Le principe de la contraception intrautérine est connu depuis l’antiquité. Déjà du temps des pharaons, les bédouins glissaient des cailloux dans l’utérus des chamelles pendant les longues traversées du désert, pour éviter une grossesse en plein voyage (1-2). On a également retrouvé des stérilets dans les momies égyptiennes.
Le premier brevet fut quant à lui déposé en 1902 par Carl Hollweg (3) : il s’agissait d’un dispositif en forme de fourchette, comportant deux branches métalliques.
C’est à Waldeburg en Pologne, en 1909, que Richard Richter décrit pour la première fois un dispositif intra-utérin à usage contraceptif : l’anneau en crin de Florence (fils de soie).
20 ans plus tard, en 1928, Ernst Gräfenberg, polonais et premier sexologue à évoquer le mystérieux « point G » (2), étudie son efficacité : 3 % de grossesses sur 1100 cas. Et décide d’y apporter une « petite » amélioration : un alliage de fils d’argent, enroulé en spirale. Qui contenait 26 % de cuivre ce que Gräfenberg ignorait (4) ! En tout cas, sans surprise, l’anneau de Gräfenberg était encore plus efficace que son prédécesseur : 1,6 % de taux de grossesses.
Suite à la découverte du polyéthylène, plastique biologiquement inerte et temporairement déformable (5), l’obstétricien polonais Lazar Margulies, propose cette même année pour la première fois un dispositif intra-utérin en plastique. Il est en forme de S, avec deux fils de nylon souple, toujours présents actuellement. Les premiers essais donnent des résultats prometteurs ; Margulies présente également une technique de pose qui ne justifie pas de dilatation cervicale (6). Il connaît plus de succès que ses prédécesseurs, malgré un procès américain tenu dans les années 1970 contre un autre de ses modèles ayant indirectement causé des décès.
Le Dr Pierre Simon, physicien français né à Metz, présente en juillet 1964 le stérilet à la presse et le décrit comme : « une sorte de crosse d’évêque finissant en grains de chapelet » (4). L’Express l’interroge : « au fait, pourquoi ce nom de “stérilet” ? “C’est un mot que j’ai fabriqué en juillet 1964, juste avant la conférence de presse ; « DIU » — pour dispositif intra-utérin — était trop ridicule et nous faisait courir le risque d’un échec médiatique. Nous ne pouvions pas nous le permettre…” ».
D’ailleurs, cette même année (1964), un cours sur la contraception est inscrit pour la première fois dans les facultés de médecine de Tours et de Lyon (7).
En France, ce n’est qu’à partir de la loi du 28 décembre 1967 que la fabrication et la vente des contraceptifs sont autorisées.
Le Dr Zipper démontre en 1968, les effets contraceptifs intra-utérins des ions métalliques tels que le cuivre chez la lapine. Le cuivre est finalement reconnu pour ses propriétés spermicides (diminution de la mobilité mais aussi de la viabilité des spermatozoïdes : effet toxique dose-dépendant), et est donc ajouté aux DIU pour donner le dispositif que nous connaissons aujourd’hui ! Il est alors en forme de « T » et se place à la verticale, « bras » repliés, derrière le col de l’utérus. Les propriétés contraceptives propres au cuivre permettent de réduire les dimensions des DIU donc de les rendre plus faciles à insérer, mieux supportés et diminuer leur risque d’expulsion par rapport aux modèles en polyéthylène seul qui seront ainsi bientôt abandonnés.
Le contenu en cuivre des DIU augmente ainsi au fil des années : 200 mm² initialement puis des modèles porteurs de 250, 275 mm² et actuellement 380 mm² de cuivre, avec à chaque fois un gain d’efficacité.
En parallèle de ces améliorations, une version hormonale de l’objet a été développée pendant les années 1960 et 1970, avec pour but d’assurer une contraception efficace en tentant, notamment, de limiter l’effet indésirable « augmentation des saignements menstruels »
Dans Pioneers of the intrauterine device, article publié en 1997 au sein de l’European Journal of Contraception and Reproductive Health Care, nous découvrons que le Dr Scommegna, de Chicago, est à l’origine d’un DIU hormonal disponible dès le milieu des années 1970, mais qui n’a pas convaincu le grand public car il n’était efficace que pendant un an. Il a cependant été fabriqué jusqu’en 2001 ! C’est au Dr Luukkainen que nous devons la mise au point, en 1976, du DIU hormonal encore utilisé de nos jours.
Le Dispositif intra-utérin : des implications géopolitiques ?
Hartmann raconterait que dans les années 80, sous le régime militaire de Suharto en Indonésie, des stérilets étaient posés aux femmes sous la menace d’armes à feu dans le cadre du néomalthusianisme (8). Le néomalthusianisme est l’idée selon laquelle l’augmentation de la population mondiale doit être limitée afin de prévenir des catastrophes environnementales, des crises alimentaires liées à une production insuffisante ; ainsi que des révoltes politiques. De même, en vertu de la politique de l’enfant unique adoptée en Chine en 1979, tous les couples de chinois Han ayant au moins un enfant devaient utiliser un moyen de contraception efficace: les femmes se voyaient poser un stérilet après une première naissance conformément aux directives municipales (9) ! Le gouvernement chinois utilisait apparemment des anneaux en acier sans fil, pour rendre plus difficile (et dangereux !) les retraits par les patientes. Histoire d’éviter que les femmes interfèrent avec le dispositif politique.
Actualités
Connaissez-vous le DIU Etherena ? En forme de T, permet une insertion en 1 temps comme les DIU au lévonorgestrel (remboursé 60 %).
Océane PÉCHEUX
Références
1. Histoire des contraceptifs [Internet]. [cité 31 janv 2019]. Disponible sur : http://www.alphanet.ch/~scream/absolut/histoire.html
2. http://www.avortementancic.net/spip.php?article36
3. Fritz MA, Speroff L. Clinical Gynecologic Endocrinology and Infertility. Lippincott Williams & Wilkins; 2012. 1456 p.
4. https://www.madmoizelle.com/sterilet-cuivre-diu-histoire-1048484
5. RPC CNGOF 2020.
6. Reed, James (1984). The Birth Control Movement and American Society: From Private Vice to Public Virtue. Princeton University Press. p. 306. ISBN 9781400856596.
7. "La contraception au fil du temps. Histoire de la contraception" par Martine Chosson, Association Nationale des Centres d'IVG et de Contraception .
8. https://doi.org/10.3917/tgs.034.0109
9. Greenhalgh et Li, 1995.
Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°22