Il y a 100 ans naissait Maud Mannoni (1923-1998)

Publié le 23 Nov 2023 à 10:42

À l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Maud Mannoni, Maurice Villard, dont la longue pratique en secteur médico-social a été largement étayée par les ouvrages de cette psychanalyste très connue entre les années 60 et 90, résume ses principaux apports et estime que les combats qu’elle a portés sont toujours d’actualité.


Le 22 octobre 1923 naissait Magdalena Van der Spoel, qui sera plus tard connue sous le nom de Maud Mannoni après son mariage avec le psychanalyste, ethnologue et philosophe Octave Mannoni. Maud Mannoni fut une psychanalyste réputée des années 60 aux années 90. Son champ d’exercice fut ce qui était alors appelé l’enfance inadaptée, c’est-à-dire les enfants et adolescents déficients intellectuels (encore appelés « débiles »), psychotiques, autistes… Il peut être d’emblée important de souligner que ces termes ne désignaient pas tout à fait la même chose qu’aujourd’hui. Ceux qu’on appelait « débiles » (profonds, moyens ou légers) jusque dans les années 80 furent ensuite nommés « déficients intellectuels » puis « présentant des troubles cognitifs ». Le terme "autisme" chez l’enfant était bien plus restrictif et relevait alors de la psychiatrie infantile. "Psychose infantile" et "dysharmonie évolutive" désignaient des enfants présentant des troubles graves de la personnalité et des apprentissages chez lesquels soit le rapport avec la réalité était altéré, soit la sphère cognitive était parasitée, voire envahie, par l’affectif et les fantasmes. Avec les successives versions du DSM1 (venues des Etats-Unis) le terme "autisme" a pris progressivement une ampleur démesurée au point qu’il a éliminé l’expression de "psychose infantile" (malgré, selon moi et bien d’autres, les fondamentales différences qui séparent autisme et psychose chez l’enfant). Il est même parvenu à inclure pas mal de problèmes cognitifs, aussi bien que des capacités "exceptionnelles". Véritable Tour de Babel2 que ce "spectre autistique" qui permet d’affirmer régulièrement que le nombre d’autistes ne cesse de s’accroître, arrivant à une personne sur 100 en France.

Maud Mannoni et l’enfance dite "inadaptée"

Au sein de ce secteur dit alors de "l’enfance inadaptée", Maud Mannoni, après avoir travaillé auprès de Françoise Dolto et suivi l’enseignement de Jacques Lacan, s’intéressa aux enfants "débiles", sans se centrer sur l’étiologie mais en les écoutant, ainsi que leurs parents, au-delà du handicap et des symptômes, essayant de comprendre la place que ce handicap avait dans l’histoire et la fantasmatique familiales, se rendant ainsi compte que le handicap amenait très souvent les parents, la mère en particulier, à se centrer presque exclusivement sur lui, sur le médical et les rééducations, une dépendance réciproque mère-enfant s’instaurant au fil du temps, qui rendait très difficile l’autonomisation et l’individuation de l’enfant. Ce fut en particulier le thème de son premier ouvrage : L’enfant arriéré et sa mère (Seuil, 1964).

Ce livre et les suivants suscitèrent un malentendu persistant qui dure encore malgré les réponses que Maud Mannoni a apporté aux critiques. Il lui fut reproché et de nier les causes organiques (il suffit de lire les nombreuses vignettes cliniques qu’elle présente pour s’apercevoir que ce n’est pas du tout le cas) et de rendre la mère responsable des difficultés de l’enfant alors qu’en tant que psychanalyste elle ne faisait que permettre à celle-ci, si elle le voulait bien, d’exprimer son vécu, comme on dirait maintenant, sur le fait dramatique d’avoir un enfant handicapé, souvent encore porteur dans ces années d’une étiquette d’irrécupérabilité. Je dois souligner en ce point que depuis ces années 60, l’approche des enfants porteurs d’un handicap, selon l’expression actuelle, s’est nettement améliorée, est devenue moins pessimiste, en raison sans doute des progrès médicaux ainsi que du travail auprès des familles mené par pédopsychiatres et psychologues, les écrits de Dolto, Mannoni et d’autres ayant pris dans cette évolution une grande part. Je me souviens que la plupart des enfants trisomiques que j’ai connus dans les années 70 étaient classés débiles profonds et que beaucoup n’avaient quasiment pas le langage, ce que l’on voit beaucoup moins aujourd’hui, leur prise en charge étant dès la naissance très différente.

Polyphonie théorique et pratique

Maud Mannoni n’aimait pas les diagnostics psychiatriques, leur reprochant de figer le sujet dans une entité. Elle donnait par contre priorité et importance à la parole.

Elle porta grande attention aux différentes initiatives, recherches et critiques qui foisonnèrent dans les années 60 et 70 : critiques de l’asile psychiatrique ; ouvrages de Michel Foucault sur l’histoire de la folie, la naissance de la clinique, la médecine, la prison… ; la psychothérapie institutionnelle ; la psychiatrie communautaire ; les approches systémiques de la famille ; les idées de Fernand Deligny sur l’environnement proposé aux enfants autistes ; les positions révolutionnaires des antipsychiatres qui s’opposaient à l’internement et laissaient aux délires la possibilité de s’exprimer…

Suivant ces derniers (Laing et Cooper notamment) et le psychanalyste anglais Winnicott, Mannoni estimait d’une part que la folie, non réductible à une maladie strictement organique puisqu’elle implique le sujet psychique dans sa relation à lui-même et à autrui, n’avait pas à être soignée mais à être reçue, et que d’autre part la façon de la considérer dépendait du regard que la Société avait à son égard. C’est ce qu’elle développa dans le psychiatre, son fou et la psychanalyse (Seuil, 1970). « Le risque d’objectivation (c’est-à-dire le risque pour le patient d’être traité comme un objet), écrivait-elle, n’est pas liée à la condition objective de malade ; l’objectivation peut être considérée comme un processus qui se développe à l’intérieur du rapport entre malade et thérapeute, et de là, à l’intérieur du rapport entre le malade et la Société qui délègue au médecin cure et tutelle à l’égard du malade ». C’est cette objectivation qu’elle critiquait et que l’on peut aussi entendre dans cette parole d’interné qu’elle cite : « Les soignants ont des idées courtes, ils ne pensent qu’à guérir. Et si ça ne convient pas à la personne ? ». La position des antipsychiatres, qui laissaient le délire s’exprimer, sans vouloir l’éliminer par médicaments ou électrochocs, était proche, selon elle, de celle de l’analyste qui respecte le symptôme en tant que porteur de sens et de la vérité du patient. Elle estimait par contre, en désaccord avec eux sur ce point, que la folie avait d’autres déterminants que la seule Société et que supprimer les hôpitaux psychiatriques, comme cela fut fait en Italie, ne résoudrait en rien la question de la maladie mentale. On vit en effet par la suite que la rue, ce n’était pas mieux que l’enfermement !

La création de l’École de Bonneuil

Maud Mannoni avait d’abord travaillé dans une structure médico-sociale du type Institut médico-éducatif. Mais elle constata que les contraintes normatives et administratives rendaient impossible une véritable approche psychanalytique3 . Elle créa donc une structure originale à Bonneuil-Sur-Marne, qui fut agréée en tant qu’École expérimentale après un véritable combat avec l’administration. Elle la créa avec un couple d’éducateurs, Rose-Marie et Yves Guérin, qui s’investirent énormément et bénévolement durant un temps. Rose-Marie Guérin fut directrice de l’École de Bonneuil de 1969 à 1974, avant de créer avec son mari une structure quasi équivalente en Bretagne, le Centre de Guénouvry.

Mannoni fut soutenue dans sa démarche par Dolto, Lacan, ainsi que par le neuropsychiatre et psychanalyste Robert Lefort. Elle fut également soutenue par quelques parents d’enfants gravement perturbés (que l’on épinglerait maintenant du qualificatif d’autistes).

Le fonctionnement de Bonneuil s’inspirait d’expériences telles, par exemple, que celle de Deligny dans Les Cévennes, celle de l’école Freinet, celle de la pédagogie institutionnelle. Il s’agissait de supprimer, pour ces enfants et adolescents très perturbés, les carcans éducatifs, pédagogiques, rééducatifs et thérapeutiques. En début de journée, après un moment dit de "causette" durant lequel chaque enfant pouvait s’exprimer, ils pouvaient choisir une activité parmi plusieurs proposées. Institution dite "éclatée", car des séjours dans des familles d’accueil, chez des artisans, des paysans, en Province ou en Angleterre, étaient réalisés, avec possibilité d’allersretours, Bonneuil restant lieu de repli mais non d’enfermement. Quel que soit le statut professionnel des personnes travaillant à Bonneuil (stagiaire éducateur ou psychologue, psychologue, éducateur, rééducateur, personnel de service…) chacun s’occupait des enfants et des différentes tâches journalières, sans distinction, aucune rééducation ou psychothérapie n’étant faite au sein de l’établissement mais uniquement à l’extérieur après discussion avec l’enfant et ses parents.

Ce fonctionnement avait quelques assises théoriques précises: éviter la ségrégation, l’enfermement, la sclérose ; permettre l’ouverture sur l’ailleurs ; permettre à l’enfant et à l’adolescent de découvrir d’autres façons de vivre, de parler, de faire ; autoriser ainsi aux désirs du sujet d’apparaître et de se dire : «je voudrais aller là », «je voudrais revenir», « je voudrais faire ceci, cela… ». « La notion d'institution éclatée, disait-elle, vise à tirer parti de tout insolite qui surgit... Au lieu d'offrir la permanence, le cadre de l'institution offre... sur fond de permanence, des ouvertures sur l'extérieur... (par exemple, des séjours hors de l'institution). Ce qui demeure : un lieu de repli... À travers cette oscillation d'un lieu à l'autre, peut émerger un sujet s'interrogeant sur ce qu'il veut. » (Education impossible, page 77).

Liberté donc, mais pas totale en ce sens que les interdits fondamentaux étaient explicités et affirmés lorsque cela était nécessaire : tu ne peux nuire aux autres, tu peux refuser une activité mais ne pas perturber son fonctionnement, tu peux t’isoler si besoin, tu peux draguer à l’extérieur mais pas les ados de l’établissement…

Dans l’ouvrage écrit par Yves Guérin et Jean Pax, "Maud Mannoni et Rose-Marie Guérin. Fécondité d’une rencontre entre psychanalyse et éducation spécialisée" (L’Harmattan, 2022), les auteurs rapportent que certains enfants, adolescents notamment, posaient parfois des problèmes avec les habitants en raison de leurs comportements ou de leur agressivité. Maud Mannoni se mettait alors en rapport avec la Commune, le Commissariat, ou le Curé de la paroisse pour leur demander d’appeler d’abord l’équipe de Bonneuil qui essayait de gérer le problème avec l’ado en le mettant devant sa responsabilité, mais sans refuser qu’il puisse être confronté à une réponse vive de la part de ceux qu’il avait agressés. Dans un collège anglais, l’un d’eux avait reçu une raclée : « Très vite tout est rentré dans l’ordre. Dans ce cas-là très précis (qu’on nomme un enfant pervers), une raclée de la sorte lui épargne des "soins" dits mentaux… Son angoisse se trouve calmée de s’apercevoir que l’adulte ne se laisse pas manger» Maud Mannoni et Dolto tenaient une parole "vraie", franche, à l’enfant, à l’adolescent, refusant toute stigmatisation et pariant toujours sur sa capacité à dépasser ses difficultés (à condition que lui soient offertes des conditions favorables), de ne pas renoncer à l’accompagner, mais en le mettant devant ses responsabilités dès lors que les angoisses archaïques avaient pu être surmontées. Voici un extrait d’une lettre de Mannoni à un nommé Paul : « … Tu es arrivé en bout de piste… et prêt à t’envoler pour l’Angleterre… Si tu montres qu’on peut compter sur toi, on te reprendra en septembre. Si tu échoues nous n’avons plus rien à te proposer… Le seul endroit qu’on ne puisse pas te refuser, c’est l’asile. Tu en as eu un avant-goût en décembre… Si on dit de toi que tu es nerveux, caractériel, mal élevé, on t’oriente vers le circuit spécialisé qui, en Angleterre à l’âge que tu as, n’est rien d’autre que l’asile… Mets-toi dans la tête que c’est un Paul sans passé psychiatrique qui s’en va en Angleterre. La vieille peau de Paul tu la laisses ici…Bonne chance. Maud Mannoni. » (Guérin et Pax, 2022).

Ses combats

Maud Mannoni fut très critique à l’égard des institutions officielles, qu’il s’agisse de l’hôpital psychiatrique, de l’école, des institutions médico-sociales, y compris des institutions psychanalytiques, et bien entendu de l’Administration, leur reprochant la tendance à s’auto-entretenir, à créer une forme de ségrégation et à facilement se scléroser, ne pouvant guère permettre aux sujets qui travaillent en leur sein initiatives et remises en cause. Militante sans parti, comme l’avait qualifiée le journal Libération après sa mort en mars 1998, elle défendit tout ce qui pouvait autoriser davantage d’émancipation, que ce soit chez l’enfant, y compris celui en très grande difficulté, chez la personne qualifiée de folle, chez l’enseigné, chez la femme (Elles ne savent pas ce qu’elles disent, 1997), chez le vieillard (Le nommé et l’innommable : le dernier mot de la vie, 1991).

Dans "Elles ne savent pas ce qu’elles disent" Maud Mannoni, pour reprendre une partie du résumé de quatrième de couverture, « nous fait découvrir que la dénonciation sarcastique des mœurs victoriennes, du modèle patriarcal et de l'idéologie fasciste montante dans l'entre-deux-guerres avec sa glorification exclusive de la mère, s'alimente, chez Virginia Woolf, dans un dialogue et un débat avec la pensée de Freud et de Melanie Klein… Bien plus: elle y accomplit, comme dans une cure analytique, le deuil de la mère, pour se tourner vers le père, mais au prix d'une désolation d'elle-même qui ne lui laisse d'autre issue que de retrouver la mère dans l'élément qui la symbolise : l'eau où elle se noie. En marge du féminisme qui pourra se réclamer de sa revendication, Virginia Woolf incarne plus fondamentalement le drame existentiel de la femme ».

Dans "Le nommé et l’innommable : le dernier mot de la vie", Mannoni aborde les questions du vieillissement et de la fin de vie.

Son intérêt, on pourrait dire sa passion, pour la diversité, l’ailleurs, l’étranger, le différent, a pu être reliée à sa propre histoire et aux langues dans lesquelles elle a baigné : celle de sa nourrice cinghalaise jusqu’à ses six ans alors que son père était Consul des Pays-Bas à Ceylan, l’anglais que son père employait pour lui parler, le néerlandais, le français… On pourrait aussi voir, dans sa curiosité et son goût pour la diversité, l’origine des rapprochements théoriques qu’elle a effectués entre des notions et des approches paraissant a priori très éloignées les unes des autres, lui permettant ainsi d’échapper aux dogmatismes et de faire de l’analyse un espace de jeu et de créativité. Citons seulement les jonctions qu’elle a proposées entre certains concepts lacaniens et d’autres de Winnicott, ses recours partiels en même temps que critiques aux théories de l’école de Palo-Alto en Californie sur la communication, ses références psychanalytiques multiples.

Lire Mannoni aujourd’hui ?

Que pourrait nous apporter aujourd’hui la lecture de ses ouvrages, en un temps apparemment si différent ? Si différent, vraiment ?

Elle décède à la fin du XXème siècle, après avoir connu l’Université à Bruxelles pendant la guerre de 39-45, le travail en hôpitaux psychiatriques à Bruxelles et Anvers, après avoir fait deux psychanalyses, l’une en Belgique, la seconde à Paris avec Lacan, après avoir travaillé auprès de Françoise Dolto à l’hôpital Trousseau. Ces deux figures de la psychanalyse française furent déterminantes pour elle, auxquelles, on l’a dit, s’ajoutèrent l’anglais Winnicott et les antipsychiatres Laing et Cooper. Son mari Octave Mannoni fut sans doute également important dans sa réflexion intellectuelle et dans certaines de ses positions politiques comme la signature du Manifeste des 121 intitulé : « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». On doit ajouter qu’elle alla soutenir les psychanalystes argentins sous la dictature militaire (1976-1983).

Son influence en France et dans d’autres pays fut importante, non seulement grâce à ses ouvrages mais aussi par la création de l’école de Bonneuil, surtout dans les années 70, même si ses positions par rapport à la question de l’autisme faisait déjà débat. Depuis son décès en 1998, mais déjà avant, les mesures anti-ségrégatives à l’égard des enfants présentant un handicap se sont fortement affirmées, avec les lois sur l’inclusion scolaire. Il n’est pas sûr cependant qu’elle en aurait été satisfaite car, dans le même temps, s’est développé le triptyque "diagnostiquer, connaître et gérer" engendrant une forme d’exclusion de l’intérieur (Pirone I. et al., 2020), la priorité des interventions étant donnée aux rééducations et aux mesures neuropsychologiques ou cognitivo-comportementales, sans parler de la bureaucratisation et de la traçabilité systématique. Combien cette phrase écrite dans "Un lieu pour vivre" peut résonner pour nous : « Plus les dossiers médicaux accumulent des renseignements, plus ils confisquent aux sujets la vérité de leur histoire ».

Quant au secteur psychiatrique, après l’embellie des années 70 et 80 avec la psychiatrie de secteur et ses approches humanistes, elle ne serait pas dépaysée par rapport à ce qu’elle avait connue dans les années 60, effrayée peut-être par sa régression : secteur à l’agonie selon le professeur Delion, psychiatrie publique en pleine dépression dans le journal Le Monde d’août 2018, psychiatrie devenue inhumaine selon l’émission Pièces à conviction du 10 avril 2019, « nombre impressionnant de postes de psychiatres vacants dans les hôpitaux » dans Libération du 8 janvier 2019 qui précisait que « la biologie, les médicaments, les neurosciences sont désormais archidominants, et cela sans le moindre contrepoids ». À quoi on doit ajouter les conclusions de deux députées, après des semaines d’auditions de soignants et de patients en 2019 : état catastrophique de la psychiatrie en France, qui est au bord de l’implosion. L’infirmier psychiatrique Dominique Sanlaville a écrit trois livres sur la détérioration de la psychiatrie dont il a été le témoin au cours des trente dernières années : « Le soin... ne se donne plus, il s’administre, c’est-à-dire, il se calcule en coût, en prix de journée, et doit se matérialiser... par des actes quantifiables et informatisables ». « La logique comptable et les protocoles ont réduit l'activité du soignant à des gestes techniques, aseptisés et rentables. La psychothérapie a disparu. Les électrochocs et les attaches reviennent en force. On ne cherche plus à comprendre, à écouter mais à normaliser, à effacer le symptôme avec des molécules chimiques. La maladie y perd son sens et sa raison d'être. » (Sanlaville, 2016)4.

Il ne semble pas que la situation se soit améliorée (comment le serait-elle quand on voit l’état de l’hôpital public ?). Mais quels médias parlent en 2023 de la psychiatrie ?

Il est probable, donc, que Maud Mannoni aurait encore bien des raisons de s’insurger.

Qu’il s’agisse de ses critiques vis-à-vis de l’organicisme dans l’abord des troubles mentaux, des entraves à l’autonomie et à l’expression de tout sujet, quelle que soit sa condition (sociale, de genre, d’âge…), de ses méfiances à l’égard des institutions, lire ou relire Mannoni pourrait être d’actualité.

  • Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.
  • M. Villard, Autisme : spectre, espéranto ou Tour de Babel?, Le Journal des Psychologues, février 2019, n° 364.
  • Dans mon ouvrage « Psychothérapie en Institution… » (1995), j’avais essayé de mettre un bémol à cette affirmation en décrivant une pratique permettant d’associer travail institutionnel et éthique psychanalytique, mais c’était des années après.
  • Dans un chapitre de "Autobiographie bibliographique" (Edilivre, 2020), je cite plusieurs témoignages et études sur l’état de la psychiatrie.
  • Œuvres de Maud Mannoni

    L'enfant arriéré et sa mère : étude psychanalytique, 1964, Paris, Seuil.
    Le Premier Rendez-vous avec le psychanalyste, 1965, Denoël/Gonthier.
    L'Enfant, sa « maladie » et les autres, 1967, Paris, Seuil.
    Préface à Libres Enfants de Summerhill, de A.S. Neill, 1970, Maspéro.
    Présentation des "journées d’études sur les psychoses chez l’enfant" d’octobre 1967, 1969, in Enfance
    Aliénée
    , Paris, Union Générale d’Editions, 1972.
    Le psychiatre, son fou et la psychanalyse, 1970, Paris, Seuil.
    Éducation impossible, 1973, Paris, Seuil.
    Un lieu pour vivre : Les enfants de Bonneuil, leurs parents et l'équipe des "soignants" avec des contributions de Robert Lefort, de Roger Gentis et de toute l'équipe de Bonneuil, 1976, Paris, Seuil.
    La Théorie comme fiction. Freud, Groddeck, Winnicott, Lacan, 1979, Paris, Seuil.
    D'un impossible à l'autre, 1982, Paris, Seuil.
    Ce qui manque à la vérité pour être dite, 1988, Paris, Denoël.
    Le nommé et l’innommable : le dernier mot de la vie, 1991, Paris, Denoël.
    Amour, haine, séparation : renouer avec la langue perdue de l'enfance, 1993, Paris, Denoël.
    Les mots ont un poids. Ils sont vivants : que sont devenus nos enfants fous, 1995, Paris, Denoël.
    Présentation de l’ouvrage collectif Devenir psychanalyste. Les formations de l'inconscient, 1996, Paris, Denoël.
    Elles ne savent pas ce qu'elles disent, 1997, Paris, Denoël.

    Bibliographie

    Avet R., 2014, Maud Mannoni. Une autre pratique institutionnelle, Champ social.
    Guérin Y., Pax J., 2022, Maud Mannoni et Rose-Marie Guérin. Fécondité d’une rencontre entre psychanalyse et éducation spécialisée, Paris, L’Harmattan.
    Oury F., Vasquez A., 1967, Vers une pédagogie institutionnelle, Éditions Maspero.
    Pirone I. et al., 2020, Enjeux d’inclusion à l’école : regards psychanalytiques, Psychologie clinique, numéro 50, 2020/2, edp sciences.
    Rizzo L., 2006, Entretien avec Maud Mannoni, 1982, Figures de la psychanalyse, 2006/2 (n° 14), 135-150, Érès.
    Sanlaville D., 2016, Tranches de vie en psychiatrie, Edilivre, 2016.
    Sanlaville D., 2019, Psychiatrie, hôpital, prison, rue.... Malades mentaux : la double peine, Chronique sociale.
    Szpacenkopf M.I.O., 2010, Maud Mannoni, apprendre une autre langue, Figures de la psychanalyse, 2010/2 (n° 20), 163-176, Érès.
    Villard M., 1995, Psychothérapie en Institution. Les "débiles" aussi ont une histoire, Hommes et Perspectives, accessible sur le site du Journal des psychologues,
    rubrique "la boutique".
    Villard M., 2000, La folie d’hier à aujourd’hui, in Autobiographie bibliographique, Edilivre.
    Documents audio
    Radio France, 28 avril 2019 : L’antipsychiatrie avec Maud Mannoni :
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/l-antipsychiatrie-avec-maud-mannoni-1855848
    Bibliothèque nationale de France, 22 Avril 2022, conférence sur "Maud Mannoni, la psychanalyse, l’institution et les marges", par une professeure allemande dont l’ouvrage ne serait pas traduit en français : https://youtu.be/c69SRq3fqF0 .

     Maurice Villard, juillet 2023

     Article paru dans la revue « Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes » / SNJMG N°37

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    Publié le 1700732561000