Gynéco’Pratique ! - Lésions dermatologiques vulvaires bénignes

Publié le 26 Mar 2024 à 12:35
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°2


Description, diagnostic et traitement

Après la parution dans la première édition de deux fiches synthétiques consacrées à la prise en charge des bouffées vasomotrices et des violences faites aux femmes, vous trouverez dans ce numéro une fiche pratique traitant des différentes lésions vulvaires bénignes pouvant être rencontrées en consultation.
Il s’agit bien évidemment d’une fiche non exhaustive, attachée à la description des lésions bénignes seules, et ayant pour vocation d’éclairer l’interne face aux nombreux diagnostiques pouvant être évoqués.
Devant l’ampleur du sujet traité, nous nous consacrerons aux lésions malignes au cours d’un prochain numéro de La Revue de la GynécoMed.
Nous tenons à remercier le Dr Patricia Senet pour le temps qu’elle a bien voulu consacrer à la relecture et à la correction de ce travail. En vous souhaitant une bonne lecture !

Variations physiologiques 
Après la ménopause, les grains de Fordyce et la papillomatose vestibulaire disparaissent progressivement

 

Grains de Fordyce

Glandes sébacées situées dans la partie superficielle du chorion. Petites lèvres, face interne des grandes lèvres, sillons interlabiaux. ~ Micro-papules jaunâtres, parfois regroupées en plaque.

 

Papillomatose vestibulaire

Environ 1/3 des femmes. 
Symétrique sur les faces internes des petites lèvres, s’étendant parfois sur tout le vestibule.

  • Se distingue des condylomes par son caractère translucide, filiforme.

Histologie  : Lésions papillomateuses exophytiques, centrées par un axe conjonctivovasculaire recouvert d’un épithélium. Présence de quelques cellules d’aspect koïlocytaire ne signifiant pas la présence d’une infection à HPV. Cet aspect cellulaire, dans une muqueuse, peut être un artefact favorisé par toute inflammation.


Dermatoses de localisation vulvaire

Lichen Plan

Affection chronique et récidivante, préférentiellement localisée sur la muqueuse buccale. Localisation génitale principalement chez les femmes non ménopausées. La forme clinique la plus fréquente est la forme érosive.

  • Forme stable : Isolée et asymptomatique ou forme séquellaire avec remaniements anatomiques.
  • Forme active : Érythème et érosions.
  • Grandes lèvres : Papules violines, comparables aux localisations cutanées de cette affection. Lésions érosives rares.
  • Face interne des grandes lèvres, petites lèvres, vestibule  : Lésions érosives fréquentes ± stries ou papules blanchâtres réticulées (comparables aux lésions de lichen plan buccal) ± plaques leucokératosiques.
  • Syndrome Vulvo-Vagino-Gingival  : Forme érosive touchant plusieurs muqueuses, rare mais sévère
    en raison de l’atteinte vaginale (synéchies). Vaginite inflammatoire desquamative et érosive avec leucorrhées hémorragiques spontanées et dyspareunie grave permanente. L’atteinte vaginale sans atteinte vulvaire est exceptionnelle.

Évolution : Synéchies des petites lèvres (entre elles, refermant l’orifice vestibulaire, ou avec les grandes lèvres adjacentes), encapuchonnement clitoridien.
Complication majeure (si érosif++) : formation de synéchies vaginales, de traitement très difficile car les récidives postchirurgicales sont fréquentes.

Traitement :

Éviter les savons acides, afin d’éviter une surinfection bactérienne et candidosique. Corticostéroïdes forts topiques.
Formes graves avec atteinte vaginale : corticothérapie per os (0,5 mg/kg/j) d’emblée et immunosuppresseurs.

 

Lichen Scléreux

Étiologie inconnue. Femmes péri et post-ménopausiques principalement.

Souvent étendu à la région périnéale et périanale, parfois aux sillons génito-cruraux, très rarement au vestibule et jamais au vagin.

Diagnostic : Clinique 

– Prurit 70 % des cas d’intensité variable, intermittent ou permanent.
– Brûlures péri-mictionnelles ou permanentes si érosions ou fissurations muqueuses.
– Quelque fois asymptomatique.

  • LSV atrophique : muqueuse vulvaire fine, blanchâtre nacrée et brillante ;
  • LSV hyperplasique ou lichénifié : blanchâtre mate ou jaunâtre ;
  • Plus rarement, blancheur vitiligoïde ou hyperpigmentation post-inflammatoire ;
  • Synéchies interlabiales avec disparition des petites lèvres, synéchies clitoridiennes déterminant l’aspect encapuchonné, synéchies postérieures des petites lèvres source de bride postérieure ;
  • Fissures, érosions, ulcérations ou hémorragies sous épithéliales en rapport avec la fragilité des muqueuses.

Évolution : Chronique et récidivante.

– Risque (environ 5 %) dominé par le développement d’un carcinome épidermoïde vulvaire. Âge moyen de 70 ans, plus jeune si évolution depuis l’enfance.

Histologie : La biopsie n’est pas indispensable si l’aspect clinique est typique (et en l’absence de zone suspecte). Si une biopsie est réalisée, l’examen histologique retrouve :

  • Atrophie épithéliale, hyalinisation en bande du chorion superficiel avec infiltrat lymphocytaire sous-jacent. La coloration par l’orcéine met en évidence la disparition des fibres élastiques au sein de la hyalinisation.
  • Aspect hyperkératosique et acanthose en cas de LSV hyperplasique.
  • L’épithélium peut être le siège d’atypies cellulaires localisées à la partie basale de l’épithélium : ces lésions épithéliales sont les vraies lésions précancéreuses.

Traitement  : Corticostéroïdes topiques classe 1 en première intention. En cas de gêne, en particulier lors des rapports, une chirurgie des brides est proposée secondairement.

Lichénification vulvaire

Toujours secondaire à un prurit chronique.

Sur les grandes lèvres principalement.

Interrogatoire  +++ : Facteur irritant, antécédent de dermatite atopique, psoriasis, dermite séborrhéique…

À l’examen : Rechercher, même en l’absence de leucorrhée, une infection génitale chronique ou récidivante, en particulier candidosique.

  • Peau vulvaire épaissie, œdémateuse, quadrillée, sèche.
  • En dehors des dermites de contact irritatives ou allergiques, penser aux dermatoses inflammatoires (lichen, dermatite atopique, psoriasis), infectieuses (gale, dermatophytie) et tumorales (condylomes, papulose bowenoïde qui peuvent être cachées par les lésions de lichénification, maladie de Paget vulvaire, syringome ou autre tumeur bénigne).
  • Chez la femme ménopausée, une lichénification peut être aussi due à une sécheresse muqueuse génitale secondaire à une insuffisance œstrogénique.

Vulvite de Zoon

État érythroplasique d’évolution chronique mais bénigne.

Primaire sur atrophie post-ménopausique ou secondaire sur lichen plan ou scléreux.

  • Plaques érythémateuses fixes d’apparition insidieuse, de couleur rouge sombre carminé, parfois rouge-brun-chocolat, ou ecchymotiques.
  • Lésions planes, souples, non infiltrées, à surface lisse, vernissées, brillantes.
  • Bords flous et mal limités, lésions souvent bilatérales et symétriques, tendant au cours de l’évolution à confluer pour ne former qu’une seule nappe.
  • Plus rarement  : formes érosives ou granulomateuses en « grains de poivre de Cayenne », ou bourgeonnantes et végétantes.

Histologie typique et nécessaire pour éliminer une maladie de Bowen ou de Paget vulvaire.

Infiltrat plasmocytaire, modifications vasculaires avec extravasion des globules rouges à l’origine de la présence de pigments sanguins dans le derme, expliquant la coloration parfois ecchymotique ou rouge-brun des lésions. Dépôts à rechercher par coloration de Perls, mais peuvent être absents.

Traitement  : de l’atrophie vaginale de la ménopause, dermocorticoides, émollients.

 

Collagénoses

  • Lupus  : Lésions leucoplasiques ou érythémateuses parfois érosives, sans aspect clinique spécifique.
  • Le syndrome de Sjögren est à l’origine d’une sécheresse vulvovaginale.

Maladies bulleuses auto-immunes

  • Pemphigoïde bulleuse cicatricielle : Peut être à l’origine d’un syndrome VVG tout à fait comparable à celui du lichen plan pluri-muqueux érosif. L’immunofluorescence directe est indispensable pour les différencier.
  • Pemphigus : Plages érosives et douloureuses pouvant révéler la maladie.
  • Dermatoses à immunoglobulines A linéaires  : Chez l’enfant et chez l’adulte. Attention, chez l’enfant, ces lésions sont à l’origine d’érosions pouvant être prises pour un abus sexuel.

 

Crohn

Révélateur de la maladie dans 20 % des cas, évolution a priori indépendante de l’atteinte digestive.

  • Lésions polymorphes : vulvite inflammatoire, œdémateuse et fissuraire évoluant par poussées puis devenant permanente ; ulcérations douloureuses, parfois végétantes ; érosions vulvaires ; fistules ou abcès...

Histologie : Granulome épithélioïde.

Diagnostics différentiels : Sarcoïdose et tuberculose, mais le contexte clinique oriente généralement le diagnostic...

 

Psoriasis

Localisation vulvaire peut être isolée, bien que le plus souvent, le diagnostic soit facilité par l’association à une atteinte des plis.

  • La macération modifie le caractère squameux des lésions, mais la nette délimitation des plaques érythémateuses aide au diagnostic.

Dermatite séborrhéique

Grandes lèvres et pubis.

  • Érythème légèrement squameux et prurigineux.

 

Maladie de Hailey-Hailey ou dermatose acantholytique familiale

Sur le versant cutané des lèvres et la peau adjacente.

  • Placards éryhémateux, érosifs, avec des rhagades, suintants.

Traitement : dermocorticoides en 1ère intention ou tacrolimus topique.

En 2ème intention : toxine botulinique, laser CO2, dermabrasion, naltrexone.


Vulvodynie

Association de trois critères : Érythème vestibulaire physiologique + douleur provoquée par les frottements (la dyspareunie avec brûlures est un motif de consultation++) et/ou spontanée + douleur déclenchée par le toucher d’un Coton-Tige (Q-tip positif des Anglo-Saxons).
Interrogatoire  : Lourd passé de candidoses à répétition et multiples traitements locaux. Possible participation psychoaffective de ces troubles, patientes souffrant de dépression, de vaginisme, …
Histologie : Ne pas réaliser car retrouve une inflammation non spécifique !

Lésions vulvaires infectieuses

Candida Albicans : Mycose

  • Prurit, rougeur et œdème vulvaire. Leucorrhées blanchâtres ± dyspareunies ± dysurie.

Diagnostic : Prélèvement vaginal pour culture.
Traitement : Antifongiques, tels que le clotrimazole ou le fluconazole + conseils d’hygiène.

 

HSV 1 et 2 : Herpès génital

Primo-infection 4-7 jours après infection, ou récurrence. Durée en moyenne de 7 jours.

  • Vésicules douloureuses et ulcérations (attention à la surinfection bactérienne !).

Diagnostic : Si doute uniquement, prélèvements pour confirmation.

Traitement : Antiviraux (aciclovir, valaciclovir).

 

HPV : Condylomes acuminés 

Marge anale, Vulve et col ++, rarement dans le vagin, exceptionnellement dans l’urètre.

  • Papules ou plaques fermes, quelques fois pigmentées, grises, quelques fois exophytiques ; ou macules pigmentées (condylomes plans).

Diagnostic : Inspection visuelle.

Traitement : Électrocoagulation, cryothérapie, imiquimod.

 

Poxvirus : Molluscum Contagiosum 
Versant cutanée des grandes lèvres et peau adjacente.

  • Papules fermes nacrées, avec une dépression centrale typique, habituellement indolores.
  • Lorsque profus, aspect pseudovégétant parfois tumoral.
  • Peut-être le reflet d’une immunodépression, rechercher une infection VIH.

Diagnostic : Clinique.
Traitement : Cryothérapie, laser, …

 

E.Coli, Streptocoques, Staphylocoques, … : Bartholinite 

  • Douleur, tuméfaction du vestibule, parfois fièvre.

Diagnostic : Examen clinique, culture si abcès.
Traitement : Antibiothérapie, incision et drainage si abcès.

 

Trichomonas (parasite) : IST 

  • Écoulement vaginal anormal jaune-vert, mousseux, démangeaisons, dyspareunies ou dysurie.

Diagnostic : Examen clinique + Test PCR, culture, antigènes.
Traitement : Antiparasitaires (ex : métronidazole), et traitement simultané des partenaires.

 

Treponema pallidum : Syphilis

  • Syphilis primaire : Chancre indolore, ulcération indurée et propre témoignant de la réplication du tréponème au niveau de la porte d’entrée. Association à une ou plusieurs adénopathies, non inflammatoires. Début en moyenne 3 semaines après contage, et disparition spontanée. Sur les organes génitaux : Peau ou muqueuse, y compris le col de l’utérus. Sur la muqueuse anale ou la muqueuse buccale.
  • Phase secondaire : Précocement roséole (tronc) puis syphilides maculo-papuleuses non prurigineuses (palmoplantaires). Plaques muqueuses ± érosives (bouche et organes génitaux). En général 6 semaines après le chancre et jusqu’à un an après contamination. Régression spontanée.
  • Phase tertiaire : Rarissime actuellement. Complications neurologiques, cardiaques et oculaires en phase tertiaire.

Diagnostic : Clinique et test tréponémiques ± Ponction lombaire si atteinte neurologique suspectée.
Gravité : Liée d’une part au risque de syphilis congénitale, et d’autre part à certaines localisations (SNC dont œil).

Traitement

  • Pénicilline G retard en IM pour les stades précoces.
  • Doses répétées pour les infections de longue durée.
  • Doxycycline si allergie.
  • Suivi : succès affirmé par la décroissance du VDRL.

Sarcoptes scabiei et Pediculus humanus var. pubis (parasites)  : Gale et Poux Pubiens : IST 

  • Prurit intense, surtout nocturne, lésions excoriées.

Diagnostic : Visualisation des acariens/oeufs, test à l’encre.
Traitement : Scabicides, pédiculicides topiques.

 


Laure Coëz
Interne en Gynécologie Médicale
3ème semestre

Paris

Références

https://www.infectiologie.com/fr/pilly-etudiant-2023
https://www.sfdermato.org/media/pdf/information-patient/fiche-info-lsv-160513-logo-em-d9e388aeb421c29f13d1712f72b3707b.pdf
https://www.snfcp.org/actualites/atlas-de-dermatologie/
https://societe-medicale.fr/wp-content/uploads/2019/04/pathologie-vulvaire_compressed.pdf
https://www.hpsj.fr/wp-content/uploads/2015/01/Les_Condylomes_Acumines.pdf

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Publié le 1711452958000