprenait au domicile, alors que nous étions souvent entourés de nos proches et que nous n’étions soumis à aucun acharnement thérapeutique. Maintenant nous mourrons habituellement à l’hôpital dans un service de réanimation, seul(e), au coeur de la nuit. Surtout, si nous vivons heureusement plus longtemps, et notre fin de vie est fréquemment très ralentie. La maladie précédente a été prolongée grâce aux traitements modernes et l’agonie s’éternise.

Dans la plupart des pays où une aide active à mourir est accessible pour les patients en fin de vie qui le désirent, la complémentarité avec les soins palliatifs s’effectue sans difficulté.

En France, non seulement les soins palliatifs sont très largement insuffisants (1/4 à 1/3 seulement : des patients qui les réclament qui relèvent de cet accompagnement y ont effectivement accès). mais encore, ils se sont développés contre toute idée d’accompagnement actif à la mort.

Selon la loi Claeys-Léonetti, un malade en fin de vie ne peut légalement demander qu’à « bénéficier » d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cette procédure consiste à plonger le malade dans l’inconscience, en le coupant de son entourage et en le privant d’alimentation et d’hydratation. Cette déshydratation, provoque une insuffisance rénale qui entraîne la mort en 2 ou 3 semaines. Pendant ce temps, un délitement progressif de l’organisme s’opère et cette évolution représente une épreuve terrible pour l’entourage. Le mourant, sous l’effet des sédatifs et antalgiques ne souffre pas mais personne ne sait ce qu’il ressent précisément.

Cette procédure ne répond pas aux souhaits des patients qui veulent une fin digne tout en restant conscients jusqu’au bout. Corinne Van Oost, médecin française qui exerce maintenant en Belgique, dirige un service de soins palliatifs. Elle a écrit un livre remarquable : « Médecin catholique, pourquoi je pratique l’euthanasie ». « Un malade qui souffre, écrit-elle, en appelle à la mort , mais rarement au sommeil. Il sait qu’il ne serait plus alors en mesure de communiquer avec son entourage. »

De plus, cette procédure est extrêmement rigide, et rares sont les équipes médicales et infirmières qui acceptent de l’appliquer, car, pour certains, c’est une euthanasie qui ne dit pas son nom, et pour d’autres, c’est un processus beaucoup trop long, et hypocrite. Elle est en outre inapplicable pour les médecins de ville qui n’ont ni les produits nécessaires, ni la possibilité de suivre leur malade tout au long de cette sédation.

Les soins palliatifs doivent, quantitativement et qualitativement, être améliorés :

En quantité : Nous en sommes au 4ème plan « Soins palliatifs » et il existe un droit pour en principe, chaque Français de pouvoir bénéficier de ce type de prise en charge. Or, en pratique, plus de 2 malades sur 3 ne peuvent y avoir accès.

En qualité : Pourquoi quitter le service où l’on se trouve pour aller mourir ailleurs... Qualité : cela voudrait aussi dire que les équipes en charge des malades, dont la compétence professionnelle et le dévouement sont remarquables, n’aient par ailleurs pas une attitude paternaliste envers les malades, l’arrogance ni le paternalisme de penser « Je sais ce qui est bon pour vous ». Le premier devoir d’un médecin, c’est d’écouter ses malades.

En Belgique même, ou dans les autres pays où l’euthanasie et le suicide assisté sont pratiqués légalement, seuls 2,8 % des malades en fin de vie recourent à une euthanasie. Contrairement aux rumeurs propagées, il n’y a pas de dérives car les garanties légales et judiciaires sont très strictes.

C’est en France qu’il existe des dérapages : Chaque année, selon une étude de l’INED, entre 1.200 et 4.800 personnes recevraient une injection létale, souvent non demandée par le malade, parfois justifiée par le besoin de récupérer un lit d’hôpital. Ainsi, celui qui demande à mourir ne peut obtenir cette délivrance, et celui qui ne l’a pas demandé risque d’être euthanasié dans la plus totale illégalité...

Les médecins français sont réticents à « donner la mort », de par la formation qu’ils ont reçue, et les politiques ont refusé jusqu’à présent de légaliser une pratique adoptée par les pays voisins de la France, par le Canada, plusieurs états américains et bientôt, espère-t-on, le Portugal.

Or, ce ne sont pas les médecins qui « tuent », c’est la maladie. Donner à un malade ce qu’il demande pour mettre fin à son agonie, ce n’est pas le « tuer », c’est mettre fin à ses souffrances et l’accompagner en un geste de profonde humanité.

Dans les pays où l’euthanasie en fin de vie est légale, aucun médecin n’est contraint à la pratiquer mais quand il souhaite s’y soustraire, il est dans l’obligation de faire appel à un confrère pour effectuer ce geste.

Actuellement, il est clair que la loi est notablement insuffisante. D’ailleurs elle est souvent jugée inapplicable – et donc inappliquée – par les personnes concernées comme par les professionnels.

  • C’est ainsi que de très nombreux Français partent à l’étranger, en Belgique ou en Suisse pour obtenir un accompagnement à mourir. L’éloignement de la France et de leur famille, et les frais que cela représente aggravent la douleur de la séparation, et viennent alourdir le fonctionnement des institutions médicales de ces pays.
  • Que penser des directives anticipées ? Elles sont utiles pour anticiper sur la période où nous risquons d’être incapables de nous exprimer. Elles sont « opposables », mais non contraignantes, car le médecin peut refuser d’en appliquer les recommandations s’il les juge « inappropriées », ce qui entretient un flou très préjudiciable et laisse la décision à la seule équipe médicale.

Pourquoi notre pays est-il à la traîne ?
Les obstacles à un changement de législation sont de trois ordres :

  • Les hiérarchies religieuses qui sont farouchement contre « le droit à tuer » alors que parmi les fidèles, nombreux sont ceux qui réclament la liberté de mourir dans les conditions de leur choix.
  • Une partie du corps médical dont la formation traditionnelle peut parfois les rendre rétifs à toute évolution, même humaniste.
  • Certains responsables qui regardent à tort cette question comme essentiellement médicale, alors que c’est une question concernant chaque humain, très directement dans son corps, sa réflexion, sa philosophie personnelle.

Stephen Hawking, un savant atteint d’une forme rare, inhabituellement lente de la maladie de Charcot considère que « garder quelqu’un en vie contre sa volonté constitue l’affront ultime ».

Le changement de loi interviendra sans aucun doute en France, bien qu’on ne puisse prévoir quand.

Tous les problèmes ne seront pas résolus pour autant. Qu’en sera-t-il dans les cas des personnes très âgées mais ne souffrant pas de maladies incurables ?

De celles atteintes de maladies neuro-dégénératives ? Et des très grands prématurés ?

En attendant, nos associations doivent rester actives et vigilantes.

Il importe de faire reconnaître une liberté, un droit à la personne en fin de vie, celui de pouvoir choisir comment mettre un terme à une maladie incurable évoluée ou à des souffrances inapaisables.

La conclusion est que l’État doit restituer à chacun de nous sa liberté. Et la liberté la plus importante, la plus emblématique, c’est bien cette « ultime liberté » qu’évoquait Anne Bert, la liberté de choisir sa fin de vie.

LE CHOIX, Citoyens pour une mort choisie a ensuite donné la parole à l’assistance et même si Monsieur Touraine a longuement expliqué les contraintes qui entourent son projet de loi, notamment de la nécessité de réunir une majorité de députés et donc de devoir accepter des compromis qui se traduiront par des termes plutôt vagues pour être acceptables. Il a bien entendu les attentes de la salle d’aboutir à une loi qui autorisera le suicide médicalement assisté et l’euthanasie, bien entendu dans un cadre précis à définir.

Le projet de loi qui sera déposé n’est plus celui qui est sur le bureau de la commission des affaires sociales depuis février 2017 ; il va être actualisé et nous attendons donc sa nouvelle rédaction, en sachant qu’il ne s’agira que d’une étape vers une loi plus aboutie qui permettra à tous de choisir les modalités de sa fin de vie.

Le groupe Le Choix Isère

Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°28

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