Humanitaire : Une mission avec kinésithérapeutes du monde

Publié le 06 May 2022 à 10:00


Je suis depuis deux mois en mission au Cameroun avec Kinésithérapeutes Du Monde (KDM). L'objectif global d'une mission KDM est d'améliorer la prise en charge du handicap en aidant au développement des métiers de la rééducation par la formation, la sensibilisation et en soutenant et participant à l'organisation fonctionnelle et matérielle des structures partenaires.

La mission au Cameroun est itinérante et se déroule sur une année (deux kinésithérapeutes vont se relayer) auprès de trois partenaires : une école de kinésithérapie, un réseau hospitalier et un centre médico-social.
En plus des objectifs globaux d'une mission KDM, l'axe plus spécifique de cette mission est d'améliorer les compétences des kinésithérapeutes dans l'encadrement de stagiaires car de nombreuses écoles de kinésithérapie fleurissent au Cameroun. Ainsi, j'ai débuté mon action auprès des formateurs d'une école de kinésithérapie. Les objectifs étaient d'évaluer et d'apporter des clés pédagogiques aux formateurs, d'organiser les périodes de stage au sein des différentes structures partenaires de la mission et de réaliser un livret de stage permettant d'améliorer le suivi des étudiants.

Puis à quelques kilomètres de Yaoundé, dans le premier hôpital, le but était de renforcer les compétences de la kinésithérapeute en place, d'organiser le service de rééducation (fiche de bilan et de suivi des patients, accessibilité aux soins de kinésithérapie ainsi que réalisation de matériel) et de soutenir la structure dans la promotion de la rééducation (journées de sensibilisation pour le personnel et la population locale). Je suis depuis peu dans l'Ouest du Cameroun où je vais intervenir dans trois hôpitaux appartenant au même réseau de soin. Le travail sera sensiblement le même que dans le premier hôpital (sensibilisation, renforcement de compétences, aménagement du plateau technique).

Je terminerai en intervenant au sein d'un centre médicosocial qui a déjà bénéficié d'un partenariat avec KDM par l'envoi de deux kinésithérapeutes et un ergothérapeute.

Depuis le début de la mission, les différents partenaires ont tendance à me mettre en posture de « supérieure hiérarchique » et sont donc très en attente de « mon intervention ». Parfois cela peut être déroutant et source d'une certaine pression car je ne me sens pas toujours à la place qu'ils m'attribuent. Je ne cesse de leur rappeler que je suis avant tout leur collaboratrice et que sans leur implication, l'intervention de KDM n'aboutira pas à une action pérenne d'autant plus que le temps passé dans chaque structure est faible (deux périodes de cinq semaines pour chaque structure). Ainsi, il faut pouvoir créer un réel échange avec les acteurs locaux et intervenir avec beaucoup de modestie ; donc mon regard extérieur et critique vis à vis de leurs compétences et de l'organisation mise en place me permet de les soutenir dans l'émergence d'actions de développement. Il est important avant tout de créer une dynamique, une impulsion en m'appuyant sur mes collègues camerounais : leur motivation et leur engagement est une des clés de la réussite de la mission. Malgré l'implication des kinésithérapeutes et les précautions prises pour éviter de les décrédibiliser auprès des autres professionnels et des patients, il est triste de voir que l'effet « peau blanche » est un facteur important de crédibilité et que les compétences des collègues ne sont pas reconnues à leur juste valeur : les initiatives apportées par mes collègues sont parfois peu encouragées alors que les mêmes propositions reçoivent plus d'approbations lorsque j'en suis la porte parole. C'est toute la complexité d'une mission : savoir valoriser les professionnels en place vis à vis des médecins et des patients afin de leur redonner leur place à part entière.

Cette aventure professionnelle revêt aussi un caractère personnel et il est, je pense, très important pour le volontaire de partir avant tout pour son enrichissement.

Du point de vue professionnel, il s'agit d'une expérience clé dans ma carrière qui pourra servir de tremplin pour la suite de mes projets en France. Au niveau personnel, c'est tout simplement… exquis. La rencontre d'une autre culture qui permet de sourire de pratiques qui semblent désuètes pour nous, français, mais aussi d'un autre côté de prendre du recul sur sa vie et les habitudes que nous avons prises. Il est important de savoir s'adapter à toutes les situations et de pouvoir facilement rire des plus déroutantes. Partir dans le contexte de cette mission me permet de faciliter les échanges car la solitude sous-entend une plus grande réceptivité aux rencontres d'autant plus que les camerounais sont très accueillants et m'accompagnent dans la découverte touristique de l’environnement, mais aussi des traditions et des cuisines locales.

Je suis avant tout leur collaboratrice et que sans leur implication, l'intervention de KDM n'aboutira pas à une action pérenne d'autant plus que le temps passé dans chaque structure est faible. Ainsi, il faut pouvoir créer un réel échange avec les acteurs locaux et intervenir avec beaucoup de modestie.

Même si, au-delà de ce tableau peut-être trop idyllique, il y a régulièrement des moments plus difficiles soit par la sensation de ne pas être capable d'atteindre les objectifs fixés, soit par le fait d’être loin de ses proches (et notamment de mon mari), je dirais que cela fait aussi parti de la mission. Le volontaire qui s’engage nécessite une réflexion personnelle approfondie avant d'envisager un départ.

Comme j'aime à le dire, l'inconnu est effrayant, on ne peut se lancer dans une aventure comme celle-ci sans certaines appréhensions... mais cela ne doit pas être un frein car, cet inconnu est ce qui permet de se remettre en question, de toujours se maintenir en éveil et, par ces biais, de construire sa vie.


Mathilde Ernould
MKDE
Volontaire en Mission pour KDM (partenaire de la FNEK)

Article paru dans la revue “Le Journal des Étudiants Kinés” / BDK n°49

Publié le 1651824007000