If you want to go fast, work alone. If you want to go far, work together

Publié le 02 Nov 2022 à 14:57
#chirurgien
#Urgences
#Bien-être
#Temps de travail
#Gériatre
#Médecin généraliste
#Médecin coordonnateur
#Gérontologue

 

Plus de 1500 gériatres européens se sont retrouvés à Londres pour échanger et se former avec la thématique du « multidisciplary work, better together ». En complément de l’excellente synthèse faite par les bénéfi ciaires des bourses de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (disponible sur : https://bit.ly/3U88Uel), l’AJG vous présente des résumés de sessions supplémentaires.

Évaluation gériatrique standardisée : les références à savoir !

Graham Ellis (Royaume-Uni) a donné une conférence inaugurale sur l’évaluation gériatrique globale. Il a commencé par rappeler les études prouvant le bénéfice clinique de cette approche : chez les patients hospitalisés en médecine aiguë (Ellis Cochrane 2017), en contexte péri-opératoire (Green BMJ 2005, Hanari Age Ageing 2007, Ellis SMJ 2012), en chirurgie (Eamer Cochrane Library 2018), aux urgences (Conroy Age Ageing 2011, Ellis Clin Interv Aging 2014), en hospitalisation à domicile (Ellis Cochrane 2011, Shepperd Cochrane 2016). Il a ensuite discuté des aptitudes professionnelles contribuant à l’efficacité de l’approche gériatrique globale : communication, management, car bien sûr : c’est avec l’équipe multi-disciplinaire que la magie opère ! Dans le pays d’Harry Potter, cela prend sens !

Recommandations mondiales sur les chutes : tous ensemble pour prévenir la chute !

« Chez l’enfant, il faut un an pour apprendre à marcher, et 10 ans pour acquérir toutes ses fonctions d’équilibre. Chez la personne âgée, tout cela peut être perdu en une journée ».

Manuel Montero-Odasso (Canada) a présenté les nouvelles recommandations mondiales sur les chutes, issue de 3 ans de travail d’un groupe de 96 experts des 5 continents.

Un algorithme d’évaluation, prévention et prise en charge est proposé. L’orateur a notamment insisté sur plusieurs points : un bas risque de chute (c’est- à-dire pas de chute dans l’année, ou une chute non grave + vitesse de marche > 0,8 m/s ou TUG < 15s) ne veut pas dire un risque zéro, le groupe recommande une prévention primaire, de l’activité physique et une réévaluation annuelle.

Les recommandations détaillent les stratégies pour augmenter l’observance, les façons efficaces d’augmenter l’exercice physique, les bénéfices des interventions multi-domaines, l’intérêt de la supplémentation en vitamine D en cas de risque de carence, et le bénéfi ce des bisphosphonates même dans le très grand âge. Après un compte à rebourds du plus bel effet, les recommandations étaient publiées simultanément dans Age and Ageing (https://doi.org/10.1093/ageing/afac205) !

Sarcopénie

Matteo Cesari (Italie) a traité d’actualités sur la sarcopénie : l’étude SPRINTT (Bernabei BMJ 2022) a démontré l’effet bénéfi que d’une intervention physique et nutritionnelle, adaptée à chaque participant de façon individuelle, sur 1500 patients âgés fragiles et sarcopéniques. Cette intervention de 36 mois a réduit l’incidence de la perte de mobilité (capacité à marcher 400 m en moins de 15 min) et amélioré les performances locomotrices mesurées par le score SPPB. Reste à savoir si l’effet sera maintenu après cette intervention de 3 ans (voir l’étude de Oh Age Ageing 2021 qui démontrait la perte d’effet après la période d’intervention).

Le consensus d’experts sur l’exercice physique chez les personnes âgées (Izquierdo JNHA 2021) décrit les types, fréquence et intensité d’exercice, pour la population générale et en fonction des syndromes gériatriques et des maladies chroniques.

Il a aussi rappelé le consensus d’experts sur les apports protéiques nécessaires pour maintenir ou reconstituer la masse musculaire des personnes âgées (PROT-AGE, Bauer JAMDA 2013) : 1 à 1,2 g/kg/j. Ce chiffre augmente à 1,2-1,5 g/kg/j dans la plupart des cas de maladie aiguë ou chronique. Une exception à cela est l’insuffisance rénale sévère (DFG<30ml/min, sans traitement par dialyse ni dénutrition), où des apports protidiques plus faibles (0,8 g/kg/j avec surveillance nutritionnelle rapprochée) ont une vertu néphro-protectrice.

Anorexie : agir dès la baisse de l’appétit

Sur le symposium « Anorexie », Natalie Cox (Royaume-Uni) a commencé par présenter les facteurs de contrôle de l’appétit. Ceux-ci sont complexes et engagent à la fois des mécanismes de régulation hormonale, du goût et de l’odorat, l’atteinte de la vidange gastrique... Les conséquences sont connues et graves : le faible appétit est directement corrélé à un mauvais état de santé avec dénutrition, fragilité et sarcopénie. Il faut agir AVANT l’arrivée des conséquences. Nathalie Cox a aussi insisté pour montrer que la perception de l’appétit et de la perte d’appétit par les individus est une clé de compréhension des mécanismes de l’anorexie et des pistes sérieuses de prises en charge qui mérite d’être mieux étudiée.

Clare Corish (Irelande) a présenté la diffi culté d’une mesure précise de l’appétit puisque dès le départ, il n’y a pas de définition consensuelle de la notion d’appétit ! Elle a montré les résultats de la scoping review réalisée par le groupe APPETITE pour identifi er les méthodes de mesures de l’appétit et d’évaluation utilisées pour les personnes âgées. Le score SNAQ ( Simplifi ed Nutritionnal Appetite Questionnaire) semble l’outil le plus pertinent, reproductible et faisable en pratique clinique pour estimer l’appétit et mettre en route des mesures immédiates, avant le stade de dénutrition.

Dorothee Volkert (Allemagne) a conclu ce symposium en insistant sur le fait que le faible appétit est au centre du modèle de dénutrition DoMAP (= Determinants of Malnutrition in Aged Persons), cf. schéma page suivante. Malgré cela, finalement assez peu d’études se sont intéressées à TRAITER la perte d’appétit. C’est pourquoi le projet APPETITE a vu le jour. C’est un essai européen qui vise à améliorer l’appétit via la prise de protéines végétales. Le but est aussi de montrer leur rôle sur la synthèse des acides aminés et de prévenir la dénutrition et la sarcopénie.

Prise en soins de la / les maladie(s) de Parkinson !

Alison Yarnall (Royaume-Uni) a commencé par présenter en détail la détérioration de la marche dans la Maladie de Parkinson idiopathique (MPI) et ses conséquences (chutes, sarcopénie). La dysfonction cholinergique est importante et précoce dans le déclin de la marche et l’essai ReSPonD (Henderson el al, 2016) a montré une effi cacité de la Rivastigmine vs placebo avec une amélioration du nombre de chutes (43 % des patients) et de la marche. Elle a aussi insisté sur les bienfaits de l’activité physique (Sarasso et al, 2022). Enfi n les applications spécialisées sur SMARTPHONE peuvent être des outils intéressants pour la prédiction des risques et du coup, l’individualisation des approches thérapeutiques (Lo et al, Ann Clin Transl Neurol 2019).

La seconde présentation du Pr Nir Giladi (Israël) portait sur l’approche personnalisée dans la maladie de Parkinson, notamment en fonction des facteurs génétiques. Il montre que les patients avec des mutations de la glucocérébrosidase 1 (GBA1) ont plus rapidement un déclin cognitif, des chutes, des fluctuations motrices, des troubles psychiatriques (Petricci el al, 2020, Movement Disorders). Ils s’aggravent avec la stimulation cérébrale profonde (Pal et al, Ann Neurol 2022). Il est donc important de séparer ces patients dans les essais cliniques pour ne pas fausser les résultats. Pour lui, il ne devrait pas y avoir de restrictions d’âge pour le dépistage génétique afi n d’avoir une approche plus personnalisée et adaptée aux risques du patient.

Enfi n, Alice Nieuwboer, professeur en kinésithérapie (Belgique) a conclu ce symposium sur la prévention des chutes dans les MPI. L’utilisation de biomarqueurs connectés (longueur de pas, vitesse, ballant des bras, freezing...) a montré que près de 60 % des chutes sont imputables au freezing. La dernière méta-analyse publiée dans la revue Cochrane (Allen N et al, 2022) montrent l’effi cacité de l’exercice physique mais de façon assez limitée. La principale critique est que les exercices proposés sont souvent différents en termes d’actions : intensité, résistance, taï chi, endurance, etc. Les dernières études montrent une amélioration des troubles de la marche avec des exercices ciblant à la fois la cognition et la motricité avec une double tâche motrice (par exemple avec tapis de marche ou la bande du pied droit ne va pas à la même vitesse que la bande du pied gauche). La Cohorte Mobilise-D va continuer de monitorer les effets de ces programmes de réentraînement pour changer ensuite les modalités de rééducation dans la maladie de Parkinson.

Immersion en EHPAD : un apprentissage de la médecine, de l’humanité, de la patience !

Cette session qui sortait un peu du lot (orateurs extra-européens, pas de grands essais thérapeutiques) retraçait des expériences immersives des étudiants en médecine dans des EHPAD en Australie et aux Etats-Unis.

Le Pr Rosemary Saunder (Australie) a présenté des stages ouverts aux étudiants en médecine en EHPAD. Les résidents d’un EHPAD et des étudiants en médecine (équivalent du 2 ème cycle d’études médicales en France) se rencontraient régulièrement. Ces derniers participaient à l’examen clinique, le suivi médical, la gestion des urgences et l’accompagnement de fin de vie... Une plate-forme de « e-learning », disponible sur https://e-ageing.wacha.org.au/ permettait aussi aux étudiants de travailler les thématiques gériatriques avec des cas cliniques, des tests, des enseignements magistraux. L’évaluation de ces stages est revenue très positive, autant du côté des étudiants que des résidents !

Le Pr Marilyn Gugliucci (Etats-Unis) a résumé les expériences d’immersion en EHPAD d’étudiants en médecine. Ces derniers devaient être « comme un résident ayant une pathologie ». L’exemple de l’AVC était le plus « simple » à reproduire. Les étudiants se retrouvaient « hémiplégiques », parfois dysphasiques, avec des troubles de la déglutition... Ils devaient vivre la vie d’un résident 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pendant 14 jours dans un EHPAD.

Ils étaient aidé pour la toilette ou pour aller aux toilettes, devaient manger des textures adaptées, prendre 8 à 12 médicaments (placebo) par jour, participer aux activités... Ils ont eu l’occasion d’échanger avec les résidents également et mieux comprendre leurs besoins et leurs attentes dans les soins, la médecine et l’accompagnement. Les témoignages étaient souvent bouleversants avec ces 14 jours et tous exprimaient le fait que cette expérience les aiderait à être de meilleurs médecins, plus humains, plus à l’écoute, plus empathique.

Projet de l’AJG de promotion de la Gériatrie

Nous avons présenté un poster sur notre projet de promotion de la Gériatrie à travers la bande dessinée. Il s’agit d’une collaboration avec le réseau de professionnels de la bande dessinée The Ink Link (theinklink.org) qui a pour objectif de mieux faire comprendre notre discipline aux professionnels de santé qui n’y sont pas formés. Nous vous donnerons bientôt des nouvelles de ce projet et rendez-vous à la JAJG 2023 pour le découvrir dans son intégralité !

Enfin, soulignons l’interprétation de « My way » d’un gériatre belge qui a permis de conclure le congrès sur une standing ovation. Le rendez-vous a été pris pour 2023, du 20 au 23 septembre à Helsinki !

Dr Florent GUERVILLE CHU de Bordeaux

Dr Nathalie JOMARD Centre Hospitalier des Monts du Lyonnais
Pour l’Association des Jeunes Gériatres

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°31

 

L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

Publié le 1667397456000